Compétence juridictionnelle : la Cour de cassation s'y met aussi !
Le feuilleton relatif à la délimitation de la compétence entre le tribunal de commerce et le tribunal de grande instance vient de connaître une étape importante avec l'arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 28 mai 2013 (pourvoi n° 12-19.748).
Cette décision a été rendue dans une affaire
opposant deux sociétés qui commercialisent du café emballé. Il était reproché
par la société Sara Lee à son concurrent, la société Segafredo Zanetti, d'avoir
mis sur le marché un café dénommé "Arôme
et Sensation" dans un emballage présentant des similitudes avec celui
qu'elle utilise pour son café intitulé "Arôme
et Caractère".
Sara Lee avait alors assigné Segafredo Zanetti devant
le Tribunal de commerce de Paris au titre d'actes de concurrence déloyale. Au
vu des motifs de l'arrêt, il semble que ce soit surtout la reprise des
caractères de l'emballage de Sara Lee qui était reprochée à Segafredo Zanetti,
l'utilisation d'une dénomination proche ne constituant qu'un élément
complémentaire de la déloyauté alléguée.
La défenderesse avait soulevé l'incompétence du
tribunal au profit de celle du Tribunal de grande instance de Paris, au motif
que l'affaire nécessitait, selon elle, d'analyser les droits de Sara Lee sur sa
marque "Arôme et Caractère".
Or, le 28 mai 2013, contre toute attente, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a sèchement censuré cet arrêt d'appel au visa de l'article L. 716-3 du Code de la propriété intellectuelle, siège de la compétence exclusive du tribunal de grande instance en matière de marques.Selon l'arrêt, la juridiction saisie se trouvait nécessairement "dans l'obligation d'apprécier les droits [de Sara Lee] sur le signe "Arôme et Sensation", déposé par elle à titre de marque pour désigner du café". De la sorte, seul le tribunal de grande instance pouvait être compétent en l'espèce, alors même qu'aucune demande n'était fondée sur le Code de la propriété intellectuelle.
Cette solution rejoint deux décisions déjà commentées dans ces colonnes, notamment un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 19 février 2013, selon lequel l'existence d'une marque dans un litige, même non alléguée à l'appui des demandes au titre de la concurrence déloyale, devait emporter la compétence du tribunal de grande instance. Cette solution vaudrait alors même que le litige impliquerait seulement d'apprécier l'existence d'un risque de confusion entre deux signes utilisés dans la vie des affaires.
La tendance visant à conférer une force d'attraction au tribunal de grande instance semble donc se confirmer, à rebours d'une interprétation respectueuse des textes applicables. Se développe donc l'idée selon laquelle une juridiction spécialisée telle que le tribunal de grande instance doit être compétente pour trancher tout litige qui serait, de près comme de loin, relatif à des signes distinctifs. Autant dire que la compétence du tribunal de commerce en matière de concurrence déloyale se réduit alors comme peau de chagrin… car un litige de concurrence déloyale est souvent fondée sur la reprise de signes distinctifs.