Les dispositifs d'alerte professionnelle sont-ils illégaux ?

Dans un arrêt du 8 décembre 2009, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur la validité du code interne de conduite des affaires élaboré par la société Dassault Systèmes. Décryptages.

Afin de se conformer aux exigences de la loi Américaine dite "Sarbanes Oxley" fixant les règles de transparence, d'alerte et de contrôle des sociétés américaines cotées, la société Dassault Systèmes, cotée à la bourse de New-York, a élaboré, en 2004 et 2007, un "code de conduite des affaires" destiné à promouvoir les orientations fondamentales de l'entreprise relevant de sa responsabilité sociale, à préciser diverses règles en matière de conflit d'intérêt et de délit d'initié, à fixer les règles applicables à la diffusion des informations de l'entreprise et à instaurer un dispositif d'alerte professionnelle.

Ce code exige en particulier des salariés qu'ils requièrent une autorisation préalable pour utiliser toute information dont ils pourraient avoir connaissance à l'occasion de l'exécution de leur contrat de travail, non seulement les informations confidentielles, mais aussi celles dites "à usage interne" (par exemple : notes de service, information envoyée aux collaborateurs, organigrammes, objectifs et données se rapportant aux équipes, caractéristiques techniques, formules, dessins et modèles, inventions).

Par ailleurs, ce code met en place également un dispositif d'alerte en cas de manquements aux principes qu'il énonce en matière comptable, financière ou de lutte contre la corruption, ainsi qu'à tout autre principe lorsqu'est mis en jeu l'intérêt vital du groupe ou l'intégrité physique ou morale d'une personne (notamment en cas d'atteinte aux droits de propriété intellectuelle, de divulgation d'information confidentielle, de conflit d'intérêt de délit d'initié, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel).

Estimant que son contenu portait atteinte aux libertés fondamentales des salariés, que le dispositif d'alerte n'était pas conforme à l'autorisation unique du 8 décembre 2005 et qu'il aurait dû faire l'objet d'une autorisation en application de la loi informatique et liberté du 6 janvier 1978, la fédération des travailleurs de la métallurgie CGT a saisi le tribunal de grande instance d'une demande d'annulation de ce code.

La cour d'appel de Versailles a rejeté ces demandes. Saisie par la fédération des travailleurs de la métallurgie, la chambre sociale de la Cour de cassation censure cette décision le 8 décembre 2009 pour les raisons suivantes : 

Tout d'abord, les informations à usage interne dont la divulgation était soumise à autorisation préalable par le code de conduite ne faisant pas l'objet d'une définition précise, il était impossible de vérifier que cette restriction à la liberté d'expression était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché.

Ensuite, l'exercice du droit d'expression directe et collective des salariés pouvait impliquer l'utilisation de certaines de ces informations.

Enfin, le dispositif d'alerte professionnelle ne prévoyait aucune mesure d'information et de protection des personnes répondant aux exigences de la loi du 6 janvier 1978 et de la délibération du 8 décembre 2005 portant autorisation unique.

En outre, la chambre sociale reconnaît au juge judiciaire la liberté d'apprécier la licéité d'un dispositif d'alerte professionnel même si celui-ci entre dans le champ d'application de la délibération portant autorisation unique délivrée par la CNIL.