PME vs grand groupes, les lois des plus forts

Dans un monde où la loi du plus fort règne encore dans de nombreux domaines, les relations entre petits et grands n’ont jamais été faciles. Surtout pour les petits.

Les PME convoitent les marchés offerts par les grands groupes. Et les grands groupes ont besoin des PME pour fonctionner, sous-traiter, s’approvisionner. Pour autant ce petit écosystème ne vit pas toujours en harmonie. Les pratiques sont rudes : demandes de remises dans tous les sens, délais de paiement en multiples de 30 jours, sans parler des lourdes procédures de référencement et appel d’offres qui imposent tout, règles du jeux, conditions juridiques, jusqu’aux prix même parfois.
Bien-sûr de nombreuses PME prospèrent, se développent et emploient grâce à leurs grands groupes clients. Mais toutes les pratiques d’achat sont-elles légitimes ?

Premier exemple, les demandes de remises sans engagement de volume. Pratique assez banale dans notre secteur de la formation, les grands groupes montrent leurs chiffres, effectifs, filiales, mettent en valeur un certain potentiel à travailler avec eux, demandent d’importantes remises fondées sur ce potentiel, mais ne s’engagent sur aucun volume d’achats. Ils souhaitent acheter au détail, mais au prix de gros ! Pourtant c’est bien le volume qui fait réaliser des économies aux fournisseurs, les remises ne sortent pas du chapeau.

Autre exemple, sans conséquence opérationnelle mais assez révélateur de l’ambiance : une clause juridique présente dans de nombreux contrats de référencement autorise le grand groupe client à débarquer à tout moment et sans préavis dans les bureaux de son fournisseur, à ouvrir les armoires, consulter les livres et saisir les disques durs. Un peu violent non ? Même la police n’a pas ce droit ! Si le fournisseur refuse la clause, le contrat est perdu, c’est à prendre ou à laisser. On peut comprendre la nécessité d’une telle clause dans certains cas particuliers, pour certains fournisseurs ou secteurs sensibles, mais pourquoi l’imposer à tous ?

Dernier exemple, la remise de fin d’année. Demandée dans de nombreux dossiers d’appel d’offres, la remise de fin d’année s’ajoute aux traditionnelles remises sur tarifs, durées de contrat (etc), et prévoit, sur atteinte d’un certain niveau chiffre d’affaires apporté par le grand groupe, la rétrocession d’un pourcentage de ce chiffre d’affaires par le fournisseur à son client en fin d’année. Imaginez-vous aller demander au patron du bistrot dans lequel vous allez régulièrement déjeuner de vous rendre 200 euros en cash en fin d’année !

Ce ne sont que trois exemples issus de notre expérience. Mais il y en a d’autres, et des échos de pratiques plus dures encore dans certains secteurs comme celui de la grande distribution. Heureusement, les personnes elles-mêmes, nos interlocuteurs au sein de ces grands groupes qui sont nos clients, sont nombreux à travailler en bonne intelligence avec leurs fournisseurs, et se montrent pour la plupart à l’écoute de leurs enjeux et contraintes.
C’est donc aux grands dirigeants qu’il faut probablement s’adresser, leur demander de faire établir à leurs juristes des règles peut-être un peu moins sévères, et de faire appliquer à leurs acheteurs des pratiques peut-être un peu plus pragmatiques au regard des enjeux de leurs petits fournisseurs. Bien-sûr le grand groupe, comme toute entreprise, doit veiller à sa rentabilité, surveiller ses dépenses, rationaliser, centraliser et optimiser ses achats. Mais dans une économie mondiale si compétitive, c’est probablement dans son intérêt d’avoir à ses côtés un écosystème de fournisseurs compétitifs eux aussi, et capables de lui proposer produits et services de qualité.
Chers dirigeants de grands groupes, n’hésitez donc pas à lâcher un peu la bride. Les petits vous remercient de votre confiance, et sont à votre service.