7 idées reçues sur l'innovation à balayer pour gagner en compétitivité

A l'heure où, pour survivre, les entreprises s'efforcent de relever le défi de l'innovation compétitive et durable, peu y parviennent en raison d'idées reçues bien ancrées dans l'esprit d'un grand nombre de dirigeants. Pourtant, celles qui les combattent avec succès réussissent à transformer l'innovation en un avantage compétitif et à entraîner toute l'organisation dans une dynamique rentable et pérenne.

Idée reçue n°1 : l'innovation arrive par hasard
Contrairement à certains préjugés, l'innovation n'est pas le fruit du hasard. En fait, comme l'écrivait Louis Pasteur, "le hasard ne favorise que les esprits préparés". L'innovation résulte très souvent de l'obstination d'un chercheur, d'une équipe ou d'une entreprise visionnaires. En 1965, Toyota s'attache à démontrer que l'exploitation de turbines à gaz pour entraîner un moteur électrique est techniquement faisable. Qui aurait pu alors prédire l'avènement du Full Hybrid System de la Prius III dévoilé en janvier 2009 au salon de Detroit ? Le projet "G21" débuté en 1994 ressemblait fort à une mission impossible. Le développement d'une motorisation deux fois plus "efficiente" que les motorisations existantes n'a été en fait possible que grâce à l'expérience de la technologie hybride accumulée pendant trois décennies. Au final, la Toyota Prius est plus le fruit d'un "business model" centré sur la capitalisation de l'investissement que l'apparition d'une technologie révolutionnaire due au hasard.
En bref, développer des stratégies à long terme, souvent visionnaires, permet de contrer l'idée fausse d'une innovation tributaire du pur hasard. Pour cela, la mise en place de "corridors protégés" d'investissement dans le domaine de la connaissance est une piste clef.

Idée reçue n°2 : la créativité est synonyme d'innovation
La créativité est certes nécessaire mais ne suffit pas. Mary Sonnack, chimiste de formation chez 3M est une des premières à avoir compris la nécessité de replacer la créativité au coeur du business. C'est dans cette optique qu'elle a établi avec Eric Von Heppel, du MIT une méthode destinée à orienter la créativité vers des marchés encore insoupçonnés. Le concept de "lead user", développé en 1988 par Von Heppel, désigne les utilisateurs "pilotes" de technologies étroitement impliquées dans la conception et l'innovation. En 1996, ce concept est lancé chez 3M. Cinq ans plus tard, l'équipe qui voulait développer un nouveau type de drap chirurgical annonce une augmentation des ventes de 146 millions de dollars, soit un rendement de huit fois supérieur à celui des projets traditionnels.
Il n'y a innovation que si la créativité est guidée par des finalités ambitieuses et tournées vers des besoins insatisfaits et non exprimés.

Idée reçue n°3 : toutes les innovations sont bonnes
Toutes les idées ne sont pas bonnes pour l'entreprise mais il n'empêche que "les gagnants sont ceux qui restructurent la manière dont l'information circule dans leur entreprise" (Bill Gates). A titre d'exemple, IBM traite les flux d'idées grâce à l'IBM Innovation JAM [Just A Minute]. Tous les membres de l'entreprise connectés à Internet peuvent non seulement commenter les innovations proposées durant les 72 heures que dure une "JAM session" mais aussi soumettre les leurs. Cette "boîte à idées" a également pour vocation d'orienter les propositions sur des thèmes préalablement définis. Au total, sur 40 000 idées proposées en 2007, seules 37 ont été retenues et les 10 premières sont actuellement financées par IBM. L'édition 2008 a connu le même succès, avec un nombre record de connexions.
De bonnes idées tamisées à travers le filtre d'un réseau pertinent où fonctionne le "check and balance" entre les contributeurs génère les voies les plus prometteuses.

Idée reçue n°4 : l'innovation est forcément technologique
La plus révolutionnaire des techniques ne garantit pas le succès d'un produit. Une prouesse technologique comme l'Apple Newton annonçait l'iPhone dès 1995. Son échec retentissant tient plus à un lancement raté qu'à un défaut de conception. En comparaison, l'iPhone a bénéficié d'une excellente stratégie marketing qui a combiné les techniques de pointe aux performances qui ont fait le succès d'Apple : simplicité d'utilisation, convivialité, esthétique... La réussite exceptionnelle de l'iPhone repose sur une technologie qui doit énormément à celle de l'Apple Newton développée dix ans plus tôt.
En bref, l'innovation n'est pas toujours liée à la rupture technologique mais de plus en plus souvent à une façon nouvelle de voir le monde, le client, la combinatoire des possibles. Pour cela, l'acceptation de l'altérité culturelle joue un rôle crucial.

