Même au travail, il ne faut pas abuser des mannequins
Que ce soit lors des défilés de mode, d’émissions télé ou lors d'évènements, le recours à des mannequins est fréquent. Pour obtenir les services de ces belles créatures sans commettre d'impair, il convient de connaitre le régime juridique complexe et protecteur du mannequinat.
Qui est mannequin ?Le Code du travail
dispose à son article L. 7123-2 qu’ "est considérée comme
exerçant une activité de mannequin, même si cette activité
n'est exercée qu'à titre occasionnel, toute personne qui est
chargée : 1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par
reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit,
un service ou un message publicitaire ; 2° Soit de poser comme modèle,
avec ou sans utilisation ultérieure de son image."
Ce que confirme la circulaire du 20 décembre 2007 qui
précise, que « peu importe à cet
égard la notoriété ou l’âge de la personne et qu’elle exerce cette activité à
titre occasionnel ou professionnel, ou qu’elle exerce une autre profession à
titre principal », et par
exemple, que doivent être considérés comme mannequins "des étudiants
ou de jeunes enfants engagés pour participer à la présentation
de produits ou à la valorisation d'une marque
lors d'une manifestation".
Sont en revanche exclu du champs du mannequinat les artistes enregistrant des voix-off, et les artistes-interprètes, dont l’intervention ne se réduit pas à la seule utilisation de leur image. La jurisprudence considère à ce titre, que le « jeu de physionomie et l’interaction avec un partenaire » caractérisent la qualification d’artiste-interprète (Conseil d’Etat n°167585, 17 mars 1997 ; Cass. Soc. N°95-43.510, 10 février 1998). Un véritable jeu de scène est toutefois nécessaire. (Cour d’appel de Paris, 4ème ch. 21 janvier 2005).
Mannequin salarié ou freelance ?
Selon la circulaire
du 20 décembre 2007, il résulte "qu'un mannequin ne peut être
considéré comme un travailleur indépendant et être payé sur facture".
Dès lors, la situation des mannequins "freelance" est la
plupart du temps contraire aux dispositions du code du travail telles
qu'interprétées par la circulaire.
L’article L. 7123-3du Code du travail énonce une présomption de salariat pour l’activité de mannequinat :
"tout contrat par lequel une personne
s'assure, moyennant rémunération, le concours
d'un mannequin est présumé être un contrat de travail".
Cette présomption
est très forte et n’est pas renversée par le seul fait qu’il n’existe aucun
lien de subordination entre le mannequin et l’employeur (article L.7123-4 Code
du travail). La qualification de contrat de travail est retenue quelque soit la
qualification donnée par les parties, le mode et le montant de la rémunération.
Cette spécificité
de la législation française assujettie obligatoirement le mannequinat au droit
du travail ainsi qu’au régime général de la sécurité sociale. On notera que les
mannequins ne bénéficient pas du régime particulier de sécurité social de l’intermittence.
Lorsqu’un mannequin
est mis à disposition par une agence de mannequin, la relation contractuelle
est tripartite : un contrat de travail lie le mannequin à l’agence et un
contrat de mise à disposition de personnel lie l’agence au producteur.
Cette relation
tripartite est extrêmement réglementée. Les contrats de travail doivent
comporter des mentions obligatoires supplémentaires à celles imposées par la
législation du droit du travail classique et leur rédaction est encadrée dans
des délais stricts, sous peine de se voir requalifiés en contrat à durée
indéterminés (Cour d’appel de Paris, 10 novembre 1998). Bien que ne supportant
pas le contrat de travail, le producteur, client de l’agence, sera responsable
des conditions d’exécution du contrat de travail en application de l’article L.
7123-18 du Code du travail.
Rémunération du mannequin
Concernant
la rémunération, il convient de distinguer entre la
rémunération due au mannequin en contrepartie de sa prestation proprement dite,
qui est présumée être un salaire, et la rémunération due au mannequin à
l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de sa
présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur, dès lors que sa
présence physique n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que
cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de sa
présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de
l'enregistrement. Cette rémunération n'est pas considérée comme un salaire et
doit faire l’objet d’une convention séparée (article L. 7123-6 du code du
travail). L'article 16-2 de la Convention collective nationale des mannequins
ouvre la possibilité d'une rémunération forfaitaire du droit à l'image des
mannequins lorsque «l'utilisateur ne peut déterminer exactement à l'avance les
quantités définitives».
A ce titre, la
cession de droits d’exploitation de photographies faites à une agence - ou une
entreprise d’édition ou de communication -n’autorise pas un tiers à les
publier, sans l’accord express du mannequin, ni contrat de cession
valablement passé entre l’entreprise disposant des droits d’exploitation, avec
le tiers qui publie les clichés. Mais, « aucune disposition légale ou
réglementaire ne prévoit au profit d’un mannequin
professionnel une rémunération proportionnelle à l’exploitation de son image »
(Cass. 1ère civ.,
11 déc. 2008, n° 07-19.494, D, rejet, CA Paris,
6 juin 2007).
Les autres règles
régissant les relations mannequin/agences prévus par la convention collective
concernent, pêle mêle, les droits d’information mutuels, l’obligation de visite
médicale préalable, le respect des durées maximales d’emploi, l’égalité entre
mannequins français et étrangers, l’égalité entre mannequins hommes et femmes,
la protection des mannequins enfants, les rémunérations minimales.
Les entreprises du
secteur de la mode et des médias ne doivent pas méconnaître la législation
minutieuse qui s’applique aux mannequins, sous peine de risquer une
requalification en contrat à durée indéterminée lourde de conséquences.