Quand l’ennui au travail énerve !

Certains salariés croulent sous le travail et arrivent parfois jusqu’au burn-out. A l’inverse, d'autres sont épuisés par l’ennui et souffrent de "bore-out". Voici une lettre qu'un salarié pourrait envoyer à son patron pour lui faire part de sa détresse.

Un ex-collègue, au chômage depuis une année, m’a fortement déconseillé d’entreprendre cette démarche… Mais notre énième altercation m’invite pourtant à le faire et je suis conscient que je prends un risque important. Vous vous tuez, peut-être, à essayer de me persuader que je peux être plus réactif et travailler plus vite,  mais moi c’est le temps que je cherche à tuer en allongeant le temps de réalisation des tâches pour éviter d’amplifier mon ennui ! Je n’ai plus goût à rien, je me demande même à quoi je sers dans cette organisation.

J’ai beau rallonger les pauses café, la pause cigarette, grignoter toute la journée, naviguer sur Internet qui, j’en fais l’expérience, n’est qu’un outil et non un remède à l’ennui : que le temps est long ! Choisir avec minutie la capsule de café, regarder la tasse se remplir, déballer consciencieusement le sucre, ramasser les grains qui tombent à côté, laver ma tasse et celles des autres et cela plusieurs fois jour, c’est usant ! 

Tiens, c’est d’ailleurs en surfant sur le net hier après-midi que j’ai appris que le burn out  est reconnu comme une maladie professionnelle, à quand la reconnaissance du stress de l’ennui ? A quand la reconnaissance du bore-out ?

Comme un tiers de mes compatriotes européens, je passe 2 heures par jour à ne rien faire : je m’épuise. Et mon jeune collègue, ingénieur, mais embauché sur un poste de BTS n’est pas dans un meilleur état. J’avais souligné au DRH de ne pas "sur diplômer" le poste, mais du fond de mon placard ma voix porte peu ! Bref.

Je reconnais que ma démarche peut surprendre après le siège que j’ai fait dans votre bureau l’année dernière pour éviter le PSE et essayer de vous démontrer tout l’intérêt de mon poste dans la réussite de l’entreprise. Vous avez réorganisé l’ensemble du service et force est de constater que les missions les plus intéressantes ne m’ont pas été attribuées. Sans compter sur les regards des collègues qui pour certains m’envient d’être cool et pour les autres me haïssent de quitter le bureau à 16h50 tapantes. J’ai beau prendre un sac, je dois plutôt faire sourire que faire illusion. Comme d’ailleurs les sandwichs que j’avale à vive allure pour réduire la pause de midi comme avant, quand j’étais surbooké. Et j’ai beau n’avoir aucun projet stressant, je viens le matin au bureau avec la boule au ventre.

Même à la maison, Christine, ma femme m’ennuie. Ses conseils de profiter du temps libre pour parfaire mon anglais m’horripilent ! Je fais un effort surhumain pour paraître intéressé par les problèmes du lycée de mes 2 ados. Tiens, d’ailleurs,  je me rapproche d’eux en trainant mon ennui et mon désœuvrement du canapé au lit et du lit au canapé…

D’ailleurs je ne dois pas être le seul dans cet état : le jeune vendeur de la concession automobile en bas du bureau prend souvent des pauses très concentrées et très longues sur l’écran de son ordinateur en attendant le client… Il me ressemble quand j’ouvre mes anciens dossiers et une feuille Excel qui reste désespérément vide, sur le bureau de mon ordinateur pour faire illusion, sait-on jamais que vous passeriez une tête au-dessus de mon épaule.

Je vais donc m’engager dans une réflexion sur mon avenir professionnel, faire un bilan de compétence, j’ai peur qu’elles se soient quelque peu étiolées ces derniers mois, et regarder avec plus de sérieux les opportunités professionnelles qui s’offrent à moi. Peut-être pourrais je profiter de mon DIF (droit individuel à la formation) pour acquérir des nouvelles compétences. J’aimerais m’entretenir avec vous, pour examiner les possibilités d’évolution de mes missions, retrouver des challenges ou les opportunités de mobilité professionnelle au sein du groupe. Je veux retrouver le goût des challenges et me sentir concerné par le développement de l’entreprise.

Ah au fait, mon état porte désormais un nom : le bore-out, et c’est une vraie mauvaise pathologie ! A une époque où avoir  beaucoup de travail est dans le vent, moi, je manque d’air !