Gestion des talents internationaux: les précautions fiscales qui s'imposent
La gestion des talents internationaux, ces populations ultra mobiles qui se déplacent dans le cadre de missions à l’étranger font l’objet d’une attention croissante de la part des autorités fiscales étrangères. Veillez à réduire les situations à risques.
Il est désormais primordial de prendre en compte les spécificités des réglementations concernant précisément ces « global talents ».
Si
aujourd’hui la majorité des entreprises saisissent les enjeux de la gestion des
talents, peu d’entre elles ont intégré sa dimension internationale. Quand on évoque les difficultés de la gestion
des talents à l’international, on fait souvent référence aux problèmes de recrutement
et de rétention de cadres en Chine ou en Inde.
Or, la réalité est plus riche et surtout en pleine mutation. Non seulement la gestion des talents
internationaux recouvre les programmes de développement des hauts potentiels des
grandes entreprises mais également d’autres types de populations : les
jeunes diplômés, les « commuters », les contrôleurs internes, les
managers de transition, ou bien encore les experts et les consultants.
En
ce qui concerne les jeunes diplômés, des programmes de recrutement et de
développement à l’international de jeunes diplômés ont été mis en place. Dans
un premier temps, ces derniers passeront entre six et douze mois au sein de
l’entreprise qui les recrute avant d’entamer un parcours international composé
de missions successives de six mois au sein des différentes filiales étrangères
du groupe.
A
côté de ces programmes de développement des talents internationaux, d’autres
situations existent. Elles peuvent résulter de contraintes professionnelles ou
familiales. Ce sera ainsi le cas des « commuters », ces cadres qui
prennent l’Eurostar ou le Thalys le lundi et le vendredi et passe le week-end
en famille dans leur pays de résidence.
On
pourra citer la situation des experts ou consultants, détachés en mission de
courte durée à l’étranger pour travailler sur des projets spécifiques, ou bien
encore celle des managers de transition, appelés au sein d’une filiale étrangère
pour assurer l’intérim ou gérer une situation de crise.
Il
s’agit d’une véritable internationalisation des missions et des carrières et cette
tendance ne devrait pas fléchir puisque c’est maintenant le marché de
l’emploi qui s’internationalise : il suffit de regarder le nombre
important d’offres d’emploi à l’étranger postés dans les groupes de discussion sur
LinkedIn ou Viadeo pour s’en convaincre.
Avec
des carrières et des diplômes internationaux, il devient légitime de postuler. Avec les moyens de télécommunication et de
transport à disposition, il devient légitime de travailler dans un pays et de
résider dans un autre.
C’est
à ce moment que cela se complique, surtout à l’approche des échéances
fiscales, car si les modes de travail des salariés ont fortement évolué, les
règles fiscales internationales assez peu.
En
matière de fiscalité internationale des cadres internationaux, deux principes cohabitent :
* le premier
est celui de l’imposition du revenu mondial dans l’État de la résidence fiscale
de la personne,
* le second est celui de l’imposition des salaires dans l'État du
lieu d’exercice de l’activité salariée. Fort heureusement, le deuxième principe
comporte une exception dite de « clause de mission temporaire » qui
permet de rester imposable dans l’État de sa résidence si les trois conditions suivantes
sont remplies :
- Passer moins de 183 jours dans l’autre État au cours d’une période de 12 mois ;
- Ne pas avoir sa rémunération payée par ou pour le compte d’un employeur qui se trouve dans l’État du lieu d’exercice de l’activité ;
- Ne pas avoir la charge de sa rémunération supportée
par un établissement stable de son employeur dans l’autre État
Si
la situation des talents internationaux en mission longue ne rencontre pas de
difficulté particulière, notamment par ce qu’un changement de résidence aura
été opéré dans le lieu d’exercice de l’activité, la situation des autres
talents internationaux est plus délicate.
Que se passe-t-il si la mission est prolongée de quelques jours, au-delà
des 183 jours ? Le chantier ou le projet sur lequel travaille le salarié
constitue-il un établissement stable ? Ne peut-on pas parler de
co-employeur quand le salarié est mis à disposition d’une filiale du
groupe, en remplacement d’un salarié local, alors même que sa mission serait
inférieure à 183 jours ?
C’est
ce dernier point qui a retenu l’attention des autorités fiscales étrangères,
notamment britanniques norvégiennes et allemandes. Quelque soit l’entité avec
laquelle un contrat de travail avait été signé, elles ont considéré que le
salarié avait aussi un employeur économique dans leur pays où était exercée
l’activité. Elles ont estimé que le salarié était ainsi imposable sur leur
territoire. Cela a généré de nombreux contentieux et des situations de double
imposition.
Le
comité fiscal de l’OCDE s’est saisi de cette question. Après plusieurs années
de discussion entre pays membres, un compromis semble avoir été trouvé. En
résumé et selon l’esprit des commentaires, il convient de distinguer les
situations de prestations de services, éligibles au bénéfice de la clause de
mission temporaire, des autres missions.
En pratique, la situation est beaucoup plus délicate et il convient de
se livrer à une analyse précise de chaque situation pour chaque type de
population. Compte tenu de l’évolution et du développement des talents
internationaux, la tache va se révéler difficile et complexe pour les
directions des ressources humaines.
C’est
tout l’enjeu de la gestion des talents internationaux : identifier l’ensemble
des populations, définir précisément le cadre juridique et fiscal de leurs
missions, assurer le suivi précis de la durée des missions et enfin accomplir
les formalités fiscales et sociales nécessaires.
C’est
un travail gigantesque mais essentiel.