L'intégration à Uber, un tremplin glissant pour Cityscoot

L'intégration à Uber, un tremplin glissant pour Cityscoot Pour la start-up française, dont les scooters en free-floating seront intégrés à l'appli Uber à Paris, ce partenariat est à la fois une formidable vitrine et un risque de désintermédiation avec ses clients.

Uber a annoncé le 16 octobre l'ajout prochain d'un moyen de transport supplémentaire sur sa plateforme, avec l'intégration  des scooters électriques du Français Cityscoot en Ile-de-France. Cityscoot rejoint ainsi les trottinettes électriques et vélos de Jump (filiale d'Uber) dans l'appli. C'est un pas de plus pour Uber dans sa stratégie de proposer davantage de moyens de transport à ses utilisateurs, au-delà de son activité VTC historique. "Les scooters permettent de couvrir de plus grandes distances que les vélos ou les trottinettes, et conviennent mieux en cas de conditions météo difficiles", explique au JDN Steve Salom, directeur général d'Uber en France.

Si les avantages sont manifestes pour Uber, les choses sont plus nuancées pour Cityscoot. C'est d'abord "un tremplin en termes de volumes" pour la start-up, avec une exposition qu'elle n'a jamais connue jusqu'ici, justifie au JDN son PDG Bertrand Fleurose. "Nous avons désormais accès à une vitrine de deux millions d'utilisateurs Uber à Paris alors que nous en avons seulement 160 000 sur Cityscoot". Il espère également toucher une nouvelle typologie de public, alors que sa base d'utilisateurs est très masculine, tandis que la plupart des utilisateurs d'Uber sont des utilisatrices.

Nouveaux clients sans marketing

Ce partenariat est aussi intéressant pour Cityscoot dans la perspective de lancements dans de nouvelles villes. La start-up est présente à Paris, Nice, Milan et Rome. Elle prévoit d'accélérer la cadence, avec trois à cinq nouveaux lancements en 2020. Grâce à un tel partenariat, Cityscoot pourrait se retrouver du jour au lendemain avec des centaines de milliers de nouveaux utilisateurs potentiels, dans une ville où son service vient à peine d'être lancé. Le tout sans avoir à faire de marketing.

Mais gare à ne pas glisser sur ce tremplin. Car Cityscoot pourrait avoir du mal à capitaliser à long terme sur ces nouveaux utilisateurs. D'abord, la start-up a conclu un accord de partage de revenus avec Uber, qui prélèvera une commission sur chaque trajet Cityscoot effectué dans son appli, dans des proportions que les deux entreprises refusent de communiquer. Or le prix d'un trajet en Cityscoot est le même sur son appli que sur celle d'Uber, ce qui veut dire le Français accepte de rogner ses marges. "Effectivement, mais nous considérons la marge que nous donnons à Uber comme un coût d'acquisition de clients. Nous estimons que ce coût est moindre en passant par Uber que si nous devions aller chercher ces nouveaux utilisateurs nous-même avec du marketing," assure Bertrand Fleurose.

Zéro data

L'acquisition est justement l'autre danger de ce partenariat pour Cityscoot. S'il lui apporte de nouvelles courses, il n'amène aucun nouveau client. Car Uber a réussi à intégrer totalement Cityscoot de l'inscription au service jusqu'au paiement. Ainsi, les utilisateurs existants devront simplement connecter leurs comptes Uber et Cityscoot. Mais pour les nouveaux usagers, aucune création de compte ne sera nécessaire. Toutes les informations sur ces nouveaux clients resteront donc chez Uber, qui ne partagera  d'ailleurs avec Cityscoot aucune donnée sur l'usage de ses scooters au sein de son appli.

Par ailleurs, il est un peu plus compliqué de débuter avec Cityscoot que de monter sur un vélo ou une trottinette pour la première fois, paperasse et réglementations obligent. Les utilisateurs qui s'inscrivent au service doivent notamment vérifier leur identité en envoyant des scans de leur permis de conduire et de leur carte d'identité. Uber a aussi intégré ce processus à son application et en gère lui-même le traitement. Mais ces démarches demeurent une friction importante qui pourrait décourager les utilisateurs, alors que l'appli Uber propose aussi des vélos et trottinettes qui peuvent être déverrouillés sans la moindre formalité. Cityscoot risque alors de voir son intégration à Uber principalement utilisée par ses utilisateurs de longue date qui ont déjà complété ce processus.

Ainsi, l'entreprise baisserait ses marges sans générer de nouveaux volumes, tout en perdant sa relation avec ses clients historiques. "Evidemment qu'il y aura une bascule d'une partie de notre clientèle, qui trouvera plus pratique d'avoir les VTC et les scooters dans la même appli", reconnaît Bertrand Fleurose. mais il se dit aussi convaincu de la capacité de Cityscoot à conserver ses utilisateurs les plus actifs, notamment grâce à son programme de fidélité. L'entreprise étudiera attentivement ces transferts d'utilisateurs et l'augmentation de la fréquentation du service avant de décider d'étendre ce partenariat à d'autres villes. Car Cityscoot ne veut pas devenir un simple onglet d'Uber.