5 raisons pour lesquelles les réseaux sociaux n’auront pas la peau des chameaux

Dans un contexte de montée en puissance des réseaux sociaux au détriment des jobboards traditionnels, on peut s'inquiéter de l'avenir des cabinets de recrutement...

"Le consultant en recrutement est un animal...." non pardon, je recommence...."Le chameau est un animal capable de vivre dans des conditions extrêmes, pouvant évoluer sur de très longues distances. Les déserts, le froid, les lourdes charges, rien de lui fait peur. D’une extraordinaire résistance, le chameau a toujours su s’adapter à son environnement pourtant changeant, allant même jusqu’à faire évoluer ses caractéristiques propres. Fidèle et loyal, le chameau accompagne depuis toujours les peuples du désert. On tenta de lui opposer, au fil des ans, tantôt le cheval, puis le mulet….mais rien n’y fit. L’on en revient toujours à son extraordinaire dévouement et à sa capacité à sans cesse étonner et rendre service.Lors de TRUParis, j’ai pu assisté à l’un des tracks de l’après-midi animé par Valérie Champault (Adecco) et Olivier Fecherolle (Viadeo). La question se posait de l’avenir des cabinets de recrutement à l’ère des réseaux sociaux. Entre nous soit dit, le ton était vite donné puisque sur un track précédent, ce sont déjà les jobboards qui étaient passés à la moulinette. Très vite, furent trouvés des arguments pour démontrer l’inutilité future des cabinets.Les arguments ne se font pas attendre pour “descendre” la profession:
- L’utilisation des médias sociaux permet des économies aux entreprises. Finis les jobboards, les cabinets ! Vive le recrutement gratuit via Linkedin et Viadeo notamment !
- Les entreprises souhaitent reinternaliser la fonction recrutement pour bâtir une vraie politique de culture d’un vivier de talents.
- Les honoraires des cabinets sont toujours aussi élevés alors même que leurs outils permettent d’importants gains de temps et donc d’argent.
Les cabinets de recrutement ne mourront pas

Tel le chameau dans le désert, voici cinq raisons pour lesquelles les cabinets ne mourront pas dans les prochaines années :
- Le marché du recrutement évolue. Avec lui, de nouvelles méthodes, de nouveaux besoins, de nouvelles habitudes. Les recruteurs ont dû, et doivent encore s’adapter. Les cabinets ouverts, agiles, audacieux, souples -autrement dit les cabinets artisanaux dans le sens noble du terme- sauront tirer leur épingle du jeu. En effet, se former soi-même ou former simplement quelques collaborateurs à ces nouvelles méthodes est aisé et rapide. De l’autre côté de la chaîne alimentaire, les gros cabinets de 200, 300 ou 400 collaborateurs auront nécessairement plus de mal. Des process trop normés et rigides, des collaborateurs éteints par la marque qui les emploie dans un environnement pourtant guidé par l’intuitu personae, un changement radical de manière de fonctionner beaucoup trop lourd à encaisser…tout un tas de points qui m’amènent à m’inquiéter pour les mega-structures plutôt que pour les petits rapides.
- L’utilisation optimale des réseaux sociaux, les sites pro en tête, n’est pas aisée et à la portée de tous. Une simple requête via le moteur de recherche de Linkedin ou Viadeo ne donne pas toujours des résultats suffisants et/ou satisfaisants, d’autant plus si votre réseau manque d’épaisseur. L’utilisation des opérateurs booléens qui pourrait combler un certains nombre de carences est encore moins facile à prendre en main pour un public RH déjà surchargé de travail et pas nécessairement averti de ces pratiques. Bon nombre de recruteurs externes sont en revanche (auto)formés à ces méthodes. Les RH sont encore très loin d’avoir acquis une connaissance suffisante pour vivre en autonomie à ce niveau là. (cf une traversée du désert sans chameau, si vous suivez…).
- Avec l’utilisation du web est souvent véhiculée la fausse idée du tout gratuit. On le voit bien dans d’autres domaines: musique, films, etc… Les médias sociaux n’échappent pas à la règle. Un certain nombre de RH se sentent ainsi capables de couper tous leurs abonnements jobboards, et ne plus faire appel à leurs cabinets partenaires espérant avoir trouvé la formule idéale: une CVthèque à ciel ouvert pour quasi rien! Erreur, erreur, erreur puisqu’au delà de l’outil en tant que tel, il est intéressant de prendre aussi en compte le temps d’utilisation et l’investissement temps nécessaires pour construire une communauté digne de ce nom. Et sur ce point, nous sommes presque tous d’accord: utiliser Viadeo et Linkedin prend un temps fou ! Un cabinet est payé pour çela. Un RH, moins. Enfin, les solutions Recruteurs proposées par Viadeo et Linkedin sont coûteuses ! Stratégiquement, j’aurais trouvé ça plus fin de jouer sur un tarif plus faible pour renforcer l’appel d’air et la sensation de vraie solution alternative, plutôt que de se caler au même niveau que les jobboards niveau tarif…je dis ça je dis rien.
- Les entreprises parlent de cultiver leur vivier candidats grâce aux réseaux sociaux. Ma réflexion sur ce point est très rapide: pourquoi ne le faisaient elles pas avant ?!? Point.
- “Les cabinets de recrutement pratiquent des tarifs élevés depuis des années malgré des outils leur permettant plus de vitesse, de fluidité”. C’est vrai ! Enfin, notamment les gros cabinets dont nous parlions tout à l’heure, en tout cas, coûts de structure obligent. Je ne vais pas vendre “ma soupe” ici, mais de nouveaux modes de facturation font surface et permettent de rendre accessibles à tous des prestations de qualité. Mon numéro est le 06.26…. ;-)

