La contestation des arrêts maladie : ce qui change en 2010

Dans le cadre de la lutte contre la fraude aux arrêts de travail, les contrevisites médicales à l'initiative de l'employeur sont facilitées et prennent plus de poids. Le point sur ce qui change.

Le contrôle patronal sur les arrêts de travail est mis à l'ordre du jour par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 (PLFSS). Ce dernier prévoit une série de mesures de lutte contre les fraudes, dont font notamment partie les arrêts maladie injustifiés : selon le projet, les contrevisites organisées à l'initiative de l'employeur ne pourront rester "lettre morte" au regard du dispositif d'assurance maladie...  

Quand est-il opportun de demander une contrevisite médicale ? Le chef d'entreprise doit être informé de l'absence pour maladie de ses salariés par la réception, "dans un délai raisonnable" d'un avis d'arrêt de travail, établi par le médecin traitant du salarié malade. L'arrêt maladie en lui-même emporte présomption de la réalité de l'incapacité, sauf à démontrer une falsification par le salarié. Toutefois, si l'employeur doute de la légitimité de l'arrêt de travail, il lui est possible de diligenter une contrevisite médicale afin de déterminer si l'arrêt, dont bénéficie le salarié malade, est justifié au jour de la visite médicale réalisée par le médecin mandaté par l'employeur. Attention, ce droit n'existe qu'en contrepartie de l'obligation de maintien de tout ou partie du salaire et doit, de plus, être prévu par la convention ou l'accord collectif applicable dans l'entreprise.

Pour l'employeur, la seule conséquence d'un arrêt injustifié sera de pouvoir suspendre le versement du complément de salaire, auquel il est tenu contractuellement ou conventionnellement en cas de maladie ou d'accident du salarié. L'utilisation de son droit de contrevisite par l'employeur, notamment sur les arrêts maladie complétant opportunément un jour de RTT ou un week-end, peut avoir pour effet indirect de limiter le recours aux médecins complaisants. Certains organismes contrôleurs reconnaissent qu'environ 45 % des contrevisites autorisent l'employeur à suspendre le paiement des indemnités complémentaires. Ce taux monte à 60 % en période de vacances scolaires.

Toutefois, jusqu'à présent, rien n'empêche le salarié indélicat de retourner immédiatement voir son médecin et d'obtenir un nouvel arrêt de travail, qui permettra de reprendre le paiement des indemnités complémentaires...   La fréquence des arrêts de travail, l'existence de maladies ou de pathologies connues, la survenance d'un accident, la charge de travail, le climat social au sein de l'entreprise ainsi que l'assiduité au travail sont autant de facteurs qui permettent à un chef d'entreprise d'évaluer le bien fondé d'un avis d'arrêt de travail et de le conduire à diligenter une contrevisite médicale.   Selon le PLFSS pour 2010, il ressortait d'une étude récente de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés sur 2008 que 13 % des arrêts de moins de quarante-cinq jours contrôlés étaient trop longs ou injustifiés.

Comment l'employeur doit il s'y prendre en pratique ? En pratique, muni de l'avis d'arrêt de travail, le chef d'entreprise devra s'adresser à un prestataire de services privé qui mandatera un médecin agréé par la Caisse primaire d'assurance maladie pour effectuer une visite médicale au domicile du salarié. Le médecin ainsi désigné se rendra au domicile du salarié malade afin de vérifier si l'état de santé de celui-ci justifie bien un arrêt de travail.   Le coût de la contrevisite médicale sera contrebalancé par la baisse des coûts liés aux arrêts maladie, tels que le paiement de l'intégralité des sommes dues pendant l'absence du salarié, le financement des heures supplémentaires et des intérimaires, le retard pris dans le traitement des tâches, ou encore la lassitude des salariés les plus assidus.  

La mention "Sorties libres" sur les avis d'arrêt de travail désormais encadrée En 2007, une nouvelle mention "Sorties libres" apparaissait sur les avis d'arrêt de travail, permettant au salarié malade d'organiser librement ses rendez-vous médicaux, c'est-à-dire de quitter son domicile pour des raisons médicales, sans être contraint de respecter des horaires de sortie précis. Dès lors, s'est rapidement imposée la question de l'articulation entre la libre organisation par le salarié de ses rendez-vous médicaux et la faculté de l'employeur de diligenter une contre visite médicale inopinée, dans la mesure où l'employeur prenait le risque que le salarié soit absent de son domicile au moment du passage du médecin mandaté pour réaliser la contrevisite patronale.   Mettant fin à tout débat sur ce point, la Cour de cassation a récemment apporté une solution claire, dans un arrêt du 4 février 2009. La chambre sociale de la Cour de cassation considère, en effet, que "le salarié a l'obligation d'informer l'employeur du lieu et des plages horaires de sa présence dans le lieu où la contrevisite médicale pourrait être effectuée". Elle rappelle donc que si la mention «Sorties libres" permet au salarié malade de s'absenter de son domicile en dehors des heures traditionnelles de sortie, elle ne le dispense pas pour autant de son obligation de permettre au chef d'entreprise de réaliser une contrevisite médicale.  

La contrevisite va être prise en compte par la Caisse primaire d'assurance maladie Jusqu'aujourd'hui, le résultat de la contrevisite n'influait éventuellement que sur le versement du complément de salaire versé par le chef d'entreprise et pouvait être laissé de côté par l'assurance maladie.   Or, le PLFSS pour 2010 envisage de donner une réponse administrative à la contrevisite patronale. En effet, eu égard à la forte croissance des dépenses afférentes aux indemnités journalières versées par les CPAM, une des mesures envisagées par le projet de loi est de généraliser l'expérimentation prévue par la loi de financement de la sécurité sociale de l'année 2008. Désormais, le constat médical de l'absence de justification d'un arrêt de travail pour maladie, établi par la contrevisite, entraînerait nécessairement une décision du service du contrôle médical de l'assurance maladie, à savoir : soit un nouveau contrôle du salarié, soit la suspension du versement des indemnités journalières.   Par ailleurs, en vue de lutter contre les arrêts de travail successifs abusifs, le PLFSS pour 2010 envisage également, en cas de prescription d'un nouvel arrêt, de subordonner la reprise du versement des indemnités journalières (suspendu à la suite d'un contrôle), à l'avis du contrôle médical de l'assurance médicale.   Cette coordination rend la lutte contre la fraude plus efficace dans la mesure où elle prend en compte le fait que les contrevisites sont diligentées par l'employeur sur la base d'informations circonstancielles dont ne dispose pas la Caisse primaire d'assurance maladie.