Desk sharing : vers la fin du bureau personnel ? Repenser l'ensemble des locaux
Passer du bureau individuel au desk sharing ne se fait pas sur un coup de tête. Première difficulté : déterminer le nombre de postes de travail à conserver. S'il est surévalué, le gain de place sera minime. S'il est sous-évalué, les collaborateurs courent le risque de se battre pour trouver une place. "Chaque matin, c'est l'enfer : premier arrivé, premier servi", témoigne Anne, une consultante RH confrontée à ce problème.
Le calcul du nombre de salariés par poste de travail est un art délicat qui dépend de chaque entreprise, de chaque métier et même de chaque équipe. Chez Deloitte, où les collaborateurs juniors sont souvent en déplacement chez les clients et n'ont pas de bureau attitré, "le nombre de postes de travail est calculé par service, explique Céline Dupont, directeur associée, qui a suivi la réorganisation du siège de Neuilly-sur-Seine. Dans les équipes d'auditeurs, on trouve 1 poste pour 2,5 collaborateurs alors que dans le conseil, ce chiffre oscille entre 1,5 et 2 collaborateurs par poste." D'autres, encore, auront toujours besoin de leurs bureaux individuels.
Seule une analyse fine des habitudes de travail permet d'optimiser le desk sharing : les auditeurs, par exemple, passent beaucoup de temps chez leurs clients lors de la clôture comptable, mais reviennent en masse au bureau ensuite. Ces effets saisonniers doivent être anticipés pour éviter les embouteillages réguliers.
Agrandissement des espaces partagés
Mais le desk sharing ne se résume pas à l'optimisation du nombre de postes de travail. Pour que l'opération réussisse, il implique de repenser totalement tous ses locaux. Les salariés d'aujourd'hui passent peut-être moins de temps à leur bureau, mais ils ont en contrepartie besoin de lieux pour travailler ensemble. L'espace libéré par l'open space est transformé en espaces collaboratifs : salles de réunion de tailles variées, cafétérias, lieux d'échanges informels...
"A chaque fois que nous menons un projet de réorganisation, nous suivons deux directions : la réduction de la surface individuelle et l'augmentation des espaces partagés, indique Flore Saulnier de Jones Lang LaSalle. En général, nous en profitons pour réduire un peu l'espace total, mais ce n'est pas si drastique que cela."
Les outils de travail doivent aussi permettre cette organisation : ordinateurs portables, wifi, documents sur le réseau... La technologie doit faciliter le nomadisme des salariés.
"Le salarié a besoin de personnaliser et de s'approprier son espace de travail, ce qui peut se faire dans une perspective collective."
Ce chamboulement nécessite donc une solide préparation. L'expérience douloureuse d'Accenture, devenu un contre-exemple, témoigne bien des embûches à éviter. Précurseur dans le desk sharing en France, la société de conseil avait créé des espaces anonymes et un système de réservation proche de l'usine à gaz. Résultat : les consultants rechignaient à venir au travail.
"Le modèle de départ d'Accenture était une horreur absolue, estime le chercheur Alain d'Iribarne, président du conseil scientifique d'Actineo. Le salarié a besoin de personnaliser et de s'approprier son espace de travail, ce qui peut se faire dans une perspective collective." A défaut de bureau à soi, il est indispensable de disposer d'un espace propre à son équipe. "Même les plus jeunes ont besoin de points d'ancrage", confirme Céline Dupont.