Grâce aux objets connectés, les marques redeviennent branchées

Grâce aux objets connectés, les marques redeviennent branchées Connecter leurs produits permet aux industriels d'attirer à nouveau les clients… et d'en savoir plus sur eux.

Abracadabra... "connecté" ! Ce seul mot fait désormais office de formule magique chez les plus grandes marques. Jugez plutôt : pour l'une, il permettrait de faire revenir les clients en magasin, pour l'autre, de se démarquer face au low-cost, pour la dernière, de connaître enfin ses clients pour mieux les séduire.

Il faut dire qu'aujourd'hui, même une simple paire de lunettes peut devenir intelligente. La preuve avec Atol et son modèle Téou lancé fin août. Le principe ? Une paire de lunettes retrouvable en un clic grâce à son smartphone. Et vice-versa : un petit bouton placé sur l'une des deux branches permet de faire sonner l'appareil égaré.

La clientèle attirée dans les points de vente

Avec cette innovation, la quatrième enseigne du marché de l’optique français entend bousculer la concurrence : "Dans un marché perturbé par les promotions et l'abondance des offres, nous avons choisi d'étonner pour nous démarquer", explique Fabrice Obenans, directeur marketing de la marque. La promesse, simple et universelle, permet d'intéresser le public le plus large possible : "Nous sommes dans une stratégie de recrutement de clients multi-générationelle avec un produit de santé connecté qui n'est pas uniquement destiné aux initiés. Ce sont d'abord des lunettes de qualité, auxquelles nous avons ajouté un service qui aidera nos clients au quotidien", affirme Fabrice Obenans.

"Nous sommes dans une stratégie de recrutement de clients multi-générationelle avec un produit de santé connecté qui n'est pas uniquement destiné aux initiés."

Selon l'enseigne, les produits intelligents offrent un avantage insoupçonné : attirer les consommateurs dans ses points de vente. D'après un sondage Ifop pour Atol, réalisé en août dernier, 8 Français sur 10 veulent tester les objets connectés avant de les acheter, et de préférence en magasin. Résultat : Atol assure voir une nouvelle clientèle de tous âges débarquer en nombre dans ses magasins, sans pour autant avoir de chiffres sur leur fréquentation, depuis la mise en vente des Téou, vendues à partir de 199 euros, soit "le prix moyen d'une paire de lunettes de qualité fabriquée en France", selon Fabrice Obenans. 

Un prix qui permet de démocratiser une technologie autrefois réservée aux bourses les plus aisées et cantonnée aux secteurs des loisirs et de la domotique.

Démocratisation et nouveaux usages

Jusqu'à présent, pour trouver des volumes de ventes conséquents d'objets connectés, il fallait se tourner vers le marché de la Hi-Fi, avec les enceintes audio connectées. En seulement deux ans, toutes les enseignes de distribution se sont converties, même les plus généralistes : "Les dispositifs connectés représentent désormais 50% du marché du son. Un chiffre encore plus important chez Conforama, où ils se vendent mieux que les produits non connectés", confie Martine Heitz, directrice du pôle électroménager et électroloisirs. Dans les rayons de de l'enseigne tricolore, ces produits connaissent "une croissance annuelle des ventes de 2 à 3 chiffres", révèle-t-elle au JDN.

Le gros électroménager connecté débarquera dans les rayons des surfaces spécialisées au printemps-été 2016

Un oasis au milieu d'un marché de l'électroménager jusqu'à présent aride dans l'Hexagone : "Les objets connectés vont créer de nouveaux usages dans les secteurs de l'hygiène, de la santé et du sport", prédit Martine Heitz.

Une révolution à laquelle se préparent les grandes surfaces spécialisées. Les magasins But préparent ainsi en interne un plan dédié aux objets connectés, mais refuse de communiquer tant qu'il n'est pas activé. Conforama, de son côté, distribuera dès le printemps-été 2016 du gros électroménager connecté. Demain, le réfrigérateur sera capable de gérer les stocks de nourriture en alertant l'utilisateur sur les produits à consommer en priorité selon leur date de péremption ou de définir une liste de courses en fonction des denrées bientôt épuisées. La machine à laver n'y échappera pas non plus, avec la possibilité de  contrôler sur son smartphone sa consommation en électricité et en eau ou de lancer un programme avant de rentrer du travail, notamment.

