Grippe A : mettre en place un plan de continuité d'activité

La grippe A va modifier l'organisation du travail au sein des entreprises et administrations. Des mesures préventives sont à mettre en place, spécialement dans le cadre de PCA. Quelles sont les implications juridiques ? Réponse.

L'heure n'est plus aux discussions, le Premier ministre a annoncé le 24 juillet dernier qu'en matière de grippe A, le pays était prêt à affronter "l'inévitable". L'ensemble de la population est appelée à se mobiliser face à la pandémie du virus H1N1. Plusieurs millions de citoyens devraient être touchés à partir de septembre, et ce, sur plusieurs vagues d'une durée de 8 à 12 semaines. Les enjeux sociaux et économiques sont considérables et les coûts de la pandémie évalués à plusieurs milliers de milliards de dollars à l'échelle planétaire.

En cas de crise sanitaire, le sujet de la continuité de l'activité n'est pas nouveau. L'affaire de l'incendie du Crédit Lyonnais ou les attentats du 11 septembre 2001 ont permis de mesurer l'importance de la mise en place des plans de continuité d'activité (PCA). Ils se sont multipliés dans de nombreuses administrations et grandes entreprises, à la fois pour "prévoir l'imprévisible" et pour répondre à certaines exigences légales. Toutes les fonctions des organisations publiques et privées seront affectées : systèmes d'information, services au public, production industrielle... Une répétition générale des PCA dans les activités d'importance vitale est intervenue avec la grippe aviaire en 2008. La directive 2008/114/CE du 8 décembre 2008, adoptée sous la présidence française, définit les infrastructures critiques européennes (ICE). Il s'agit des infrastructures indispensables au maintien des fonctions vitales de la société, de la santé, de la sûreté, de la sécurité et du bien-être économique ou social des citoyens, et dont l'arrêt ou la destruction aurait un impact significatif dans un Etat membre.

Outre les questions juridiques de responsabilité civile et pénale de l'employeur, contractuelle des prestataires ou encore d'assurance et d'éthique, celle de l'organisation du travail en cas de pandémie au regard du droit du travail est essentielle pour assurer la continuité d'activité. Deux circulaires du Ministère du travail du 18 décembre 2007 et du 3 juillet 2009 relatives à la continuité d'activité des entreprises et aux conditions de travail et d'emploi des salariés du secteur privé en cas de pandémie grippale sont venues apporter d'utiles précisions.

L'obligation de sécurité au travail
Conformément à l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de son personnel : actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation et mise en place de moyens adaptés en cas de changement de circonstances. D'autant plus que la Cour de cassation a considéré que cette obligation était de résultat concernant les risques professionnels.
L'employeur doit également évaluer les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs et doit les retranscrire dans un document unique d'évaluation des risques (DUER), qu'il communiquera aux salariés.

Ainsi, en cas de pandémie, l'employeur devra, en pratique, déployer des mesures adaptées à la situation, mesures qui figurent habituellement dans ce que l'on appelle un PCA. Or ce type de plan ne s'improvise pas, il se prépare. Ce plan comprend ainsi l'élaboration de consignes de sécurité et de protection et les formations associées, l'acquisition des équipements et du matériel d'hygiène (masques), l'association des Instances Représentatives du Personnel (IRP), les freins à la contagion (accès des locaux, nettoyage...) et la mise en œuvre des mesures préparatoires.

Implication des instances représentatives du personnel
Les entreprises doivent mettre à la disposition des salariés les informations et mesures nécessaires à la mise en place d'un PCA. L'efficacité de ces mesures sera fonction de la compréhension de la situation exceptionnelle et de leur appropriation par le personnel.
Pour ce faire, les entreprises utiliseront nécessairement les relais essentiels que sont les instances représentatives du personnel pour faire partager et diffuser l'information, avant et pendant la période de pandémie (CHSCT, délégués du personnel et comités d'entreprise). L'employeur peut également impliquer les organisations syndicales dans le cadre de la négociation d'un accord au sein de l'entreprise avec les délégués syndicaux.

Un des intérêts pour l'employeur est d'éviter d'avoir à gérer des hypothèses de droit de retrait de salariés, alors pourtant que l'exercice de celui-ci ne devrait rester qu'exceptionnel pendant la pandémie selon le ministère du Travail, si les mesures de précaution sont effectivement prises.


