Hadi Zablit (Renault-Nissan) "Renault et Google lanceront en France des services de véhicules autonomes"

Le vice-président business development de l'alliance Renault-Nissan explique au JDN pourquoi les deux marques à la traîne dans l'autonome vont travailler avec Waymo.

Hadi Zablit est vice-président business development de l'alliance Renault-Nissan. © Renault-Nissan

JDN. L'alliance Renault-Nissan annonce un partenariat "exclusif" avec Waymo, la filiale voiture autonome de Google. Pouvez-vous nous en dire plus sur les termes de cet accord ?

Hadi Zablit. Il s'agit d'un accord qui fait de Renault et Nissan les partenaires exclusifs de Waymo en France et au Japon pour concevoir des services de mobilité autonomes pendant un certain temps. Nous ne communiquons pas sur la durée de ce partenariat. Notre objectif n'est pas de lancer des expérimentations, nous en menons déjà , mais de bâtir ensemble puis d'opérer des services commerciaux de transport de personnes et de biens à l'échelle. Nous sommes les premiers à réaliser un tel partenariat avec Waymo, en dehors des Etats-Unis.

Vous en êtes donc à l'étape exploratoire de votre collaboration ?

Pour lancer ces services, nous devrons étudier un certain nombre de paramètres. L'un d'eux est le cadre réglementaire dans lequel nous pourrons opérer (le gouvernement français doit légiférer dans les deux ans qui suivront l'adoption de la loi mobilités pour permettre le déploiement de services commerciaux, ndlr). Nous allons aussi étudier les aspects commerciaux et opérationnels, afin d'assurer la rentabilité de ces services. Dans cette optique, nous avons créé deux co-entreprises Renault-Nissan dédiées aux services de véhicules autonomes, l'une en France, l'autre au Japon.

Comment allez-vous travailler ensemble ? Waymo s'occupera-t-il des technos, et vous de fournir des véhicules, comme cela existe déjà aux Etats-Unis avec Jaguar et Fiat Chrysler ?

Il ne s'agit pas d'un contrat de fourniture de véhicules. Nous allons profiter de la plateforme Waymo Driver qui inclut à la fois le hardware, les programmes de fusions des données provenant des capteurs, et les systèmes qui définissent comment le véhicule se comporte. Mais nous n'allons pas la transposer telle quelle : il nous faudra l'adapter aux environnements de conduite français et japonais, qui sont très différents des villes américaines, grâce à l'expertise et aux technologies de Renault-Nissan.

Allez-vous développer ces services dans des zones denses, où se situe la véritable difficulté, ou dans des périphéries, comme le fait par exemple Waymo en banlieue de Phoenix ?

Le transport autonome doit avoir un niveau d'usage élevé pour amortir les coûts de développement des technologies. Nous allons donc rechercher dans un premier temps des cas d'usage en zone dense afin de garantir l'équilibre économique.

"Il y aura à terme des investissements communs"

Ce partenariat comporte-t-il des investissements spécifiques de votre part ou de la part de Waymo ?

Pas pour le moment, car nous sommes en phase de conception. Mais il y aura à terme des investissements communs.

Renault accusait un certain retard en termes de R&D et d'investissements dans l'autonome par rapport à d'autres constructeurs. Ce partenariat va-t-il vous aider à combler ce retard ?

Nous avons deux croyances fortes. D'abord, le cadre réglementaire est structurant pour permettre aux technologies d'émerger. Dans la mobilité, la France a laissé proliférer les trottinettes avant de légiférer, ce qui a permis au secteur de se développer. A l'inverse dans les drones, l'Europe s'est fait dépasser par les Etats-Unis et la Chine car la réglementation en place rendait difficile les expérimentations. Deuxièmement, les partenariats sont stratégiques pour développer ces technologies. En combinant notre expertise et celle de Waymo, nous sommes convaincus que nous couvrons désormais l'intégralité de la chaîne de valeur du véhicule autonome, ce qui va nous permettre en effet de nous mettre à niveau.

N'avez-vous pas peur que Waymo n'ait plus besoin de vous, une fois qu'il aura récupéré les données dont il aura besoin pour comprendre l'environnement de conduite français et japonais ?

Cela fait partie des risques. Mais si nous nouons un partenariat, c'est que nous avons nous aussi des actifs à apporter. Cela nous permet tous deux d'aller plus vite que si nous avancions séparément, mais aussi de mutualiser les coûts de développement extrêmement élevés du véhicule autonome. Il ne serait pas viable économiquement de nous lancer seuls dans les services.