Créer de la valeur

Des innovations qui, selon Martine Heitz, pourraient bien relancer les géants de l'électroménager face à des marques de distributeur et des produits d'entrée de gamme qui ont participé à une baisse générale des prix : "Les produits connectés contribuent à l'image de modernité et à la montée en gamme des fabricants. En développant ce genre d'appareil, ils ont trouvé un moyen efficace de recréer de la valeur et de reparler d'innovation".

D'autant plus efficace que les produits connectés représentent un surcoût modéré. Pour Martine Heitz, il n'y aura pas de quoi rebuter les acheteurs potentiels : "Sur les quelques produits connectés existants aujourd'hui, nous observons une différence de prix en moyenne de 100 euros entre le gros électroménager connecté et le non connecté".

"Les produits connectés contribuent à l'image de modernité et à la montée en gamme des fabricants"

Cette faible différence de prix s'explique par des coûts de production de ces biens de nouvelle génération bientôt proches des coûts actuels, explique Jérémie Moritz, en charge du digital chez le spécialiste français des vins et spiritueux Pernod Ricard : "La technologie est de moins en moins chère, elle est donc amenée à se développer", affirme-t-il. Et selon lui, peu de secteurs y échapperont : "Les produits connectés sont désormais un passage obligé pour les marques mais c'est justement là qu'il y a un piège : il ne faut pas tomber dans la facilité et proposer une vraie valeur ajoutée au consommateur."

Se rapprocher des consommateurs

Une valeur ajoutée pour les clients, certes, mais aussi pour les professionnels : "Connecter nos produits nous permet à la fois de proposer une expérience plus conviviale aux consommateurs mais aussi de récupérer des données sur leurs usages ", avoue Jérémie Moritz. Si Pernod Ricard assume cette stratégie, c'est parce que selon l'alcoolier français, elle lui permet de servir au mieux les consommateurs : "Avant, nous étions dans un schéma B to B to C où les clients n'étaient que très peu en contact avec le groupe Pernod Ricard. Les objets connectés nous offrent une opportunité supplémentaire d'établir une relation plus directe avec eux", affirme-t-il.

Une nouvelle stratégie marketing concrétisée par deux projets signés Pernod Ricard : la bouteille et le mini-bar connectés. Si la première, lancée sous la marque de champagne Mumm, offre une expérience premium avec une animation son et lumière personnalisée à l'ouverture de la bouteille, le mini-bar connecté, en cours de test sous le nom de "projet Gutenberg", permet à Pernod-Ricard de suivre en temps réel les réserves d'alcool de ses clients et de leur proposer des recettes de cocktail, mais aussi potentiellement des offres commerciales en conséquence.

"Le futur des produits intelligents passera par la capacité des fabricants à partager les données récupérées"

Ces données seraient même l'enjeu majeur des objets connectés, selon Xavier Boidevezi, directeur Business Development & Digital du Groupe SEB France : "Le futur des produits intelligents passera par la capacité des fabricants à partager les données récupérées sur les usages qu'en font les consommateurs", assène-t-il. Selon lui, les industriels devront avoir la volonté de faire interagir leurs produits respectifs pour offrir une expérience la plus personnalisée possible.

Concrètement, l'utilisation du multicuiseur Cookéo de Moulinex (groupe SEB), qui apprend pas à pas à cuisiner grâce à une application mobile et propose des suggestions en fonction de l'historique des recettes, pourrait être enrichie par un partenariat avec le mini-bar connecté de Pernod Ricard, qui ajoutera aux recettes personnalisées des suggestions d'alcools pour les accompagner. Une connexion avec une station météo intelligente pourrait également permettre de proposer les plats les plus adaptés à l'atmosphère ambiante. Le système déconseillerait ainsi à l'avance de préparer un barbecue pour le week-end suivant s'il détecte un risque de pluie, par exemple.

Le temps est compté selon Xavier Boidevezi : "En ce qui nous concerne, nous sommes en avance car la France a une certaine légitimité sur la cuisine. Mais si on ne s'allie pas, nous nous ferons manger par les géants étrangers comme Google ou Apple."