DRH : si vous remettiez du relationnel au coeur des entreprises

Après la polémique suscitée par la publication du livre « DRH, le livre noir » de Jean-François Amadieu (Seuil), voici quelques idées pour rédiger, a contrario, « un nouveau livre blanc » de la DRH.

Au-delà de la controverse que ce livre suscite (il a ses excès mais ses détracteurs aussi), il offre une occasion de réfléchir à nouveau sur le métier de gestion des Ressources Humaines en remettant son objectif principal au premier plan : contribuer à la performance de l’entreprise.

Bref rappel du contexte. Depuis une trentaine d’années, les grandes évolutions économiques que nous avons connues ont contraint l’entreprise, pour survivre, à introduire de nouvelles pratiques qui, au fil du temps, ont parfois produit de mauvais effets. Un exemple : l’introduction des modèles d’ingénieurs (en vogue dans l’industrie notamment) avec notamment l’évaluation permanente et le chiffrage envahissant qu’il induit.

De tels changements, dans un premier temps, ont été heureux car ils ont contribué à professionnaliser les métiers et à objectiver les résultats. Mais leur utilisation à l’excès a, comme toujours, produit l’inverse du but recherché.

La DRH n’a pas échappé à ces changements : elle les a même accompagnés. Mieux, elle les a intégrés, elle aussi, dans ses propres pratiques. Avec pour conséquence d’avoir quelque peu oublié, avec le temps, sa vocation première : faire que le personnel ne soit pas une simple variable d’ajustement mais un ingrédient fondamental de la réussite de l’entreprise !
Le recul du relationnel.
Conséquence : en développant cette mode des process , finalement étouffants et réducteurs et cette obsession du chiffrage à tout prix, l’entreprise a produit un immense recul du relationnel dans l’entreprise auquel la DRH a largement prêté le flanc : peu à peu la défiance s’est installée plutôt que la confiance, le repli des salariés sur eux a pris le pas sur leur engagement, le conservatisme mortifère a tué l’innovation, l’égoïsme de chacun a supplanté la solidarité de tous… Certes, à court terme, de la performance avait été produite mais, à long terme, faute de liens heureux, le terreau s’est asséché !

Or face à de tels excès, la DRH n’a pas su, suffisamment, mettre le frein à une telle dérive. Ce qui est pourtant son rôle premier : tempérer les mouvements excessifs de l’entreprise qui, par nature, déséquilibrent son fonctionnement normal, le poids de chaque métier et la place complémentaire de chacun dans l’organisation ! Un vrai recul du relationnel s’est produit qui est, sans aucun doute, l’une des causes de notre manque de performance actuelle.

Un nouvel objectif pour la DRH. De telle sorte que le retour du relationnel dans l’entreprise pourrait bien être demain l’arme vertueuse d’une DRH audacieuse pour une entreprise en manque cruel de performance !

Or parmi les voies possibles pour davantage de relationnel et de performance de l’entreprise, il y a celle de la mobilité. Celle-ci, actuellement, ne fonctionne pas vraiment et participe activement à cet assèchement des liens. Elle possède pourtant de nombreuses vertus : elle permet une respiration nouvelle dans la gestion de carrière des salariés et offre de nouvelles ressources à l’entreprise.
Elle est un moyen peu onéreux de recrutement, elle permet des passerelles nouvelles entre les métiers, elle accroît la connaissance que chacun a de l’entreprise, elle permet de donner le bon exemple en créant du succès dans l’évolution des carrières. Avec, peut-être, un peu moins de compétence au démarrage par rapport au recrutement d’un clone à l’extérieur mais avec une formidable compensation : la motivation du salarié face à un nouveau défi ! Une motivation dont chacun sait qu’elle est l’ingrédient majeur de la réussite.
N’est-ce pas, par exemple, un bon moyen de réactiver les seniors et leur ouvrir de nouvelles perspectives alors qu’ils continuent d’être stupidement rejetés ?

Un enjeu de performance pour la DRH. Bien sûr, un tel objectif de développement de la mobilité va obliger la DRH à imaginer de nouvelles pistes d’évolution en interne. Il va aussi la contraindre à renforcer sa capacité de conviction auprès des métiers qui ont une fâcheuse tendance à ne comprendre que le langage de leurs propres compétences et de leurs intérêts.

C’est la raison pour laquelle, pour réussir ce retour du relationnel par la mobilité, il lui faudra, au préalable, mettre en place deux types de formation :

* L’une en direction des gestionnaires de carrière avec le dessein de renforcer leur maîtrise du métier de l’évolution professionnelle : il faut en effet les faire travailler sur les ingrédients de la réussite professionnelle que sont notamment l’expérience, les compétences, la motivation et la personnalité. Il faut ensuite leur apprendre à construire des évolutions professionnelles et leur donner de la matière pour en imaginer d’autres en interne comme en externe d’ailleurs. C’est comme cela qu’ils seront non seulement aptes à résister aux demandes exclusives de clones venant des métiers mais aussi capables de former eux-mêmes ces managers aux techniques RH appliquées à leur métier.

* L’autre formation est à destination des salariés pour les aider à être davantage acteurs de leur évolution professionnelle : leur apprendre à mieux maîtriser leur offre professionnelle et à avoir une meilleure capacité à « se vendre » eux-mêmes. Il faut les armer pour aller, en adulte, à la rencontre de leur marché. Voilà un moyen imparable pour la DRH de lutter contre la propension naturelle des managers à repousser toute idée de recrutement interne !

Tel pourrait être le nouveau rôle de la DRH : stimuler la performance de l’entreprise en devenant le  premier promoteur de la relation en interne, facteur puissant de la revalorisation du travail de chacun dans l’entreprise et de la perception positive que chacun a de soi.
Une manière, au fond, de se réapproprier cette dénomination de  « Direction des Relations Humaines » qu’elle n’aurait jamais dû perdre !