La "petite" place des femmes dans les processus d’innovation : et si l’entreprise n’était pas en cause ?

Le baromètre de l'Innovation IFOP / Grenoble Ecole de Management remet en question la place de la femme dans les processus d'innovation mais pourrait "disculper" l'entreprise française : le malaise serait peut-être plus sociétal que managérial.

On le sait, en 2013, les femmes occupent peu de postes de direction des entreprises françaises|: elles ne représentent que 30% des dirigeants et leur place dans les conseils d’administration, malgré les changements législatifs récents, reste encore minoritaire. Difficulté à recruter des profils adéquats, femmes de surcroit, diront certains dirigeants tandis que des grandes écoles, comme l’EM Lyon, et d’autres réseaux se mobilisent pour créer des annuaires d’expertes potentielles.

Voilà pour la situation des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises mais qu’en est-il des femmes dans les processus d’innovation ? Le dernier baromètre de l’innovationpublié par IFOP pour Grenoble Ecole de Management apporte quelques réponses et soulève quelques réflexions. Le premier résultat, générique : Sur les 400 entreprises sondées, seules 30% d’entre elles ont des processus bien identifiables laissant entendre que soit l’innovation est une affaire de tous, soit l’innovation n’est pas le souci premier en cette période de crise.

Dans les entreprises où les processus d’innovation sont clairement identifiés, les femmes sont très fortement sous-représentées (35 % des personnes impliquées). Il est vrai que pour bon nombre de dirigeants interrogés, innovation rime encore avec innovation technologique, donc avec fruit d’un travail de recherche et d’ingénierie. La faible représentativité de la femme dans ces métiers est attestée depuis longtemps, en témoigne le chiffre de 17 % avancé par l’association des femmes ingénieurs de France. Autrement dit, peu de femmes dans un processus d’innovation parce que peu de femmes formées pour… Il est donc logique que les entreprises, toujours dans ce même sondage, rejettent la responsabilité aux universités et aux organismes de formations, pour les inviter à mieux « éduquer » les apprentis innovateurs mais éduquer à quoi au fait ? A mieux éduquer les futures femmes ingénieures à choisir une carrière dans l’innovation, certes, mais encore faut-il que ces dernières soient déjà dans le système. Éducation certes, mais à démarrer dès le lycée alors.

Pour autant, le faible nombre de femmes ingénieurs est largement compensé dans l’entreprise par la forte présence des femmes à des postes de marketing. Certes, marketing ne rime pas toujours avec innovation et le métier de chef de produits consiste souvent en un suivi des résultats financiers dudit produit et sur la stratégie de gain, ou le plus souvent de conservation, de parts de marchés. Pour autant, ces femmes marketers sont souvent moteurs dans les stratégies de développement de produits nouveaux : Isabelle Flouquet et la catégorie « snacking frais » chez Danone ; Valérie Vuillemot pour la gamme « nutrition gourmande » de Seb. Que des exemples dans des milieux agro-alimentaires (donc féminin) ? Pas uniquement ! Claire Noelle BIGAY, co-créatrice du Bureau d’Etudes Marketing du CEA Leti, à la fois moteur d’une innovation organisationnelle unique en son genre en France mais aussi contributrice au développement d’innovations technologiques, en est une autre illustration.

Que conclure ? Certes faible présence des femmes dans le processus d’innovation mais des parcours notables. A qui la faute ? Peut-être pas tant à l’entreprise en France, souvent fustigée pour ses fameux plafonds de verre, mais à des femmes aux goûts encore peu tournées vers les formations et les métiers de l’innovation, sans doute pour des raisons d’éducation et de reproduction sociale comme l’aurait peut-être suggéré Pierre Bourdieu en son temps.
Peut-être que la mise en évidence de portraits de femmes innovantes inviterait à susciter des vocations !