15 ans de "marque employeur" ou l'art de la manipulation

« Marque Employeur ». Inféodé aux DRH, ce concept souffre d’un déficit chronique de moyens pour le porter à son niveau culturel et identitaire.

Le contexte économique a tendance à briser toutes les ambitions sur le sujet à un moment où il n’a jamais été aussi important pour l’économie et la confiance du pays en général.

« Marque Employeur : la mise en cohérence de toutes les expressions employeur d’une entreprise, tant internes qu’externes au nom de sa performance économique » telle fut rédigée la définition qui créa et scella le concept de Marque Employeur lorsque je l’ai déposé en 1998, à l’époque où je dirigeais une filiale de Publicis, Guillaume Tell.
15 ans plus tard, au moment où tout le monde se revendique la propriété de ce concept jusqu’à des supports digitaux, ou autres qui se targuent d’en faire leur métier sur leur site, leur réseau social (…), cette notion arrive enfin à son niveau de maturité historique qui la dissocie des enjeux de communication au profit de ceux de réputation employeur. Une révolution en soi qui distingue les fabricants d’outils, les bonimenteurs de toute sorte, les marabouts du digital et leurs recettes miracles  ou du dernier broker décérébré (…) des entreprises qui élèvent le sujet en enjeu de gouvernance faisant de la Marque Employeur non pas un sujet RH seul mais de stratégie d’entreprise à part entière.
Les plus belles Marques Employeurs se discutent toujours en comité de direction.

Faut-il pour autant se résigner à faire de ce concept, le concept du pauvre dans le monde de la communication, alors même qu’il est censé porter haut l’engagement et l’ambition sur le plan humain de l’entreprise ?

Bien sûr que non ; en 15 ans, ce concept n’a jamais cessé d’être un combat et sa définition originelle n’a jamais fait autant sens qu’aujourd’hui. A l’heure du 3.0 où tout se sait, tout se dit sur tout, sur tous, les illusionnistes du capital humain ne font pas long feu. Les DRH et avec eux leur Direction Générale ont un devoir moral de Marque Employeur indissociable de leur vision de Marque. Etre ce que l’on est, dire ce que l’on fait, assumer ses erreurs ou ses doutes au profit d’un discours de vérité sont quelques-uns des attendus des salariés et de l’opinion publique en général. Je n’ai de cesse de rappeler que la Marque Employeur n’est de fait, que la Marque traitée sous son angle employeur, rares sont les Directions Générales qui s’emparent du sujet. Et pourtant bientôt, elles n’auront plus le choix !

La Marque Employeur va en effet devenir la matière première de l’identité de l’entreprise, ce que demain, tout le monde qualifiera de CORPORATE HUMAIN. Les conflits de territoires, de budgets si chers aux organisations résisteront-ils à la transparence du digital ? L’approche en ordre dispersé des prises de parole sera suicidaire en terme de réputation tout comme une hyper centralisation de la communication. La Marque Employeur va exprimer à terme le degré de maturité managériale de l’entreprise et sa capacité à créer et à générer de la confiance avec ses parties prenantes internes et externes. Le leadership Humain va devenir un enjeu majeur pour espérer créer de la préférence !

Au moment où le pays atteint des records de chômage avec notamment plus de 26 % de sans emploi chez les moins de 25 ans, l’entreprise sous la pression des politiques et des médias est souvent le bouc émissaire de tous les maux de la crise sociale alors même qu’elle est étranglée par une fiscalité destructrice de richesse. A cette situation kafkaïenne, elle répond par un manque d’ambition et de créativité : au nom des ratios on coupe les budgets, on licencie… bref on détruit ce qui est le plus important, l’espoir ! En ce sens la Marque Employeur n’est pas une priorité ! Une aberration ! C’est lorsqu’il y a doute, inquiétude, interrogation qu’elle doit devenir une priorité absolue. Ce concept n’est pas une danseuse par beau temps mais bien le miroir de la valeur des Dirigeants et leur foi en leur modèle.

360°, à l’image de celles des Hypers et SuperMarchés Casino ou du Groupe Flo respectivement Grand Prix Or et Bronze du Grand Prix de la Créativité RH de l’ACCE, la Marque Employeur gène, dérange, insupporte parfois en plaçant certains acteurs devant leurs limites ou leur seuil d’influence (le fameux budget) ; soit. Mais elle vaut le combat car au final, sa raison d’être est de faire parler en bien de l’entreprise, de créer de l’envie et générer de la confiance. Elle ne se conçoit pas sur un coup de tête ; elle se pense, se mûrit patiemment et surtout se bâtit sur la durée. Ses effets sont au long cours tant elle symbolise l’accompagnement du changement permanent. Elle s’alimente aussi du vécu des salariés qu’il est nécessaire de mettre en résonnance par la création de poste de community managers (fonction vitale demain dans l’entreprise pour relayer et dynamiser les politiques RH et sociétales, et non un gadget).

Bref, il est tant d’assumer sa Marque Employeur quand on se veut une entreprise responsable et attractive. Il est temps aussi de comprendre qu’elle ne se limite pas qu’à sa seule dimension « recrutement » n’en déplaise à celles et ceux qui en usent comme fonds de commerce. Il est temps aussi de la protéger des charlatans qui espèrent profiter de la misère économique des entreprises pour se draper dans sa vertu et qui au final n’offre rien d’autre que du discount…

Pour consacrer une partie de ma vie à ce concept, je me réjouis de ce rendez-vous historique qui ne l’a jamais rendu aussi essentiel pour l’équilibre social des années à venir. Le Corporate Humain en écrit déjà les chapitres futurs. A chacun d’en être acteurs et à chaque dirigeant d’avoir le courage de revendiquer sa Marque Employeur au nom de l’exclusivité humaine de son entreprise …