Josh Giegel (Hyperloop One) "Nous allons réaliser une importante levée de fonds en début d'année"

Le cofondateur et président de l'engineering d'Hyperloop One, ce projet fou de train ultra-rapide, ultra-financé, en passe de voir le jour, nous dit tout de ses projets à travers le monde.

JDN. Hyperloop One est l'une des sociétés qui travaille à concrétiser le projet de l'Hyperloop, ce réseau de transport à grande vitesse souvent décrit comme un cinquième mode de transport. Où en êtes-vous d'un point de vue technologique ?

Josh Giegel est le cofondateur et président de l'engineering d’Hyperloop One © Hyoerloop One

Josh Giegel. Nous sommes actuellement entrés dans le processus d'assemblage et d'intégration des différentes pièces entre elles, ce qui devrait nous permettre d'effectuer un premier test réel du système. Au cours de ces dernières années, nous avons testé chacun de ces éléments indépendamment, que ce soit les tubes, le système de lévitation, le système de contrôle des 'Pods' (navettes autonomes qui transporteront les passagers et marchandises, nldr) etc. Un essai avait déjà été réalisé en mai dernier mais pas en conditions réelles. Ce premier vrai test intégré de l'Hyperloop devrait avoir lieu au premier trimestre. Il sera effectué dans le désert du Nevada, où nous effectuons tous nos essais.

Vous étudiez actuellement la création d'une ligne Hyperloop qui relierait Dubaï et Abou Dabi, soit près de 300 kilomètres, en 12 minutes. Comment sont nées ces discussions ?

Les discussions autour de ce projet ont eu lieu grâce au PDG de DP World Group, le troisième opérateur portuaire mondial. L'entreprise (filiale de Dubaï World, propriété du gouvernement de Dubaï, ndlr)  avait participé à notre troisième tour de table et son dirigeant, désormais membre de notre conseil d'administration, a manifesté son intérêt pour l'Hyperloop, et notamment pour transporter des marchandises. Nous espérons que cette première liaison sera effective en 2020 ou 2021, même si nous avons encore du pain sur la planche, notamment pour évaluer la mise en oeuvre du projet, son financement, son planning, etc.

Outre les Emirats arabes unis, vous êtes également entré en discussion avec la Finlande. Où en sont vos discussions ?

La Finlande voit dans l'Hyperloop un moyen pour créer une super région baltique. Plutôt que de passer des heures dans des avions ou des trains, l'Hyperloop permettrait de rejoindre ses voisins scandinaves, notamment la Suède, beaucoup plus rapidement. Nous discutons de plusieurs liaisons, dont une qui relierait Helsinki à Stockholm. Dans une première phase, nous travaillerons d'abord sur les liaisons à l'intérieur des pays, avant de concevoir les liaisons inter-pays. Nous préférons ne pas donner de dates sur ces liaisons mais les choses avancent plus vite que ce que nous avions anticipé ! 

"Nous avons suscité l'intérêt de la Russie et de l'Australie, pas de la France"

Quelles seront les liaisons en question ?

Nous commencerons sans doute par créer une liaison reliant la Finlande et Aland, avant de réfléchir à différentes liaisons en Suède. La Finlande est aussi intéressée par une liaison Turku-Salo. Cette dernière est connue pour être la ville natale de Nokia. Après son rachat par Microsoft, qui a décidé de fermer le pôle R&D sur place, beaucoup de jobs technologiques ont été perdus. Le gouvernement finlandais cherche donc à retenir ces talents sur place. Et cela tombe bien car nous aurons forcément besoin de programmeurs pour nous aider à bâtir l'Hyperloop.

Avez-vous eu des contacts avec d'autres pays, comme la France ?

Nous avons suscité l'intérêt de la Russie et de l'Australie, pour une liaison qui relierait Sydney et Melbourne. Rien de concret n'a été discuté avec la France. Pour autant, deux de nos partenaires technologiques sont français : Systra (filiale de la SNCF et RATP) et la SNCF, qui fait également partie de nos investisseurs.

Quelles seront les sources de revenus qui permettront d'assurer la rentabilité de l'Hyperloop ?

