Négociation : 3 écueils à éviter

Dans une négociation, notre pire ennemi n’est pas celui que l’on imagine. Celui-ci réside avant tout en nous-mêmes, et non dans l'interlocuteur qui nous fait face. Cette prise de conscience peut nous écarter de trois pièges redoutables qui peuvent nous conduire à l'échec.

S’enfermer dans ses certitudes

Quand un individu cherche à défendre coûte que coûte une position, la discussion tourne généralement court. Surtout quand face à lui, l’interlocuteur adopte un comportement semblable. Dans une négociation, la position de départ peut évoluer au cours des échanges. Et les négociateurs doivent en être pleinement conscient. Mettre sa position initiale en question, cela ne veut pas dire reculer, ni perdre la face. C’est accepter de dialoguer, de suivre ensemble un cheminement intellectuel qui mène vers la résolution d’un problème. Ce n’est pas chercher à prendre l’ascendant sur l’autre, imposer ses vues. « Le dialogue paraît en lui-même constituer une renonciation à l'agressivité », affirmait Jacques Lacan. Il est vrai qu’il est plus confortable et rassurant d’asséner ses vérités, de camper sur ses positions, de refuser toute contradiction. Difficile d'accepter cela, surtout quand on exerce un pouvoir hiérarchique sur les personnes. On peut alors s’autoriser à se passer de l’avis de ceux qui nous entourent, en particulier des collaborateurs. Leurs avis méritent pourtant d’être pris en compte. Non pas faussement, hypocritement, afin de laisser à penser aux collaborateurs qu’ils ont leur mot à dire sur les décisions de l’entreprise, mais pris en compte authentiquement. Pour cela, il nous faut renoncer à ce qu’on imaginait comme LA meilleure solution et qui n’était, en réalité, que NOTRE solution. Pour reprendre un vers de Paul Eluard, c’est se détacher du « monde comme je suis » pour accéder au monde « comme il est ».

Ne pas faire l’effort d’argumenter

C’est la tentation du passage en force. Les individus perçoivent le monde selon des perspectives nombreuses et variées ; je ne peux donc partir du postulat que l’autre pense comme moi. Pour défendre ma thèse ou ma position, je dois obligatoirement fournir des éléments susceptibles de l’étayer. En position de supériorité hiérarchique, j’ai là aussi tendance à m’affranchir de cette exigence.
Le seul argument que je fais alors valoir, c’est celui de l’autorité et du rappel à l’ordre. Or, dans une société dans laquelle les individus ont des velléités d’émancipation croissantes et remettent en cause le modèle dirigiste de nos institutions (institutions dont l'entreprise fait partie), cet argument porte peu. Ou en tous cas de moins en moins. Il importe donc de passer de l’argument de la force à la force de l’argument. Argumenter, c’est essayer de légitimer ce que l’on avance en s’émancipant de l’arbitraire. Une attitude qui requiert à la fois humilité et empathie.

Confondre fond et forme

Pour obtenir ce que je veux dans une négociation, un individu peut être prêt à tenter n’importe quoi, quitte à malmener mon interlocuteur. Mais quitte aussi à insulter l’avenir. Un accord extorqué par la force ou par manipulation dissout la confiance : l’interlocuteur, blessé, ne se laissera plus prendre à l’avenir et refusera tout compromis, voire tout échange. Si un tel négociateur a l’impression de remporter une victoire sur le coup, cette victoire n’est qu’un leurre. Car il sacrifie ainsi la relation au fond. Inversement, on peut sacrifier le fond à la relation. L'individu cède alors à l’autre partie pour lui être agréable, parce qu'il ne saurait refuser sa demande. Mais c’est mettre le bras dans un dangereux engrenage : l’interlocuteur peut se sentir alors en posture d’en demander toujours plus. Il importe donc de bien cadrer les choses en distinguant ce qui relève du fond et de la forme. Au-delà des désaccords, la relation doit être préservée.

Dans nos négociations à venir, nous devons exercer cette triple vigilance. S’y essayer, c’est changer de posture, abandonner le statut de négociateur intuitif pour s’améliorer et gagner en efficacité.
Une seule méthode pour cela : analyser son expérience, et notamment ses échecs, pour apprendre d’eux.