Les enjeux de la dématérialisation : développement durable, greenwashing ou business ?
« La dématérialisation est la première étape incontournable de toute stratégie de développement durable » déclarait Eric Boustouller, président de Microsoft France, en octobre 2009.
Dans cette perspective, la gestion responsable des ressources naturelles ainsi que la réduction des émissions de CO² débordent le cadre de la stricte production industrielle et concernent également la production et la gestion des flux d’information. En cause : la production et l’impression du papier. Est-ce à dire qu’un contenu produit au format numérique (correspondance, facture, …), c’est autant d’arbres qui ne seront pas abattus ?
Pas si simple !
En effet, la
dématérialisation contribue de fait à une augmentation exponentielle de la
production et de la circulation de l’information. En outre, à cause de l’effet
rebond de la re-matérialisation (Cf. le livre vert du Syntec), la consommation de papier continue à augmenter en valeur
absolue (+5% en 20 ans).Il faudra sans doute attendre que la génération numérique
- née avec internet - affranchie de la « lecture papier » soit
majoritaire dans la population active pour voir cette consommation baisser.
Sans compter les problèmes écologiques induits par le recyclage et la
consommation d’énergie nécessaire à la production, toujours croissante,
d’équipements indispensables à la dématérialisation. On pourrait mentionner la
diminution des transports physiques comme l’un des bénéfices les plus tangibles
de la dématérialisation : seulement, axer une politique de développement
durable sur ces considérations d’économie d’énergie et autres concepts
accrocheurs de type « zéro papier » relèverait d’une stratégie de
« greenwashing »(*).
En réalité, à ses débuts, la
dématérialisation visait l’efficacité, la rapidité, la sécurisation des
échanges… et surtout les gains de productivité. Concernant la relation
collaborateur et le traitement des données à caractère personnel dans
l’exploitation des SIRH, le véritable enjeu d’une dématérialisation durable se
situe ailleurs.
La confidentialité et la sécurité des données personnelles,
un enjeu de responsabilité sociale
La protection des données
personnelles occupe une place centrale dans la Responsabilité Sociale
d’Entreprise (RSE). L’employeur a un devoir de protection et de préservation de
ces données. Or la
numérisation des données accroît considérablement le risque de perte ou de diffusion
non souhaitée (malveillance, hacking…). Avec l’augmentation des volumes de
données, l’employeur doit assumer une charge de plus en plus lourde, d’autant
que cette tâche se complexifie avec le progrès technologique : on assiste
ainsi à la mise en place de dispositifs
particulièrement intrusifs de cybersurveillance. De ce point de vue,
dématérialisation ne rime pas forcément avec développement durable.
En cause, les « traces »
informatiques que produit massivement la société de
l’information. Ces « déchets » ne peuvent être éliminés
définitivement. Quant au recyclage ou à l’anonymisation, ils n’offrent guère de
garanties.
Face à la complexité
et à l’importance de cette problématique, l’erreur serait de penser que la dématérialisation puisse être une « réponse simple
et rapide » à mettre en œuvre pour « respecter
l’environnement ».
La dématérialisation est une chaîne de valeurs technologique,
économique, et surtout organisationnelle, dont chaque maillon apporte une
valeur à optimiser au travers d’une démarche projet.
L’identification des usages est déterminante :
que souhaite-t-on ?
Réduire l’utilisation de papier et de frais postaux? Apporter des réponses
en termes de gestion documentaire, affranchir les collaborateurs de tâches de
classement et de recherches physiques peu valorisantes, favoriser le partage de
l’information notamment dans les organisations décentralisées, sécuriser les
données, récupérer de l’espace… ?
De l’expression des besoins au choix d’une solution, la conception est
structurante : quelles
activités, quels processus, quelles méthodes vont faire l’objet d’une
dématérialisation, avec quel modèle business, avec quel ROI, quelle politique
de sécurité … ?
Le choix
technologique est un premier élément de réponse : quelle solution, certifiées, labellisées, quel
éditeur ou prestataire pour quel niveau de service, quelles garanties
de réversibilité… ?
Enfin, considérant que la dématérialisation intervient comme
un levier de réorganisation fonctionnelle, facilitant notamment le travail
collaboratif, il conviendra de considérer avec la même attention les enjeux liés
aux gains de productivité attendus que ceux liés à la conduite du changement. Car
il apparaît en effet que les principaux points de résistance soient liés, dans
une certaine mesure, à des sujets de sécurité, de pérennité du dispositif et
surtout, au sentiment de dépossession induit par un changement d’habitudes.
La productivité est l’enjeu central de la dématérialisation,
loin devant les considérations écologiques habituellement évoquées. Un projet
de dématérialisation doit faire l’objet d’une approche globale, tenir compte
des spécificités métiers légales et organisationnelles, et se concentrer sur
les usages.
La dématérialisation est un sujet d’organisateur. A l’instar des projets d’intégration
de technologie, le recours au conseil et à l’accompagnement est essentiel, il est
la garantie d’un ROI mesurable et satisfaisant.