Idée reçue n°5 : l'innovation doit venir de l'intérieur de l'entreprise
Le syndrome du NIH (Not Invented Here) qui témoigne de la difficulté de l'entreprise à adopter une technologie externe est l'un des principaux freins à l'innovation. Les entreprises doivent aujourd'hui réaliser qu'en dépit de leur taille, même gigantesque, elles ne sont plus en mesure de disposer des meilleurs experts dans tous les domaines à l'instar de MSD (Merck Sharp et Dohme), l'un des leaders mondiaux de l'industrie pharmaceutique. Le rendement et le taux de transformation de la recherche interne de MSD se sont avérés si faibles qu'un changement d'orientation est apparu vital. Une équipe a été créée afin d'identifier des entreprises prêtes à coopérer avec MSD dans le but de rechercher et de développer de nouveaux médicaments. Cette stratégie s'est avérée payante puisque près de la moitié des ventes sont désormais réalisées grâce à elle. La combinaison de l'expertise interne de MSD et de la capacité à innover de ses partenaires a en fait abouti à une synergie d'action positive.
La complexité croissante du réel porte un rude coup au "syndrome du NIH". Les entreprises doivent se tourner vers l'extérieur aussi bien en amont qu'en aval. Accepter que l'entreprise ait des frontières floues avec l'extérieur et que le dedans et le dehors ne soient plus si délimités est de plus en plus nécessaire à une longue vie de l'entreprise.

Idée reçue n°6 : une entreprise innovante est mieux armée pour l'innovation de rupture

Développer une innovation de rupture oblige sans cesse à se remettre en question, même pour une organisation qui a déjà fait ses preuves. L'exemple de Kodak est édifiant. Après sa nomination comme PDG en 2003, Antonio Perez a déclenché trois changements stratégiques majeurs en moins de dix ans. Il fallait que Kodak évolue et trouve son véritable métier, celui de l'image et non de ses supports, un domaine où la société s'est "trop longtemps illustrée". Les hésitations de Kodak reflètent bien la tendance des managers à ne pas remettre en cause les recettes qui ont fait leur succès. Il est vrai que cette société, créée en 1880, avait maintes fois mis en valeur son potentiel d'innovation dans le domaine des supports. A un moment où la numérisation des images était déjà très répandue, le développement accéléré de l'imagerie numérique a conduit Antonio Perez à faire le choix d'une innovation de rupture avec la juste conviction d'une évolution inéluctable. Cependant, encore aujourd'hui, le retard sur le marché du numérique n'est pas comblé, plus du fait d'un défaut d'adaptation de la société que d'un manque d'investissement en R&D.
L'innovation de rupture ne coule pas de source au sein des entreprises historiquement performantes, alors même que leur survie est en jeu. Les convictions d'un homme nouveau sont parfois nécessaires pour instaurer une culture du changement, prendre un risque et sauver la mise. Accepter que toutes les belles histoires, les technologies exploitées atteignent un jour leurs limites, facilite l'appréhension de rebonds nécessaires.

Idée reçue n°7 : l'innovation est le seul fait des équipes sur le terrain
L'innovation est encore trop souvent considérée comme l'aboutissement d'efforts accomplis par les équipes présentes sur le terrain. Pourtant, bon nombre d'innovations à succès ont été largement soutenues par des leaders charismatiques tels Bill Gates et Steve Jobs. Jack Welch, PDG de General Electric entre 1981 et 2001, est aujourd'hui célèbre pour ses publications et ses programmes de formation axés sur l'exposé de cas pratiques. En 20 ans, Welch a su transformer un conglomérat structurellement disparate en une véritable organisation apprenante, fondée sur le développement des compétences chez les managers mais aussi sur l'expérimentation de produits et de modes de gestion nouveaux. En 1994, Manny Kampouris, PDG d' American Standards, l'un des fournisseurs de GE, se vante de maîtriser parfaitement la gestion de son fonds de roulement. Welch s'empresse de répliquer le processus chez GE pour aboutir, 4 ans plus tard, à un doublement du taux de rotation des stocks.
Les équipes sur le terrain sont en première ligne pour valoriser l'innovation mais il faut un leader charismatique pour incarner la culture de risque, d'ambition mais aussi d'engagement des femmes et des hommes autour de paris de transformation.

Conclusion
Il est facile de comprendre chacune de ces sept idées reçues. Toute la difficulté réside dans leur prise en compte simultanée au sein des entreprises, dans le but de leur opposer des mesures préventives parfois complexes. Trouver le bon équilibre, c'est parvenir au bon "dosage" entre ces éléments dans un monde toujours en mouvement. Les principes qui ont permis d'aboutir à des innovations à un instant donné ont toutes les chances de changer par la suite, parfois rapidement. C'est en partie pourquoi les hommes peinent bien souvent à remettre en cause les recettes qui ont fait leur succès, d'où leur penchant pour les idées reçues !