Management 2.0 : tarte à la crème ou véritable levier de croissance ?

Ce concept - en pleine émergence- souffre d’un manque de clarté dans sa définition. Il se construit dans la relation de confiance et prend appui sur la responsabilité partagée. Il a un bel avenir dans un cadre professionnel où la performance économique dépendra plus que jamais du capital humain

Il est plus aisé de repérer aujourd’hui ce qui ne fonctionne pas dans nos entreprises au regard des enjeux que de pouvoir dessiner les contours d’une nouvelle conception de l’entreprise.

Plusieurs paradoxes sont à noter :
1. Dans un contexte de mondialisation où il parait si nécessaire d’être en veille sur les évolutions du marché, jamais autant les dirigeants ne se sont inscrits dans des politiques à court terme.
2. Le discours de la responsabilisation est un leitmotiv mais l’analyse des faits met plutôt en relief le pouvoir exercé par les fonctions « supports » que ne cesse de s’étoffer  ces dernières années : comptabilité analytique, qualité, contrôle de gestion, sécurité, contrôle interne…
3. Elle bénéficie d’une connaissance approfondie des attentes de ses clients (segmentation, enquête de satisfaction, …) mais la confiance du corps social n’a jamais été aussi faible.

Ces dernières années, le management a fait des progrès notoires dans la maitrise de ses processus mais ses limites apparaissent évidentes pour ce qui est de son aptitude à mobiliser les salariés et utiliser les compétences. Les vieilles recettes du management (carrière, rémunération, discipline) ne fonctionnent plus avec les jeunes de la génération Y mais sommes nous prêts à faire face à cette nouvelle donne dans une économie de la connaissance où la technologie bouscule la relation au temps et au pouvoir.

Transformer l’ADN de nos entreprises, ne pourra se faire en quelques mois mais la démarche est clairement engagée à travers 5 évolutions majeures :

 1. L’identité
L’entreprise ne pourra vivre hors des problèmes sociétaux et penser seulement son développement en terme économique et financier. Elle va nécessairement devoir clarifier sa raison d’être, donner du sens à son projet collectif et préciser sa conception de l’éthique.
L’image de marque (personnal branding) n’est pas seulement une problématique qui concerne les personnes physiques.  Nul doute qu’il va devenir difficile de faire travailler des enfants en Asie sans avoir des comptes à rendre. La responsabilité sociétale des entreprises a des beaux jours devant elle si elle influence en profondeur la culture d’entreprise et ne se limite pas à être seulement une opération séduction.
Est-il nécessaire de préciser la transparence que s’impose déjà de mettre en place dans les choix d’organisation, les rémunérations, l’équité sociale. La parité homme/femme devrait mettre un coup fatal au patriarcat. La discrimination est un dossier qui doit être pris à bras le corps.
Restaurer le capital confiance, voilà l’enjeu de l’identité et de l’éthique. Et cela ne pourra se faire qu’à travers des relations de personne à personne et une cohérence dans les pratiques managériale. Un discours officiel en décalage avec les réalités du terrain ne pourra que s’exposer à une violente critique des salariés. Avec le buzz sur internet l’absence de transparence peut devenir mortelle.

2. La transversalité
En matière d’organisation, les structures matricielles et le management par projet représentent une évolution majeure de ces dernières années.  Les projets se sont multipliés et laissent place si nécessaire à des activités transverses qui s’inscrivent dans la durée. Les fonctions « support » sont apparues pour incarner les priorités stratégiques : qualité, sécurité, contrôle interne.
Ce maillage se déploie sans que l’on ait une vision globale et systémique qui puisse permettre un pilotage efficace.  La structure pyramidale compose avec la vitalité des réseaux et cela génère parfois confusion des rôles et déperdition d’énergie. 
Aujourd’hui, ce sont les communautés de pratiques qui viennent d’une manière plus informelle proposer leur contribution sans que l’on sache d’ailleurs trop comment les animer et quelle place leur accorder dans l’organisation.
Sans oublier que les réseaux s’étendent maintenant aux fournisseurs et aux clients de plus en plus impliqués dans la démarche d’optimisation des processus, dans l’évaluation et l’innovation des produits et services.

