Handicap : comment orienter les achats vers des pratiques éthiques et sociétales

Le recours à la sous-traitance dans le secteur protégé et adapté permet aux entreprises de rédure leurs cotisation Agefiph tout en renforçant leur engagement sociétal.

Un constat préoccupant : le taux de chômage des travailleurs handicapés serait plus de deux fois supérieur à celui de la population active (une donnée mesurée par le Ministère du Travail, de l'Emploi et de la Santé dans son tableau de bord sur l'emploi et le chômage des personnes handicapées, édition 2009). L'Etat est ainsi intervenu ces dernières années pour protéger et aider cette catégorie de travailleurs.

Législation
"Tout employeur occupant au moins vingt salariés est tenu d'employer, à temps plein ou à temps partiel, des [travailleurs handicapés] dans la proportion de 6 p. 100 de l'effectif total de ses salariés." (Art. L 323-5, Loi n° 87-517du 10 juillet 1987). Cette loi d'obligation d'emploi des travailleurs handicapés prévoyait pour la première fois une pénalité financière pour les entreprises ne respectant pas ses dispositions, pénalité qui a été renforcée et augmentée par la loi pour l'égalité, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées (Loi n° 2005-102 du 11 février 2005).
La plupart des entreprises rencontrent des difficultés pour atteindre ce quota, mais la loi prévoit des dispositions autres que le recrutement direct de travailleurs handicapés, et c'est ici qu'interviennent les achats : "L'employeur peut s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en passant des contrats de fournitures de sous-traitance ou de prestations de services [à hauteur de 3%] avec : 1º soit des entreprises adaptées ; 2º soit des centres de distribution de travail à domicile ; 3º soit des établissements ou services d'aide par le travail." (Art. L512-6 du Code du Travail). Ces achats permettent, en effet, aux entreprises de réduire leur contribution auprès de l' Association Nationale pour la Gestion du Fonds pour l'Insertion Professionnelle Agefiph pour les entreprises privées ou auprès du FIPHFP (Fonds d'Insertion Professionnelle des personnes Handicapées dans la Fonction Publique) pour les établissements publics. Les acheteurs sont donc directement associés à cette nouvelle mission de responsabilité sociale des entreprises, ce qui les amène à rencontrer et collaborer avec de nouveaux acteurs.

Les acteurs du secteur protégé et adapté
La mission du secteur protégé et adapté est d'accompagner et d'aider les travailleurs handicapés à exercer une activité professionnelle qui soit adaptée à leurs capacités, car leurs possibilités ne leur permettent pas de travailler dans une entreprise ordinaire. On peut distinguer le secteur protégé, caractérisé par les Etablissements et Services d'Aide pour le Travail (ESAT), du secteur adapté, avec les Entreprises Adaptées (EA) et les Centres de Distribution de Travail à Domicile (CDTD).
Il existe aujourd'hui environ 1 400 ESAT répartis sur l'ensemble du territoire français, qui accueillent près de 115 000 personnes. Les ESAT ne sont pas des entreprises mais des établissements médico-sociaux et éducatifs, rattachés au Ministère de la Santé, qui accueillent au moins 80% de travailleurs handicapés ayant droit à un accompagnement médico-social. Travailler au sein de ce type d'établissement requière certaines conditions prévues par le Code de l'Action Sociale et des Familles. Après avoir validé ces conditions, le travailleur handicapé exerce une activité à caractère professionnel à temps plein, rémunérée entre 55% et 110% du SMIC, ou à temps partiel, avec réduction proportionnelle de cette rémunération.
On compte également près de 600 EA et CDTD (catégorie particulière des EA) répartis dans toute la France, qui emploient environ 20 000 travailleurs handicapés. Les EA et les CDTD sont des entreprises à part entière ayant à la fois une logique économique et une mission sociale : elles appartiennent donc au marché ordinaire du travail, mais adapté. Ces deux types de structures emploient des travailleurs handicapés orientés par la CDAPH à hauteur minimum de 80%. Pour le travailleur handicapé, ces organisations sont souvent considérées comme un tremplin pour obtenir un emploi dans une entreprise non adaptée ou valoriser un projet professionnel au sein de la structure d'accueil. Dès lors qu'il est dans une EA ou un CDTD, le travailleur handicapé obtient le statut de salarié, avec un contrat de travail à durée déterminée ou indéterminée. La rémunération de ces salariés consiste en un salaire qui doit répondre aux grilles de la branche d'activité de l'entreprise et ne peut être inférieur au Smic.
Les établissements et entreprises du secteur protégé et adapté se développent, et sont aujourd'hui présents sur un grand nombre de secteurs de l'industrie et du service, tels que l'impression, la bureautique, la maintenance, l'entretien d'espaces verts ou encore les centres d'appel.

Une nouvelle solution qui encourage le recours aux ESAT, EA et CDTD réside dans les Groupements Momentanés d'Entreprises (GME), soit entre un établissement ou une entreprise du secteur protégé et adapté et une entreprise ordinaire, soit seulement entre établissements et entreprises du secteur protégé et adapté. Cette solution permet aux acheteurs de réduire le risque de dépendance lorsqu'ils font appel à ce type d'entreprises. Certains décrivent cette innovation comme l'avenir du secteur protégé et adapté.

Afin de rassembler ces petites organisations et de les aider à développer leurs relations commerciales, de nombreuses fédérations et associations ont été créées. A la fois informatives et soucieuses de l'évolution de ce secteur, ces dernières mettent à disposition des services achats des bases de données facilitant leur sourcing, autant d'un point de vue géographique que sectoriel.
Ainsi, toutes les conditions sont réunies pour permettre aux entreprises ordinaires et à leurs services achats d'utiliser l'externalisation et la sous-traitance de certaines tâches de manière efficiente, ce qui leur permet également de construire des partenariats évolutifs et durables au sein de l'économie sociale et solidaire française.

Avoir recours au secteur protégé et adapté, une démarche éthique
Les pratiques éthiques et durables sont devenues progressivement de nouveaux intérêts pour la fonction achat. Grace à une position de plus en plus stratégique au sein de l'entreprise, la stratégie de la fonction achat se trouve être une déclinaison directe de la stratégie globale. Elle doit alors se conformer aux pratiques éthiques inscrites dans cette dernière.
L'éthique devient donc un pilier de la fonction achat et son développement s'articule autour de trois axes principaux : l'intégrité de l'acheteur, les pratiques fournisseurs et les achats responsables et solidaires. Si les deux premiers volets qui concernent le comportement des acheteurs et des fournisseurs dans leurs approches du respect des pratiques éthiques sont aujourd'hui bien développés dans les entreprises, le troisième l'est moins. Les achats auprès du secteur protégé et adapté permettent donc de développer l'axe des achats responsables et solidaires. 

Les avantages du recours au secteur protégé et adapté
Ces nouveaux achats auprès du secteur protégé et adapté apportent de multiples avantages aux entreprises : en respectant les nouvelles dispositions légales, ces achats permettent d'éliminer, ou du moins de réduire fortement, le coût de la contribution à l'AGEFIPH et au FIPHFP ; par ailleurs, ils peuvent être une nouvelle source de compétitivité face aux concurrents en termes d'engagement sociétal ; ils encouragent également le bien-être social au sein des effectifs et renforce donc la culture d'entreprise ; finalement, avoir recours au secteur protégé et adapté participe à l'amélioration de l'image des entreprises aux yeux du grand public.