Mauvais payeurs : la chasse est ouverte

Renforcement de l'arsenal législatif et des contrôles de la DGCCRF, pour réduire les délais de paiement. Bercy avait menacé de dénoncer les mauvais payeurs, voilà qui est fait.

Les retards de paiement s'envolent.Depuis un an, les retards de paiement inter-entreprises dérapent sérieusement et l’État se devait d'agir. Les enjeux financiers sont particulièrement importants. Les chiffres, du dernier indicateur des retards de paiement publié par la Médiation du crédit inter-entreprises et Altares, sont impressionnants. On évalue le crédit inter-entreprises à 635 Milliards d'euros, soit le tiers du PIB.

Avec les 2 500 contrôles annuels de la DGCCRF et l'entrée en application des sanctions administratives instaurées par la loi Hamon, Bercy a décidé de mettre la pression sur les mauvais payeurs. Ces sanctions (75 000 euros pour une personne physique / 375 000 euros pour une personne morale) sont effectivement dissuasives pour la plupart des entreprises, mais face à des multinationales elles restent dérisoires. Le Ministre, Emmanuel Macron, propose de passer ce maximum à 2 millions d'euros.
Bercy publie une première liste de mauvais payeursLe Ministère de l’Économie et des Finances a donc décidé de rendre publique une première liste de 5 entreprises, dont le comportement a été jugé inacceptable : SFR, Numericable, Airbus hélicoptères, Paul Predault, Comasud. Ce Wall of shame a été publié sur le site de la DGCCRF (lien).

Le lecteur y apprend par exemple que SFR et Numericable sont sanctionnés  "pour des retards significatifs et répétés dans le paiement des factures des fournisseurs".

Grands oubliés de ce palmarès, l’État et les collectivités locales sont loin de donner l'exemple et affichent régulièrement de lourds retards de paiement.Ne pas tout attendre de l’État...
L'action de Bercy pour réduire les délais de paiement va dans le bon sens, mais les chefs d'entreprise ne doivent pas tout attendre de l’État. Si les retards de paiement n'étaient imputables qu'aux grandes entreprises, des solutions auraient probablement été trouvées depuis longtemps.

Les deux tiers des entreprises françaises ne respectent pas les délais de paiement. (Cela fait deux millions d'entreprises !) Les raisons sont autant culturelles que financières. La France compte plus d'entreprises que l'Allemagne. Les TPE sont très nombreuses, mais beaucoup d'entre elles n'ont quasiment aucune trésorerie. Les prêts bancaires financent essentiellement les investissements et l'immobilier, mais peu la trésorerie.  ...Organiser efficacement le recouvrement des créances.

Si les grandes entreprises ont compris depuis longtemps l'importance du recouvrement de leurs créances, les PME maîtrisent encore mal ce processus. L'attention des dirigeants se focalise beaucoup plus sur la trésorerie, que sur les créances clients et les délais de recouvrement.

Les TPE/PME ne bénéficient souvent aucune information financière sur leurs prospects et clients. Les chefs d'entreprises craignent de perdre le client et attendent avant de relancer une facture. Peu d'entreprises réclament les indemnités forfaitaires pour frais de recouvrement ou les intérêts de retards.

Même quand le volume de factures devient important, la plupart des PME ne disposent d'aucun logiciel de recouvrement de créances. Le ou la chargé(e) de recouvrement se débrouille avec le logiciel comptable, les e-mails, le traitement de texte, le téléphone... et Excel. Rien n’existe pour organiser le travail et centraliser l’information. Cette absence d'outil est davantage liée au poids des habitudes et au manque d'information, qu'à leur coût.

Enfin, pour sanctionner les mauvais payeurs, les entreprises ne doivent pas se limiter aux interventions de l’État et aux contrôles de la DGCCRF. Elles peuvent s'appuyer sur de multiples outils ou prestataires : le fichier national des incidents de paiement (FNIP), les organismes de recouvrement, les Conseils, les Avocats, les Huissiers...

Trop souvent négligée dans les PME, la réduction des délais de paiement constitue une source gratuite d'amélioration de la trésorerie de l'entreprise.