La chute des stablecoins algorithmiques est-elle en train de tuer la DeFi ?
En sept jours, 17 000 milliards de dollars se sont envolés des différents stablecoins en circulation. Un comble pour un outil censé garantir la stabilité d'un écosystème et contribuer à son développement en rassurant les investisseurs.
L'outil le plus utilisé par les investisseurs dans le monde de la crypto-monnaie est dans une très mauvaise passe : les stablecoins sont en chute libre… alors que leur raison d'être est justement d'assurer une certaine stabilité dans un univers qui en manque cruellement. Car par définition, un stablecoin est un type de crypto-monnaie dont la valeur est maintenue à un prix relativement fixe, le plus souvent à 1 dollar. De quoi permettre aux investisseurs de se positionner sur les divers instruments financiers proposés par ce qu'on appelle la finance décentralisée, ou plus simplement la DeFi. Mais cette promesse n'a pas été tenue, en tout cas pas par tous les stablecoins. Leur cours baisse depuis le 5 mai : en 7 jours l'USDN a perdu 23,5% de sa valeur et l'UST 55,6%. Alors que les utilisateurs de stablecoins avaient confiance en leur capacité à rester stable, la méfiance est désormais de mise.
Avant de comprendre les raisons de cette dégringolade, il est nécessaire de distinguer deux types de stablecoins : les stablecoins traditionnels, dont la valeur repose sur une indexation à une monnaie ou à des actifs réels, et les stablecoins algorithmiques. La stabilité de ces derniers est censée être garantie par la combinaison d'un algorithme et de smarts contracts qui contrôlent la quantité de tokens en circulation, en crée ou en détruit afin de maintenir leur parité avec le dollar.
Méfiance généralisée
Or, vraisemblablement à la suite d'une attaque, le stablecoin UST a complètement perdu sa parité avec le dollar. De quoi saper la confiance des investisseurs en la capacité des stablecoins algorithmiques à stabiliser le marché et les inciter à se délester en masse de leurs actifs. Sur le marché des "pièces stables", 17 000 milliards de dollars se sont envolés en une semaine, la méfiance s'est généralisée à l'ensemble des stablecoins.
Comment une attaque contre le seul UST a pu faire autant de dégâts ? C'est que l'UST n'est pas n'importe quel stablecoin. Début mai, il était le plus capitalisé des stablecoins algorithmiques. Suite à la débandade des investisseurs, l'UST a perdu en quatre jours 11 980 milliards de capitalisation. En seulement 24 heures, la total value locked (TVL) de Terra, la blockchain associée à l'UST, a dégringolé de 77%. Et en plus de fragiliser l'intégralité de son écosystème, la chute de l'UST a un impact néfaste sur les protocoles qui l'utilisent. Convex Finance perd ainsi 47% de sa TVL et Frax 26%. Malgré les efforts de la Luna Foundation Guard, en charge de la stabilité de l'écosystème Terra, le doute sur la capacité de l'UST à retrouver sa parité avec le dollar s'est installé auprès des investisseurs. En France, le prestataire d'investissements DeFi Just Mining a dû suspendre ses services de lending et propose à ses clients de sauver ce qui peut l'être en couvrant une partie de leurs pertes.
"Nous avons besoin d'une approche mondiale de la réglementation des cryptomonnaies."
Face à une instabilité généralisée du marché crypto, l'inquiétude s'empare des institutions. Le 10 mai Janet Yellen, secrétaire générale au Trésor et ancienne présidente de la Réserve fédérale américaine, a déclaré que le cas de l'UST "illustrait parfaitement le fait qu'il s'agit d'un type de produit (les stablecoins, ndlr) qui se développe rapidement, et qu'il existe des risques croissants pour la stabilité financière. Et que nous avons besoin d'un cadre (réglementaire, ndrl) approprié." La commissaire européenne Mairea McGuinness rejoint l'avis des dirigeants américains en twittant le 2 mai : "Les cryptomonnaies sont en pleine adoption de masse. Pour permettre l'innovation dans la finance tout en protégeant efficacement les consommateurs, nous avons besoin d'une approche mondiale de la réglementation des cryptomonnaies." Les défenseurs des cryptos pourront lui répondre que la finance mondiale, bien que régulée, n'est pas avare de krachs…