Yvan Lefranc-Morin (Flixbus) "Nous espérons un semblant de retour à la normale à l'été 2021"

Le directeur général de Flixbus en France réagit aux annonces de l'exécutif sur le déconfinement et revient sur la situation très difficile que traverse le secteur des autocars.

[Mise à jour du 26 novembre à 8h22] FlixBus a annoncé jeudi 26 novembre qu'il reprendrait ses liaisons en France à partir de jeudi 17 décembre, à deux jours des vacances de Noël pour lesquelles le confinement devrait être levé. "C'est toujours sous conditions, mais on part du principe qu'après cette annonce c'est un feu vert qui est donné aux Français pour pouvoir organiser leurs déplacements pour les vacances et pour les fêtes", a expliqué Yvan Lefranc-Morin à l'AFP.

JDN. Les cars de Flixbus sont aujourd'hui à l'arrêt. Après les annonces d'Emmanuel Macron le 24 novembre sur un déconfinement progressif du pays, y voyez-vous plus clair sur votre reprise d'activité ? 

Yvan Lefranc-Morin. Oui et non. Nous attendions des gestes forts et des annonces claires de la part des autorités sur la capacité à transporter des personnes pendant les vacances. Nous devrions pouvoir reprendre notre activité, mais cette reprise est toujours suspendue à du conditionnel : la baisse de tous les indicateurs sanitaires. Nous interprétons cela comme un signe de bon augure, même si des incertitudes demeurent. Nous estimons ce discours suffisant pour valider l'hypothèse d'une relance de notre réseau. A priori, l'idée serait de redémarrer au début des vacances de Noël. 

Quel est votre plan pour relancer l'activité en évitant d'avoir des bus seulement à moitié pleins en cette période d'incertitudes ? 

Nous avons déjà cette expérience du redémarrage d'un réseau, puisque nous l'avons fait après le premier confinement. Nous avions observé à l'époque que la demande n'était pas revenue à ses niveaux habituels. Fort de cette expérience, l'idée sera de proposer le réseau le plus complet possible, mais probablement avec une moindre fréquence sur chaque ligne. L'avantage de notre modèle est qu'il nous permet d'ajouter facilement de l'offre jusqu'à une semaine à l'avance si nous constatons une augmentation de la demande. Cet été, nous avions proposé entre 40 et 50% de l'offre disponible à la même période en 2019.  Nous envisageons de repartir sur le même ordre de grandeur, mais cela pourrait encore évoluer. 

L'activité de Flixbus a été à l'arrêt pendant plusieurs mois en 2020 et en baisse durant les périodes d'activité. Dans quelles proportions votre chiffre d'affaires recule cette année ? 

Nous ne communiquons pas sur notre chiffre d'affaires, mais, évidemment, notre activité est très lourdement impactée. Nous avons eu trois mois d'arrêt total durant le premier confinement, cette fois-ci a minima un mois et demi d'arrêt et entre les deux des périodes avec moitié moins d'activité que d'habitude. Comme beaucoup d'acteurs des mobilités, 2020 restera pour nous une année exceptionnellement mauvaise.  Nous espérons un semblant de retour à la normale à l'été 2021. 

Une part importante de votre activité porte sur les voyages en Europe. Craignez-vous qu'ils mettent plus de temps à repartir ? 

Notre activité en France est constituée pour deux tiers de trajets domestiques et pour un tiers de trajets de la France vers l'Europe. Après le premier confinement, nous n'avons pas constaté de différence entre les trajets domestiques et internationaux en termes de reprise d'activité. Notamment parce que nous sommes très peu exposés aux voyages d'affaires. Les voyages de loisir sont ceux qui reviennent le plus vite. Nous n'avons donc pas de raison de penser que ces voyages vers l'Europe seront davantage affectés, d'autant que dans les quelques pays ou Flixbus opère encore, les lignes internationales génèrent plus de voyages que les lignes domestiques, notamment parce que les capacités du ferroviaire et de l'aérien sont toujours limitées. 

La situation des autocaristes, les sociétés qui possèdent les bus et emploient les chauffeurs de Flixbus, est critique, avec des chiffres d'affaires en baisse de 85% en moyenne selon les représentants du secteur, et même quelques faillites. Avez-vous perdu des partenaires ? 

Le secteur des autocaristes est sinistré. En particulier pour les sociétés orientées vers le tourisme ainsi que le transport scolaire qui s'est arrêté pendant le premier confinement. Celles qui travaillent plutôt sur des délégations de service public pour les transports en commun résistent mieux. Evidemment, certaines entreprises sont dans des situations très difficiles. Nous nous attendons à des faillites courant 2021. Il y en a pour l'instant eu assez peu car le secteur est sous perfusion de l'Etat. A ce stade, nous n'avons pas encore de faillites à déplorer chez nos partenaires. Mais il est impossible de dire que cela n'arrivera pas, même si nous faisons attention à choisir des entreprises avec un business varié afin qu'elles ne soient pas complètement dépendantes des voyages longue distance.  

Votre plateforme de covoiturage Flixcar avait connu un mauvais lancement avec très peu d'offre disponible fin 2019-début 2020, puis le coronavirus et le confinement sont arrivés. Comment comptez-vous relancer ce business ? 

Les business de plateformes ont toujours cette inertie à leurs débuts. Nous ne nous attendions pas à aller plus vite que cela. Nous avons même été surpris par les chiffres : 50 000 personnes se sont inscrites entre mi-décembre 2019 et mi-mars 2020.  Mais effectivement, le covid est arrivé et a mis l'industrie des mobilités à l'arrêt. Nous avons eu seulement deux mois, c'est un horizon de temps ridicule sur le lancement d'une telle plateforme qui se construit dans la durée. Je ne vais pas vous dire que c'était un immense succès, mais ce n'était pas un mauvais début non plus. En tout cas, la crise a marqué un coup d'arrêt. Aujourd'hui ce n'est pas notre priorité, car dans une crise comme celle-là, nous nous concentrons sur la protection de notre cœur de métier, le bus. Mais la plateforme continue d'exister. C'est un projet qui aura vocation à être relancé lorsque la situation sanitaire s'améliorera et que nous pourrons réduire notre vigilance sur les bus. 

Yvan Lefranc-Morin est le directeur général de Flixbus en France. Il a rejoint l'entreprise en 2015 pour préparer ses lancements  sur les marchés français et espagnols, avant de prendre la direction générale française en 2016. Il a fondé en 2012 la start-up de collecte et d'analyse de données marketing Consyoumers après sept ans de carrière dans le secteur bancaire (Crédit du Nord, BNP Paris-Bas, Rotschild, UBS...).