Micro-crédit : la débrouille des fintech pour mesurer votre solvabilité

Micro-crédit : la débrouille des fintech pour mesurer votre solvabilité En l'absence d'un registre national recensant les crédits contractés, les fintech doivent innover pour mesurer la solvabilité de leurs clients.

Besoin d'un coup de pouce financier pour un achat ? Avec les start-up de micro-crédit, pas une seconde de perdue, le compte est abondé en un court instant. Sur le même principe, les offres de paiement fractionné et différé ont fleuri dans le monde du shopping. Alma, Floa, Klarna ou Oney, on ne compte plus les acteurs de ce marché.

Comment ces fintech s'assurent-elles que les clients ne feront pas défaut ? Le scoring, à savoir la mesure de la capacité à rembourser un crédit, est au cœur de la machinerie. Contrairement à d'autres pays européens ou aux Etats-Unis, le cas français est particulier car les acteurs ne disposent pas de fichier positif pour recenser les crédits contractés par les consommateurs. Seul un fichier négatif (FICP) regroupe les incidents de remboursement des crédits, il est uniquement destiné aux établissements de crédit (ce que ne sont pas forcément les fintech). Tous les outils sont donc bons pour compenser ces manques et obtenir l'analyse la plus précise. Avec une exigence primordiale : la rapidité de l'octroi.

L'open-banking, solution par défaut

"Le surendettement n'est pas notre business model"

L'absence d'un fichier centralisé pour connaître la solvabilité des consommateurs est un besoin criant à en croire les acteurs du crédit interrogés. "Ça fait partie de nos revendications, on devrait avoir des informations sur les personnes en situation délicate", avance Guillaume Desloges, cofondateur de la société Alma. "Sans fichier positif, j'ai peut-être en face de moi quelqu'un en train de se noyer. Ça nous servirait à ne pas accorder de crédit, le surendettement n'est pas notre business model", poursuit-il. Problème, un tel registre des crédits a déjà été proposé en 2014 dans la loi Hamon, avant d'être retoqué par le Conseil constitutionnel. Peu de chance, donc, de le voir arriver en France.

Pour s'adapter à cette contrainte du marché français, les start-up doivent donc s'appuyer sur d'autres ressources. L'open-banking fait figure de substitut par défaut, un outil puissant qui permet aux entreprises d'analyser les comptes bancaires des consommateurs. "Aujourd'hui, c'est grâce à l'open-banking que toutes ces plateformes travaillent et proposent un scoring rapide : elles ont suffisamment de data profonde et de qualité pour mettre en place des modèles d'analyse", précise Nicolas Jaïs, du fonds Eiffel Investment Group, participant au fonds commun de titrisation d'Alma.

Pour certaines fintech, accéder aux informations bancaires est une condition sine qua non. "Quand l'utilisateur télécharge l'appli, on lui demande de connecter son compte en banque. On a un accès en lecture à ses trois derniers mois, on peut vérifier s'il a des revenus réguliers et son taux d'endettement pour mesurer le poids des dettes et des crédits", détaille Benjamin Daudignac, cofondateur de Bling, une start-up de micro-prêts. Une montagne de données qui ferait presque oublier l'absence de fichier positif.

Les apps mobiles pour scorer

Quitte à surfer sur la vague des paiements en ligne, autant pousser le concept jusqu'au bout. Certaines entreprises de crédit ont développé leur propre application de shopping pour suivre de A à Z le parcours du consommateur. Ces applications pour smartphone sont une mine d'informations pour étudier le comportement des clients, nouvel indice de leur solvabilité.

Depuis son lancement en France, Klarna fait de son application sa marque de fabrique pour proposer une offre complète aux utilisateurs. Même combat pour le français Oney. "Avec Oney+ (une application pour fractionner les paiements sur son smartphone, ndlr), on aura plus d'informations sur le client pour limiter le risque de surendettement", affirmait Jean-Pierre Viboud, CEO de Oney, le 30 juin au JDN. Ces apps confirment la tendance des entreprises à élaborer en interne de nouvelles techniques de scoring, loin d'un fichier positif dont la philosophie est de centraliser l'information bancaire.

Quels critères pour les algorithmes ?

Une fois cet agrégat d'informations en main, ces sociétés doivent trancher si oui ou non le client mérite le crédit. Chez les Gafa comme chez les entreprises de crédit, la recette magique d'un algorithme interne reste une tambouille bien gardée. Mais les grandes idées pour mesurer la solvabilité des consommateurs chez les fintech du crédit restent similaires aux critères des établissements traditionnels : savoir si le client a des revenus réguliers et s'il est déjà endetté. "Les informations qu'on utilise sont très classiques, on ne fait qu'automatiser ce que les banques faisaient auparavant", appuie Riadh Alimi, CEO de l' entreprise française de micro-crédit Finfrog. Il poursuit en expliquant les bienfaits de la DSP2, une directive européenne sur les services de paiement : "L'innovation concerne surtout la transmission des informations qui est sécurisée (du compte bancaire vers Finfrog, ndlr), ainsi que la rapidité dans la prise de décision."

"Est-ce que la personne a joué au PMU ou est-ce que ses revenus viennent du bitcoin ?"

Dans l'entreprise de Benjamin Daudignac, une dizaine d'ingénieurs et data-analystes travaillent sur l'algorithme maison pour améliorer en continu son efficacité et la pertinence du score : "Chez Bling, plus de 180 critères ont été développés en interne, il y a une intelligence artificielle qui apprend avec le temps et affine le score." La levée de fonds bouclée fin juin 2021 lui a permis de recruter des équipes pour travailler spécifiquement sur l'algorithme. "Nous voulons être capables d'identifier des comportements à risques, donc il y a aussi des critères plus exotiques : est-ce que la personne a joué au PMU ou est-ce que ses revenus viennent du bitcoin par exemple", s'enthousiasme le jeune dirigeant. Parmi les autres informations retenues, l'entreprise recense le nombre de jours au cours desquels le client était à découvert ou la fréquence des refus de paiement.

Les données de la base client des fintech sont aussi utilisées pour connaître la fiabilité d'un individu. Le consommateur qui n'honore pas le remboursement de son crédit aura moins de chances d'en avoir un autre à l'avenir. "Nous pouvons obtenir un gros historique sur la personne : ça fait trois ans qu'on existe, alors que Klarna n'est en France que depuis un mois. On connaît mieux nos clients", tacle le cofondateur d'Alma Guillaume Desloges. Un avantage structurel dont peuvent se targuer les acteurs les plus anciens sur le marché. Plus généralement, l'âge des solutions est un argument pour assurer que l'algorithme de scoring est éprouvé et fiable. "Finfrog a cinq ans de trackrecord sur le marché français pour prédire la capacité de remboursement de ses clients", assure son dirigeant. Paradoxe des fintech, plus elles sont âgées, plus elles sont rapides.