La revanche des campagnes a-t-elle sonné ?

L'avenir ne souffle plus du côté des villes mais des campagnes. C'est du moins la conviction de Vincent Grimault dont la passion et l'esprit d'anticipation font parfois abstraction d'une dépendance économique persistante de la ruralité au monde urbain.

Marre de la ville ? Envie de vous mettre au vert ? Sachez que vous n'êtes pas seuls. Entre 2010 et 2015, le taux annuel moyen d'accroissement démographique de la ruralité a été de 5,4 pour mille habitants, soit presque 1 point de plus que que pour les villes et les "espaces de densité intermédiaire". Auteur d'un livre intitulé "la renaissance des campagnes", Vincent Grimault en est convaincu : cette poussée démographique témoigne d'un changement de modèle. Les campagnes, longtemps considérées comme l'annexe des villes, sont en passe de reprendre en main leur destin. Pour appuyer sa thèse, l'auteur s'appuie sur l'exemple bien connu de la Vendée. Exemple certes convaincant mais qui reste à bien des égards exceptionnel. Car dans la grande majorité des cas, le développement des campagnes procède d'une périurbanisation.

Des campagnes sources d'emplois ?

Vincent Grimault en convient avec l'économiste Eric Charmes, "le renouveau des campagnes n'est que l'extension de l'aire d'influence des grands centres urbains (…) On ne ne peut véritablement parler d'une dynamique de peuplement indépendante des systèmes urbains que pour une minorité d'actifs". Mais il en faut plus pour l'ébranler : "La périurbanisation peut être une première étape vers un retour à la campagne, et nous sommes peut-être à l'aube d'une renouveau des campagnes plus profond et structurel, moins dépendant de l'influence des villes". "Peut-être", comme le concède lui-même l'auteur. En attendant, on notera que l'économie résidentielle sur laquelle il mise pour fournir des emplois dans les campagnes repose elle-même sur un phénomène de redistribution (retraites, aides sociales, subventions…) et non de création de richesse. Comme on sera particulièrement dubitatif lorsqu'il affirme sans le démontrer que les emplois "tendent à suivre davantage les gens que l'inverse". De même qu'on aura du mal à concevoir que le tourisme, le label AB, la lentille blonde, le basalte, les lait probiotique ou encore l'AOC bois suffisent à procurer un nombre d'emplois suffisant pour faire vivre une population de plusieurs millions de ruraux et de périurbains. Que l'économie de la campagne existe, nul ne le conteste. En revanche, c'est bien parce qu'elle ne génère pas assez d'emplois que tant d'actifs n'ont d'autre choix que de partir en ville.

Vers plus de voitures et d'étalement urbain ?

On peut certes concéder à Vincent Grimault qu'il est plus vivable d'être pauvre à la campagne qu'en ville (encore, que…) ou que "beaucoup d'habitants expérimentent une forme de décroissance" en milieu rural. Mais une fois admis qu'un nombre croissant de Français seraient prêts à en rabattre sur leurs prétentions salariales pour améliorer leur qualité de vie, on est obligé de constater la difficulté de trouver du travail dans les petites communes des départements les plus ruraux ou les moins urbains. Est-ce même une vision souhaitable ? A l'heure de la lutte contre l'étalement urbain et le "tout voiture", certains en douteront. Mais là encore, il en faut plus pour ébranler Vincent Grimault qui souhaite "permettre aux habitants des campagnes de sortir de leur dépendance vis-à-vis de la voiture individuelle". Les solutions qu'il propose ? Le covoiturage, notamment pour les trajets domicile-travail, la restructuration des réseaux de transport en commun "sur le modèle berlinois" avec des  "pôles d'échange d'où partent covoiturage et voies vertes", ou encore, le transport à la demande gratuit pour les territoires les plus enclavés… Ces mesures peuvent-elles ébranler le modèle de la voiture qui domine la campagne ? Rendez-vous dans quelques années…    

La renaissance des campagnes - Enquête dans une France qui se réinvente, par Vincent Grimaut, Seuil