Sharing economy : quel business model ?

Sharing economy : quel business model ? Les start-up de la consommation collaborative sont nombreuses. On ne peut pas en dire autant de leurs moyens de s'enrichir.

Et dire que ce sont les Etats-Unis, chantres de la propriété individuelle, qui sont à la pointe de la sharing economy, en français l'économie du partage... Nul doute que cette ironie du sort aurait amusé les partisans du kolkhoze d'hier – littéralement économie collective.

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Considéré comme un pionnier en matière de sharing economy, AirBnB est présent dans 192 pays. © AirBnB

Aujourd'hui, c'est bien l'américaine AirBnB, une plateforme de réservation de nuitées chez les particuliers, valorisée 2,5 milliards de dollars, qui est érigée en symbole de ce mode de consommation alternatif.

Lancé en 2008, le site recense 4 millions d'utilisateurs dont 2,5 millions gagnés la seule année 2012. Mais malgré la croissance exponentielle de son taux de fréquentation, AirBnB n'a pas encore atteint la rentabilité. C'est le cas de la plupart des start-up qui ont investi le créneau de la consommation collaborative entre 2008 et 2010. Beaucoup d'entre elles en sont encore à lever des fonds plutôt qu'à gagner de l'argent. Fin 2012, Alven Capital et Index Ventures, deux fonds d'investissement, ont par exemple apporté 2 millions d'euros à Drivy (ex Voiturlib), un site de location de voitures fondé en France en 2010.

Et pour cause, monétiser la notion de partage n'est pas chose aisée. Le plus souvent les acteurs de la sharing economy se rémunèrent via des commissions. Pour sa part, AirBnB prend un pourcentage compris entre 9% et 15% du montant de la location. Même procédé chez Blablacar, le spécialiste français du covoiturage aux 3 millions d'inscrits. Le site prélève 5% à 15 % du montant de la réservation pour couvrir les frais de service et de TVA.

Beaucoup de start-up en sont encore à chercher des financements.

D'autres, comme Carpooling, son concurrent européen aux 4,5 millions d'utilisateurs, tablent sur des revenus publicitaires. Lancée à Munich en 2001, cette plateforme sur laquelle passagers comme conducteurs doivent se créer un profil promeut la Deutschebahn, l'équivalent allemand de la SNCF, ou encore Eurolines, le spécialiste du transport en car.

Sans compter les petits malins qui comme Sharetribe profitent de l'essor de la sharing economy pour proposer aux entreprises en place ou en devenir des plates-formes web clef en main de mise en relation de leurs clients potentiels.

Enfin, les acteurs traditionnels s'y jettent eux aussi. Le groupe Wal-Mart encourage ses clients à livrer des courses à leurs voisins, que ces derniers ont faites sur Internet, moyennant un rabais sur leur propre facture. De son côté, Citroën a lancé la plateforme Multicity, en partenariat avec Zilok, site de location entre particuliers. Même Boulanger, le géant de la distribution, a développé un service dédié à la location d'électroménager, baptisé Lokéo.

Sécurisation financière et assurance

Plus les biens coutent chers à l'achat et plus ils sont utilisés de manière occasionnelle, plus le nouveau mode de consommation que constitue l'économie du partage s'avère rentable pour les particuliers.

Spécialiste du covoiturage, Carpooling fait de la publicité pour d'autres moyens de transport.

Des particuliers qui se disent certes prêts à consommer autrement mais pas à n'importe quel prix : pour 83 % des Français, "aujourd'hui, l'important c'est de pouvoir utiliser un produit plus que de le posséder", selon une étude réalisée en juillet 2012 par l'Observatoire société et consommation sur l'évolution des consommations émergentes.

D'où la nécessité pour les sociétés éditrices de ces plateformes de les rassurer pour les inciter à échanger entre eux. RelayRides, une startup américaine spécialisée dans la location d'automobiles, l'a bien compris : l'entreprise vérifie les permis de conduire de ses utilisateurs pour savoir s'ils ont commis des violations majeures du code de la route. Même démarche chez AirBnB : les touristes sont assurés d'avoir un toit sur la tête puisque l'entreprise ne paie leur hôte que 24 heures après leur arrivée.

Depuis 2012, la Macif assure une entreprise spécialisée dans la location de voitures entre particuliers.

Parce qu'ils permettent de sécuriser les transactions financières, les services de paiement en ligne constituent également un bon moyen de mettre en confiance ces consommateurs new age. Utilisé entre autres par Carpooling et AirBnB, PayPal fait figure de référence en la matière. De leur côté, les compagnies d'assurance ont flairé là un nouveau business. Depuis 2012, la Macif assure Deways, un autre site de location de voitures entre particuliers.

S'il attire de plus en plus d'acteurs – certains vont même jusqu'à parler de bulle, ce modèle économique n'en reste pas moins fragile. D'autant que dans certains domaines, la frontière entre économie du partage et concurrence déloyale est floue. Aux Etats-Unis, où l'activité des hôteliers est protégée par la New York hotel law, un utilisateur d'AirBnB a récemment été condamné à payer 7 000 dollars d'amende pour avoir loué son appartement à une touriste pendant 3 nuits.