Rapport Hurel : décryptage des avancées réelles pour l'indépendant

Le rapport Hurel préconise, par diverses dispositions techniques, de simplifier les mesures fiscales et sociales liées au statut d’indépendant, et par là, de faciliter la vie des Français qui décident de se lancer dans "l'auto-entreprise". Décryptage des innovations apportées par ce rapport.

Des propositions simples mais intéressantes pour les auto-entrepreneurs

Le rétablissement et l'affirmation de la présomption du travail indépendant

Pour mémoire, la loi du 11 février 1994, dite Loi Madelin, relative à l'entreprise individuelle, avait introduit une présomption de non salariat pour toute personne inscrite au registre du commerce, au répertoire des métiers ou, s'agissant des professions libérales, relevant de l'Urssaf.

La présomption d'indépendance a connu des revirements successifs, selon les gouvernements. Cette question, fortement idéologique, est sous-tendue par la vision des rapports professionnels entre d'une part employeur et salarié, et d'autre part fournisseur et donneur d'ordres. Il est d'ailleurs symptomatique de relever que cette présomption a été mise en oeuvre à l'époque où Alain Madelin était le ministre des entreprises (c'était alors aux caisses sociales, type Urssaf, si elles doutaient du statut d'indépendant, de le prouver) et qu'elle fut ensuite contestée lorsque Martine Aubry était ministre des affaires sociales (c'était alors à l'indépendant de prouver qu'il l'était)...

Sans la présomption d'indépendance, il est arrivé de requalifier un contrat de prestation en contrat de salariat, lorsqu'un travailleur exerçait en indépendant, en ne travaillant que pour un seul donneur d'ordre, alors même que cette situation résultait d'un choix de la part du travailleur indépendant. Le freelance était requalifié en salarié, et le donneur d'ordre était condamné à payer les charges sociales correspondantes.

Le rapport Hurel préconise de revenir à la présomption d'indépendance comme principe de base, s'appuyant sur la prééminence de la volonté de l'entrepreneur par rapport à celle des organismes sociaux. L'indépendant qui le souhaite peut ainsi travailler pour un seul donneur d'ordre, sans que cela ne risque d'être requalifié en salariat. Les pouvoirs publics reconnaissent donc que le statut d'indépendant n'est pas forcément subi, mais peut au contraire résulter d'un choix personnel, préférable au salariat pour diverses raisons.

 

Simplifier le mode de calcul et de recouvrement de l'ensemble des cotisations sociales

Le rapport Hurel s'appuie sur le régime micro-social, qui a permis de simplifier le régime social des micro-entreprises. Ce régime fiscal peut concerner les entrepreneurs qui réalisent au maximum 76.300 € de chiffre d'affaires pour les activités d'achats/ventes de marchandises et 27.000 € pour les prestations de services.

Ce régime micro-social a deux effets :

- Limiter les cotisations sociales à un certain pourcentage du chiffre d'affaires, et non plus de demander le versement d'un forfait d'environ 3.000 € (selon les secteurs d'activité), qui pouvait représenter un versement trop important pour un indépendant ayant réalisé un démarrage difficile, le nouveau principe appliqué étant "Sans chiffre d'affaires pas de cotisations sociales". D'après le rapport Hurel, "cette disposition rendrait donc caduc le système actuel de cotisations minimales dues par un entrepreneur qui, régulièrement inscrit, n'aurait pas réalisé un chiffre d'affaires suffisant pour être soumis aux assiettes minimales de cotisations, soit de 1.688 € (retraite) ou 13.310 € (maladie), et qui aujourd'hui acquittent de 1.437 à 1.950 € par an".

- Et par là, mettre fin aux effets de régularisation.

Ce régime micro-social est pour l'instant limité aux commerçants - artisans. Le rapport Hurel préconise d'étendre cette disposition à l'ensemble des activités de services, y compris celles réalisées par les professions libérales. Cette proposition semble judicieuse, puisqu'elle s'inscrit dans l'évolution actuelle des créations d'entreprise, qui se développent toujours plus dans le domaine du service, qu'il s'agisse de services à la personne ou aux entreprises.

