Imprimantes 3D, le nouveau risque industriel ?

La prévision d’une démocratisation des imprimantes 3D permettant à tout individu de produire et reproduire des objets, confronte les entreprises à de nouveaux enjeux, notamment en termes de propriété intellectuelle.

Offre légale, offre illégale

Après l’industrie musicale et audiovisuelle, les innovations technologiques numériques portent cette fois-ci un coup au monde tangible favorisant ainsi la multiplication d’actes de contrefaçon et plus spécifiquement sous le couvert de l’usage privé des reproductions d’objets protégés. Prix en baisse et développement technique récent de cet outil pourraient impacter secteurs de la production comme de distribution.

Première étape: distinguer l’offre légale de l’offre illégale pour déterminer l’angle d’attaque.

Tout titulaire de droits de propriété intellectuelle dispose du pouvoir d’autoriser ou d’interdire la reproduction de son œuvre. Dans le cas où la reproduction est interdite, toutes impressions réalisées tant à partir de la numérisation d’objets réels protégés obtenus illégalement que par le biais du téléchargement illégal d’un dessin 3D numérique original peut être considéré comme illicites. Il convient donc de focaliser l’action sur la poursuite des infractions pouvant notamment être commises sur la toile. Et les difficultés rencontrées en matière culturelle pourraient ressurgir mais cette fois-ci avec le piratage de fichiers et de logiciels destinés à l’impression 3D.
Il existe une offre légale : l’exception d’usage privé des reproductions. C’est à dire la possibilité pour les utilisateurs de copier des objets sans porter atteinte aux droits de propriété intellectuelle et pouvant ainsi faire l’objet de dérives.
En effet, en matière de droit d’auteur, il convient de distinguer selon que l’objet protégé reproduit à partir d’une source licite est destiné à un usage privé ou non. Seule l’exploitation commerciale des produits protégés et reproduits par imprimantes 3D pourra être condamnée pour contrefaçon.
Or, la frontière entre usage privé et usage commercial est difficilement détectable.
Sans une adaptation de la législation, il apparait dès lors impossible de s’opposer à l’usage personnel de telles productions ou reproductions qui augmentent pourtant le risque de formation des réseaux parallèles de contrefaçon très réactifs.

Une problématique accrue par la démocratisation des imprimantes 3D

Désormais grâce au perfectionnement et l’accessibilité des imprimantes 3D, leur utilisation ne sera plus limitée au monde du prototype et de la maquette mais sera bien destinée à être exploitée pour la production.
Les entreprises doivent de ce fait être mises en alerte et anticiper les conséquences juridiques et économiques de l’expansion de l’imprimante 3D dans l’industrie de la production et de la distribution.
Cette production pouvant relever tant du fait de particuliers que d’entreprises spécialisées dans l’impression 3D sur mesure, risque de faire concurrence aux sociétés de production et de distribution classiques. Cette industrie sera d’autant plus susceptible d’être perturbée, que les contrefacteurs pourront reproduire à faible coût des objets protégés et les revendre au rabais.

Entreprises, comment anticiper ?

La perte de ventes de produits et d’objets, les entreprises risqueront de trouver de plus en plus difficile de monétiser leurs inventions et créations. Les licenciés des droits de propriété intellectuelle qui leur auront été concédés devront anticiper dans leur contrat cette faculté du grand public à reproduire seul les objets protégés.
Le cabinet d’étude Gartner évalue le manque à gagner pour les entreprises à 100 milliards de dollars par an d’ici 2018.
Un durcissement de l’environnement juridique concernant ce mode de reproduction est souhaitable. Mais dans l’attente de ce dernier, les entreprises peuvent déjà choisir d’investir dans de nouveaux moyens permettant d’identifier leurs produits comme authentiques et empêchant toute duplication via l’imprimante 3D. L’usage de puces intégrées dans les produits protégés dotées de caractéristiques propres, ou encore l’application des mesures techniques de protections (MTP) aux logiciels de dessins 3D sont envisageables.
Elles peuvent également axer leur stratégie de protection sur la pédagogie en acceptant la  duplication de produits par le biais des imprimantes 3D et autorisant ainsi les consommateurs à imprimer des copies personnalisées tout en les sensibilisant aux droits de PI et aux notions de copie et d’usage privée.
A terme, l’idée d’une taxe sur les machines d’impression 3D pourra également être considérée afin de compenser le manque à gagner pour ce qui concerne la rémunération des droits de propriété intellectuelle.