3. La contractualisation
L’individualisation dans la société est un phénomène facilement observable et il impacte fortement les pratiques de management. La logique des droits et des devoirs structure les relations au sein de l’entreprise, mais il est évident que dans un contexte d’incertitude chacun privilégie ses propres intérêts.
L’engagement professionnel repose sur un contrat gagnant-gagnant dans lequel les jeunes recrues veulent voir clairement s’exprimer la satisfaction de leurs attentes : personnalisation de leur contribution, parité dans les échanges, reconnaissance des mérites, développement de nouvelles compétences. Plus que jamais l’encadrement doit être en capacité d’identifier sur quoi il peut négocier un contrat dans lequel chacun s’y retrouve. La fidélisation des talents est devenue un enjeu.

4. L’interactivité
Les statuts s’effacent au profit des rôles dans un management où la décentralisation des responsabilités est forte. La proximité relationnelle génère une réactivité et un moindre formalisme dans les échanges qu’il faut apprendre à gérer. En effet, dans un mode de fonctionnement où tout va très vite, le réflexe l’emporte sur la réflexion et provoque une inefficacité coûteuse. En effet, la quantité de l’information produite à travers les échanges doit déboucher sur une qualité dans la prise de décision.
Le management 2.0 conquiert ses lettres de noblesse dans le développement du travail collaboratif largement favorisé par des outils qui se veulent conviviaux et efficaces dans le domaine de l’organisation.  Le collectif se construit en prenant en compte la diversité des profils. Faire des différences, une vraie complémentarité… voilà encore une approche innovante au regard du clonage culturel dans lequel certaines entreprises se sont engluées au risque d’y perdre l’esprit critique.
Une telle approche remet l’humain au centre des préoccupations et nul doute que la démocratie participative va devenir dans les années à venir autre chose qu’un concept vide de sens.

5. L’innovation
L’entreprise ne peut se satisfaire d’être seulement un lieu de production dans un contexte aussi mouvant où la capacité d’adaptation est la clé de voûte de la performance économique. L’intelligence collective doit incarner au quotidien les pratiques des équipes et devenir un pilier de la culture d’entreprise à travers la capitalisation de l’expérience, l’amélioration continue, la concertation sur les projets.
L’innovation n’est pas seulement l’affaire de quelques experts, elle doit devenir une approche collective.  L’idée est généreuse, plus difficile à mettre en place. Elle requiert en tous les cas une vraie prise de conscience sur les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir et la nécessité de désapprendre.
Désapprendre la vision que nous avons notamment du temps productif, du savoir des experts, de la politique du secret.

Cette description sera incomplète si nous n’y faisions pas figurer la responsabilité.

Elle incarne de tout temps la force vitale de l’entreprise, à l’image  du sang qui irrigue nos organes et artères.  Espérons que cette responsabilité sera bien dans le management 2.0 une responsabilité partagée.
La responsabilité est au cœur de tout changement d’ampleur mais il est loin d’être inutile de rappeler son importance dans le contexte actuel :
·  L'éthique serait elle en mesure de devenir autre chose qu'une charte et des pratiques désincarnées dans le domaine de l'engagement et de la transparence,
·  la transversalité trouverait elle aussi assez rapidement ses limites si la capacité à négocier reposait sur d'autres fondements que l'intelligence et le sens des responsabilités des acteurs eux-mêmes,
·  L'interactivité dans son aptitude à prendre compte notamment la dimension émotionnelle s’avère de fait moins confortable à vivre que de rester sur un terrain impersonnel et factuel,
·  La contractualisation ouvre la porte pour sa part à la capacité à donner du sens et créer les conditions d'un engagement réciproque,
·  L'innovation est un domaine où là encore le sens des responsabilités intervient fortement car il faut un sérieux courage au quotidien pour oser et prendre des risques.

Le management 2.0 va se construire dans la relation de confiance et prendre appui sur la responsabilité partagée. Une belle aventure à vivre tous ensemble dans un environnement professionnel où la performance économique dépendra plus que jamais du capital humain.