Mais soulignons tout de même que le régime micro-social, tel qu'il existe actuellement n'est pas sans effet pervers. Le régime micro-social, a priori séduisant, pose en effet un réel problème en termes de retraite. Les indépendants, n'étant plus contraints de s'acquitter d'un forfait de base correspondant à la somme nécessaire pour valider quatre trimestres d'activité, détériorent fortement leurs droits futurs à la retraite.

Le problème de la proposition Hurel réside dans l'assiette minimale des cotisations dues au titre de l'assurance-maladie, qui est beaucoup trop élevée (l'assiette minimale est établie à 40 %  du plafond annuel de sécurité sociale, soit un revenu de 13.310 €) alors même qu'aucune prestation contributive n'y est liée. L'assiette minimale pour la retraite par contre permet de cotiser moins, mais avec des pénalités pour les retraités de demain (qui dans certains cas peut aller jusqu'à faire perdre un quart des droits à retraite).

Cette assiette minimale de cotisation s'avère une fausse bonne idée : avec un minimum santé trop élevé et un minimum retraite trop bas, qui ne correspond qu'à un seul trimestre de cotisation. Notre proposition serait de diminuer, voire de supprimer le plancher de cotisations de l'assurance maladie, mais à l'inverse d'augmenter modestement les cotisations retraite minimales, ou de faciliter le rachat de trimestres.


Alléger les lourdeurs administratives, fiscales et sociales liées au cas de cumul entre activité salariée et non salariée

Le rapport Hurel tente de faciliter le passage du statut de salarié à celui d'indépendant, pour que l'un puisse venir compléter l'autre, de façon ponctuelle ou plus régulière. La volonté est d'encourager l'entrepreneur de demain, lorsque l'activité en indépendant vient par exemple en complément du salariat ou encore de la retraite.

Le rapport Hurel préconise d'appliquer de la même façon le principe du régime micro-social à l'activité non salariée, afin de limiter les problèmes de combinaison avec les cotisations et les prestations du régime salarié.

 

Le rapport Hurel ouvre la voie : allons vers des mesures plus audacieuses sur le plan social

Le rapport Hurel est à marquer d'une pierre blanche et représente une belle étape. Toutefois il doit être l'occasion de lancer une véritable réflexion sur les finalités de la protection sociale des non-salariés. Pour renforcer l'efficacité du régime des indépendants, plusieurs pistes pourraient être préconisées comme :

- Une "déduction sociale" des cotisations retraite et prévoyance versées au titre des contrats Madelin, pour les aligner sur les caractéristiques des contrats dits article 83 réservés aux seuls salariés. Actuellement, l'article 83 permet au salarié de déduire les cotisations versées pour une retraite ou une prévoyance complémentaire ; ce qui va à la fois baisser le montant de son impôt sur le revenu mais aussi ses charges sociales. Cet article 83 est l'équivalent de la Loi Madelin pour le non-salarié, à la différence près que le non-salarié ne peut pas déduire ses cotisations facultatives au titre de ses charges sociales obligatoires.

- La faculté de bénéficier d'un régime de retraite à prestations définies dits article 39. Actuellement, le régime de retraite à prestations définies n'est pas autorisé pour le non-salarié.

- Enfin, le régime des indépendants pourrait être précurseur en liquidant les droits à retraite "à la carte". On pourrait imaginer, comme cela se pratique au sein des régimes facultatifs, de laisser le choix à l'assuré de définir la quote-part des droits dont il veut demander la liquidation pour lui-même et celle qu'il voudrait voir attribuer pour son conjoint survivant, et cela sans appliquer de conditions de ressources au régime complémentaire ; comme c'est le cas désormais pour les commerçants et prochainement pour les artisans.

Comme on le voit, les possibilités ne manquent pas et les différents régimes sociaux des indépendants pourraient constituer un espace d'innovation pour la protection sociale française. Le rapport Hurel aurait alors des conséquences considérables au bénéfice des entrepreneurs et de leur protection sociale.