                    Le chameau, c'est in, n'est-ce pas Mr Jean of the Garden ?

Un peu de contexte
L’essor des réseaux sociaux me rappelle l’arrivée des Monster & Co dans les années 1990 qui devaient déjà signer l’arrêt de mort des cabinets de recrutement. À l’inverse, ces mêmes cabinets furent les premiers utilisateurs de ces jobboards, avec la suite que l’on connaît désormais. Les médias sociaux se posent donc comme un autre outil de sourcing et de broadcast, en plus de l’utilisation de supports de diffusion traditionnels. Si les jobboards n’ont pas eu la peau des cabinets, pas de raison que les réseaux sociaux y arrivent ! D’autant plus que le ticket d’entrée technique sur les réseaux sociaux est nettement plus élevé que sur les jobboards. Jeter une bouteille à la mer (diffuser une annonce) et espérer que quelqu’un la trouve (recevoir LE bon CV) est à la portée de tous, quand la préparation et l’élevage de chevaux de courses (animation de communautés) est nettement moins accessible et demande autrement plus d’efforts.
Pour un RH, sourcer les réseaux sociaux permet effectivement d’être en contact direct avec LE candidat. Vous savez, le candidat qui nous rend heureux après avoir épluché 99,9% des CV reçus ? Et bien voilà une des grandes limites de l’utilisation des réseaux sociaux faite par les RH: ont ils le temps de gérer ce white noise ? Tous ces candidats hors cibles ou pas assez proches du candidat idéal ? Tous ces candidats qu’il conviendra de driver malgré tout, mais qui prendront du temps à une fonction qui n’en a déjà pas ? Mes clients n’ont déjà pas toujours le temps de me répondre en temps et en heure, alors “élever une pépinière à champions” eux-mêmes n’en parlons pas !

Sourcer n’est pas recruter
Enfin, les réseaux sociaux agissent principalement sur le process de sourcing. Trouver un nom est facile. Transformer ce nom en candidat potentiel puis en collaborateur demande du temps, un sens marketing que n’ont pas les RH. En tout cas, ils ne sont pas formés pour. Les cabinets vont au delà du simple Sourcing. Ils amènent de la qualité, construisent des process benchmarkés, adaptés à votre secteur d’activité, vous violentent avec parfois de nouvelles méthodes de recrutement ? Etc…et ça, ça n’a pas de prix!
Les arguments seraient encore nombreux. Les réseaux sociaux peuvent parfois donner l’illusion aux entreprises de pouvoir s’en sortir toutes seules, mais cela n’est pas aussi simple. Les consultants doivent tendre vers du Conseil en Marketing RH nous l’avions vu lors de RMS Conf, ce qui n’est pas à la portée des RH entreprises.
Pour finir et conclure, bien entendu, mon jugement est teinté de parti pris, étant moi même consultant, mais je saurais sincèrement reconnaître une quelconque faiblesse de notre profession face à l’arrivée de nouveaux outils. Notre métier va très certainement continuer à évoluer, à tendre aussi vers de la formation des équipes RH. Ce rôle d’évangélisateur est une piste, il y en a d’autres. Et vous, quelles sont vos idées, remarques, observations? Un petit tour à dos de chameau ?