Modification des contrats de travail

La modification d'un contrat de travail ne peut en principe intervenir que par consentement des deux parties. Dans le cadre des difficultés économiques engendrées par la pandémie grippale, elle peut pourtant être rendue parfois nécessaire en raison d'un aménagement exceptionnel des conditions de travail, exception qui cessera bien sûr à la fin de la pandémie. Cette modification peut alors être effectuée unilatéralement par l'employeur (heures supplémentaires, augmentation des tâches à effectuer sans s'écarter des attributions contractuelles...), sous réserve des consultations nécessaires des IRP et de l'information de l'Inspection du travail. Le refus du salarié, sauf s'il est protégé, constituera ainsi une faute pouvant justifier le licenciement.
En revanche, la modification résultant de la volonté de l'employeur concernant les éléments essentiels du contrat de travail (fonction occupée, salaire...), ne sera pas possible sans l'accord du salarié. Dans le cas d'une modification, l'employeur est tenu de mettre en place une procédure de notification avec LRAR et un délai de réflexion (art. L. 1233-3 du code du travail). L'acceptation du salarié prendra la forme d'un avenant au contrat. Son refus conduira à un licenciement dont le motif dépendra de la modification envisagée. Si la modification a pour origine un motif économique et que 10 salariés refusent la modification, ils pourront être licenciés collectivement pour motif économique, conformément à l'article L.1233-25 du code du travail.

En situation 5B (extension géographique de la transmission interhumaine du virus, l'un des pays étant la France) et 6 (pandémie grippale - échelle qui compte 7 niveaux, le 7 correspondant à la fin de l'alerte) des modifications ou aménagements seront certainement inévitables en raison du caractère exceptionnel de l'événement. C'est pourquoi, les aménagements seront temporaires, proportionnés et en rapport direct avec les contraintes subies et le but recherché. Le caractère exceptionnel et temporaire des modifications se vérifiera quand les effets de ces modifications cesseront, avec la levée des mesures de la crise.


La réorganisation par le télétravail

Le télétravail est une forme d'organisation ou de réalisation du travail utilisant des technologies de l'information. Le travail est réalisé hors des locaux de l'employeur, de manière régulière (accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, étendu le 30 mai 2006). Le télétravail est tout de même soumis à l'accord du salarié, celui-ci étant réversible. Mais le refus peut constituer une faute. Le télétravailleur devra fournir un travail correspondant à la durée du travail prévu, sans contrôle sans son accord, et jouira des services collectifs de l'entreprise.

Il est intéressant en cas de pandémie, d'appliquer cette fonction, car elle permet de limiter les déplacements et les contacts, ce qui réduit les éventuels cas de contamination. Il s'agira d'un aménagement du poste rendu nécessaire pour permettre la poursuite du fonctionnement de l'entreprise. A ce titre, il est judicieux de prévoir au préalable les conditions d'exécution du travail. D'autant plus qu'en cas de pandémie avérée, il risque d'être devenu impossible d'organiser un tel télétravail : comment gérer les problématiques d'authentification d'accès au SI de l'employeur à distance et contact préalable avec le salarié ? Comment mettre aux normes de sécurité de l'entreprise le poste de travail du salarié ?


L'aménagement du temps de travail
En situation de pandémie grippale, de nombreuses entreprises verront leur organisation du travail gravement perturbée et seront conduites à aménager le temps de travail conformément au code du travail. De nombreuses modifications par l'employeur peuvent intervenir, mais après consultation des IRP et information à l'Inspection du travail : suspension du repos hebdomadaire, dérogation du repos quotidien de 11 heures consécutives, dépassement de la durée maximale quotidienne de 10 h, dérogation à la durée du travail de nuit (8 h), utilisation des heures supplémentaires et du régime des astreintes. L'employeur peut décider d'autres modifications sur autorisation administrative comme les durées maximales : journalière ou hebdomadaire de 48 h.

La Circulaire du Ministère souligne qu'en situation 5B ou 6, l'administration du travail doit faire preuve de plus de souplesse et de réactivité face aux demandes des entreprises. Les grandes entreprises non soumises à une obligation légale, les collectivités publiques (territoriales et autres) ainsi que les PME doivent se préparer à subir de graves perturbations dans l'organisation du travail nécessaire à leurs activités. Le résultat étant inévitable, ces organisations doivent se préparer, notamment avec des PCA adaptés à leurs besoins !