Henri Proglio (PDG D'EDF) "Nous devons considérablement renouveler nos compétences"

Avec 6 000 nouveaux CDI en 2013, EDF poursuit ses recrutements massifs. Son président détaille pour le JDN la stratégie RH du groupe.

Quelle motivation pousse EDF à procéder à 18 000 recrutements en 3 ans ? Une contrainte démographique ou une vision stratégique ?

Les deux. Nous avons la particularité d'avoir une pyramide des âges assez déformée avec un nombre important de départs en retraite dans les 5 ans qui viennent, de l'ordre de 30% des effectifs. Nous avons un besoin considérable de renouvellement et de transfert de nos compétences. Par ailleurs, le groupe ambitionne de continuer son développement en France et surtout à l'international. Notre démarche ne consiste pas à renouveler à l'identique les compétences existantes mais à parfaire l'ambition de développement du groupe dans ses multiples métiers. EDF n'est pas seulement le premier électricien mondial, c'est aussi la principale plateforme industrielle en matière d'énergie en Europe. Nous sommes le premier investisseur européen, l'un des plus gros donneurs d'ordres du continent dans le domaine de l'industrie. EDF, c'est tout ça : une formidable expertise technique et des métiers en très forte évolution.

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Henri Proglio. © Cécile Debise / JDN

On peut recruter 6 000 personnes sur un an et se montrer exigeant sur les profils que l'on retient ?

Nous devons nous montrer exigeants. Notre démarche consiste à faire un effort en parallèle de formation. Nous ne demandons pas aux gens d'arriver avec un package complètement ficelé dans lequel ils apportent une compétence spécifique qui rentre dans des cases. Au contraire, nous formons les nouveaux venus aux métiers auxquels ils sont destinés. C'est ainsi que les perspectives d'embauche s'élargissent tout comme, par définition, les exigences.

La formation continue, justement, constitue un énorme défi lorsque l'on recrute aussi massivement. Comment EDF l'anticipe ?

D'abord, notre effort de formation est considérable, vraisemblablement le plus important de France, avec plus de 8,2% de la masse salariale. Un effort très supérieur à la plupart des autres entreprises. Ensuite, nous avons de grands projets. Celui de Saclay –une université et un campus pour le groupe- est ambitieux : nous allons vraisemblablement y investir plus de 380 millions d'euros, sans parler du budget de fonctionnement. C'est un très grand sujet qui se décline à l'international. Nous avons une démarche similaire en Grande-Bretagne. Nous le ferons en Europe centrale et en Asie. Parce qu'un grand groupe international se doit de le faire.

"Notre effort de formation est vraisemblablement le plus important de France"

L'alternance semble aussi vous tenir à cœur...

Cela répond à une double ambition, à la fois maintenir un ascenseur social qui donne une chance à tous de pouvoir accéder à des responsabilités et augmenter la diversité à l'intérieur du système. Je crois, effectivement, à la vertu de l'alternance pour l'intégration dans l'entreprise, je crois à la vertu de l'alternance pour répondre aux attentes du tissu économique et social dans les territoires. Ces recrutements et ces formations se déclinent dans toutes les régions de France, aucune n'est laissée à l'écart. C'est une manière d'être une grande entreprise industrielle adossée à des technologies pointues et, en même temps, un opérateur de service public. Au fond, je pense que cette démarche est assez cohérente.

Mais ce type de recrutement ne reste-il pas marginal ?

Nous avons accueilli, à la rentrée 2012-2013, 3 000 nouveaux alternants. Leur formation en entreprise reposant sur un ou deux ans, ils sont 5 000 jeunes aujourd'hui au sein du Groupe, qui suivent des formations de base jusqu'aux formations supérieures ou d'ingénieur. Même si ces derniers sont moins nombreux.

Vous devez aussi réussir cette transition d'un pur opérateur de service public vers un environnement concurrentiel, en France et à l'international. Cela nécessite-t-il des évolutions en termes de management ?

"En France, nous ne ferons plus beaucoup de nouvelles centrales nucléaires"

Nos activités internationales impliquent une adaptation des structures de management à des réalités qui sont aujourd'hui multiples. Le monde de l'énergie ne se limite pas à l'Hexagone. L'avenir des énergies nouvelles se joue aussi en dehors des frontières, tout comme celui du nucléaire. En France, nous ne ferons plus beaucoup de nouvelles centrales nucléaires, nous les entretiendrons, nous prolongerons la durée de vie des centrales existantes, nous construirons la centrale de Flamanville... Mais l'avenir de l'ingénierie nucléaire est essentiellement en dehors de nos frontières. Le marché qui nous intéresse, c'est le marché mondial. C'est la même chose dans l'hydraulique. Est-ce que nous pouvons bâtir un grand barrage aujourd'hui en France ? Non à l'évidence. Mais à l'étranger, il y a des possibilités.

France Telecom et la Poste sont, elles aussi, passées du service public à la concurrence et l'internationalisation. Comment se fait-il que, chez EDF, la transition semble mieux réussie ?

Je ne crois pas au hasard. Il faut en permanence essayer d'anticiper plutôt que d'adapter. L'évolution de la sociologie et du type de travail, cela se prépare ensemble, cela ne se subit pas. Le risque sinon est de créer des tensions au sein de l'entreprise. Il est donc indispensable de faire évoluer la sociologie en même temps que l'on fait évoluer l'organisation, la technique et la formation au sein du Groupe. Tout cela est cohérent mais dire que c'est simple serait excessif.