Nous réfléchissons à plusieurs choses. Outre la vente de tickets, je pense qu'il existe des opportunités pour monétiser des données. Certaines pourraient par exemple être vendues à des annonceurs. La revente d'énergie est également une piste. Nous pourrions aussi générer des revenus en partageant notre infrastructure avec d'autres sociétés, notamment dans le domaine de l'énergie en installant par exemple des pompes à eau sur nos installations. Enfin, le fret pourrait être une autre source de revenus puisque certaines navettes de l'Hyperloop pourront être utilisées pour transporter des marchandises.

Quelle est votre vision pour l'Hyperloop ?

"Hyperloop One devrait être présent dans au moins deux continents d'ici 5 ans"

De la même manière qu'Uber a redéfini la manière dont nous nous déplaçons en ville, l'Hyperloop va redéfinir les voyages longue distance. Avec l'Hyperloop, vous n'aurez plus besoin d'attendre comme lorsque vous embarquez dans un avion. Il vous suffira simplement de vous rendre dans une station dès que vous souhaiterez partir quelque part. Si vous ratez celui de 14 heures, vous pourrez simplement prendre le suivant qui passera quelques minutes plus tard. A plus long terme, nous anticipons également une intégration avec les flottes de véhicules connectés qui viendront vous récupérer directement à votre porte. Autrement dit, tous vos déplacements se feront beaucoup plus rapidement.

Des tubes en attente d’installation dans le désert du Nevada, où Hyperloop One réalise tous ses essais © Hyperloop One

Votre entreprise n'est pas pas seule à travailler sur l'Hyperloop. Pourquoi ne pas mettre en commun certaines de vos ressources avec vos concurrents, dont HTT (Hyperloop Transportation Technologies), pour accélérer sa réalisation ?

Quelles avancées technologiques ont-ils ? Je n'ai personnellement encore rien vu de concret alors même qu'HTT s'est lancé un an avant nous. Par expérience, je peux vous dire que faire exister un projet sur le papier est une chose, mais le créer dans le monde réel en est une autre. Lorsque vous entamez le processus de fabrication, les choses changent. Nous l'avons notamment vu l'année dernière lorsque nous avons commencé à concevoir certaines pièces à partir de croquis. L'Hyperloop n'est pas un projet software, et cela n'a rien à voir avec la création d'une application mobile : il s'agit ici de créer quelque chose de tangible.

Quelle est l'implication d'Elon Musk dans votre projet ? Etes-vous en contact avec lui ?

Non. Même si Elon Musk est à l'origine du concept de l'Hyperloop, il n'y a pas d'interaction ou d'affiliation avec lui. Je présume qu'il doit suivre les différents projets. Nous participons néanmoins au concours "SpaceX Hyperloop Pod Competition" dédié aux étudiants, qu'il organise. C'est un très bon outil de recrutement pour nous.

Vous avez levé près de 160 millions de dollars jusqu'à présent. Prévoyez-vous un nouveau tour de table ?

Oui, nous réaliserons une importante levée de fonds en début d'année.

En conclusion, doit-on s'attendre à voir des projets d'Hyperloop fleurir sur tous les continents dans les années à venir ?

Hyperloop One devrait être présent dans au moins deux continents d'ici 5 ans, probablement au Moyen-Orient et en Europe. Nous pouvons tabler sur 10 et 30 projets d'Hyperloop dans le monde dans les vingt à trente années à venir. Mais tout dépendra de notre capacité à diminuer encore davantage les coûts de production.

Josh Giegel est le cofondateur et président de l'engineering d'Hyperloop One, l'une des entreprises qui ambitionne de faire de l'Hyperloop une réalité. Avant cela, il avait dirigé les activités de recherche d'Echogen Power System, une start-up spécialisée dans la récupération de chaleur perdue. Auparavant, il avait également travaillé pour SpaceX en tant que "lead analyst" sur six différents moteurs de fusées. Josh Giegel est diplômé d'un Master en Mechanical Engineering de l'université de Stanford, et d'un BSME (Bachelor of Science In Mechanical Engineering) de l'université d'état de Pennsylvanie.

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