Recruter, une affaire de générations ?

Certains chasseurs de tête, à la fin de carrière avouent parfois « qu’ils se sont trompés une fois sur deux ». On se trompe parfois en ne prenant pas un candidat qui ne correspond pas au profil et n’a ni les compétences ni l’expérience requises. La nouvelle génération change la donne.

Un recrutement en Europe coûte 27000 euros en moyenne, intégration incluse, et trois personnes sur dix ne restent pas au-delà de six mois (1)

Le monde et le contexte ont changé

Selon les sources, 300 000 à 500 000 recrutements sont abandonnés chaque année en France parce que les recruteurs ne trouvent pas le profil qu’ils cherchent.

Le départ en retraite rapide de 5 millions de Baby-Boomers (2) d’ici 2020 nécessite le recrutement de 6 millions de jeunes capables d’assurer la relève. Ce défi de renouvellement des générations n’a jamais été aussi important pour les DRH (3).

Les projections démographiques européennes et françaises démontrent que nous entrons dans une phase de tension sur les talents qui va s’accélérant pour les 20 prochaines années. Des secteurs entiers peinent à recruter, soit parce que leur image n’est pas attractive pour les jeunes soit parce que les filières de formation sont insuffisantes pour les métiers en développement.

Le fossé se creuse entre l’offre des entreprises et les attentes des nouvelles générations

Trois leviers existent pour réduire l’écart croissant entre les besoins de recrutement et les candidats disponibles : l’adéquation des filières de formation, la préparation des jeunes au monde de l’entreprise et l’adaptation des politiques et des pratiques de recrutement.

Sur le plan des filières de formation, il est frappant de constater que les pays où le taux de chômage des jeunes est le plus bas sont les pays où l’apprentissage est le plus développé (Allemagne, Autriche et pays nordiques).

Sur le plan de la préparation des jeunes, les dispositifs édifiants comme le lycée Airbus à Toulouse sont rares. Dans ce partenariat public-privé, la pédagogie a été entièrement revue pour prendre en compte les valeurs de la nouvelle génération et les besoins des entreprises. Ainsi 98 % des élèves sont recrutés dans l’entreprise dès leur diplôme.

Sur le plan des pratiques de recrutement, les entreprises peuvent aller beaucoup plus loin.

Identifier les enjeux

Etre le meilleur dans la compétition, attirer les meilleurs mais comment ? Qui seront les meilleurs demain alors qu’on ignore la moitié des compétences qui seront nécessaires dans dix ans ?

Le jour de leur arrivée dans l’entreprise, une forte proportion des nouvelles recrues se demandent si elles vont rester dans l’entreprise. L’enjeu d’intégration est considérable. Une partie du turnover élevé des jeunes, dans certains secteurs, est due à leur mauvaise intégration au départ. Attirer c’est bien, fidéliser c’est mieux. Parfois, dès la période d’essai terminée ou juste après le passage de CDD en CDI, les managers se plaignent de voir leur collaborateur ralentir. Maintenir la performance dans la durée, voilà le troisième enjeu.

Bonnes pratiques pour adapter le recrutement aux attentes des générations nouvelles

La prise en compte des caractéristiques culturelles des générations Y et Z suggère plusieurs bonnes pratiques déjà à l’œuvre chez certains leaders :

·         « Tous recruteurs ». En intéressant les jeunes salariés à la recherche de talents sur le marché, on les motive comme ambassadeurs de leur employeur. Cette activité a du sens pour les jeunes générations qui en cherchent, et peut être rémunérée.


·         « Tous sélectionneurs ». En impliquant l’équipe dans la cooptation d’un nouveau collègue, on favorise grandement son accueil et son intégration future. Le processus de recrutement peut s’en trouver ralenti mais l’intégration sera plus rapide. « Go slow to go fast » disent les japonais. La jeune recrue veut rejoindre une communauté.


·         Rechercher l’appétence plutôt que la compétence. La recherche d’expérience et de compétences avérées chez des jeunes qui n’ont pas encore travaillé est un exercice quasi impossible. Rechercher leur envie de réaliser ce qui est attendu demain dans un environnement qui a changé, peut être plus pertinent. « Remplacer le référentiel de compétences par le référentiel d’appétence » suggère Francis Boyer.


·         Revoir l’offre de recrutement. En France, l’âge moyen d’entrée sur le marché du travail, en CDI, est de 28 ans (3). Les jeunes ont fait, avant cet âge, davantage d’études que leurs prédécesseurs. Ils veulent être rémunérés à la hauteur de cet investissement. Les bonus ponctuels peuvent favoriser leur mobilité et leur performance sur les projets. Les jeunes sont d’abord attirés par les projets qu’on leur confie. Au-delà du salaire, d’autres éléments du package peuvent séduire de nombreux candidats : avoir les meilleurs outils, pouvoir travailler de chez eux ou à leurs horaires, par exemple.

  

·         Recruter des jeunes qui savent faire ce que l’entreprise ne sait pas faire. A l’Observatoire du Management InterGénérationnel (www.omig.fr), la perception des jeunes par les dirigeants évolue rapidement. Il y a peu d’années, il s’agissait d’abord pour de nombreux responsables d’entreprise d’être de bons citoyens « pour ne pas laisser tant de jeunes aux portes du marché du travail ». Puis, plus récemment, on entendait plutôt les dirigeants déclarer à l’OMIG : « pour un jeune que je recrute, il me faut un senior, car c’est dans l’interaction entre les deux générations que se crée la valeur ». Aujourd’hui, nous entendons de plus en plus de dirigeants avouer: « nous avons besoin des jeunes car ils savent faire ce dont l’entreprise a besoin et qu’elle ne sait pas faire ».

 

Ainsi les leaders d’aujourd’hui ont changé leur regard sur les jeunes, luttent contre les préjugés et tirent parti de leurs différences pour gagner dans la compétition. Le travail reste à faire concernant les seniors. A ce sujet, la Scandinavie peut nous montrer la voie.

 Marc Raynaud, associé-fondateur d’InterGénérationnel
marc.raynaud@intergenerationnel.fr
15  rue du Louvre, 75001 Paris
Tel : + 33 666 31 31 24 www.intergenerationnel.fr
 

Canadien et Français, expert de l’interculturel et de l’intergénérationnel depuis 20 ans dans 30 pays, Marc est le président-fondateur de l’Observatoire du Management InterGénérationnel www.omig.fr . S’appuyant sur l’étude sur le management intergénérationnel auprès de 200 entreprises pour Les Echos Etudes (4), Marc et son équipe de consultants d’InterGenerationnel  forment les managers, les seniors et les jeunes à travailler en équipe multi-générationnelle. Ils aident les dirigeants à adapter leurs politiques et leurs pratiques de management au nouveau contexte et à identifier les compétences à transmettre et installer le dispositif de transmission des savoir-faire nécessaire à leur entreprise.

 (1)  Etude Silk Road présentée à HR Speaks en 2013


(2)  Les Baby-Boomers sont la génération des 50-65 ans aujourd’hui

(3)  Source : Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social


(4)  « Le management intergénérationnel » Les Echos Etudes Eurostaf  Novembre 2011 http://www.eurostaf.fr/fr/catalogue/etudes/sectorielles/management/management-intergenerationnel.html