Peut-on traiter son manager de "fiotte"?

Le 14 février 2016, Serge Aurier, joueur du PSG traite son entraineur de fiotte sur les réseaux sociaux. Un mois plus tard, le PSG est éliminé de la champions league. Dans l’entreprise, peut-on traiter son boss de fiotte? Pourquoi pas… mais à trois conditions.

En ce jour de Saint-Valentin, la vedette du PSG n’était pas Zlatan mais Serge Aurier. Ce talentueux joueur du PSG réussit à enflammer les réseaux sociaux non pas en déclarant sa flamme à une dulcinée, mais en qualifiant, via l’application Périscope, son entraineur Laurent Blanc de "fiotte". La réaction du coach du PSG (6 semaines de suspension pour le joueur) montre que ce propos a été très peu apprécié et considéré comme une insulte.

Ce running gag footballistique (ce n’est pas la première fois qu’un joueur de football insulte son entraineur) pose plusieurs questions liées au management : Peut-on traiter son manager de fiotte ? Est-ce le bon moyen de faire passer son message ? Peut-il y avoir de bonnes raisons qui justifieraient la violence du propos ? Peut-on tout dire à son boss et sous quelle forme ?

Au préalable, éliminons les aspects sémantiques et juridiques.

La définition de "fiotte" par le dictionnaire argotique et populaire renvoie à "homme efféminé". Dans la vraie vie, soyons clair, il s’agit d’une insulte. Cependant, les tribunaux (prudhommes en tête) ne condamnent pas systématiquement le propos. Tout dépend du contexte, de la nature de l’insulte, de sa fréquence ou du lieu où se jugera l’affaire. La même insulte ne sera pas perçue de manière identique à Paris, Lyon et Marseille.

De notre point de vue, la réponse à la question "Peut-on traiter son manager de fiotte ?" est "pourquoi pas…" mais sous réserve de respecter trois conditions.

Evitez de succomber au charme du digital

L’application Périscope permet de retransmettre en direct ce que vous êtes en train de filmer. La prophétie de Marshall McLuhan qui, en 1967, nous promettait l’avènement d’un village global créé par les nouvelles technologies, fait désormais partie de notre quotidien. Si vous souhaitez traiter de "fiotte" votre boss, rangez votre portable au fond de votre poche. Adressez-vous à lui directement, en tête à tête, dans un bureau porte fermée où vous ne serez pas dérangés.

Respectez les 4 règles du feedback pour justifier l’utilisation du mot "fiotte"

Vous considérez que votre manager manque de courage et avez décidé de le lui dire. Si vous commencez la discussion par "T’es qu’une fiotte", vous risquez, en fonction de l’indice de masse musculaire de votre boss ou de sa maîtrise des arts martiaux, au mieux un bourre pif au pire une mise à pied. Commencez par resituer le contexte. Ayez en tête que vous devrez débuter par un feedback positif. Commencer par cogner à froid sur votre chef n’incitera pas à un dialogue constructif. La bonne pratique est de respecter la règle du 2 feedbacks positifs pour 1 feedback d’amélioration. Votre feedback d’amélioration devra respecter 4 règles :

- Commencer par la formule par "Tu serais encore meilleur si…."

- Parler de ce que votre manager fait et non ce qu’il est. Vous devez vous baser sur un exemple précis, factuel et daté caractérisant ce manque de courage. Plutôt que de le traiter de « fiotte » dites-lui tu te comportes comme une fiotte, parce que…"

- S’exprimer de manière bienveillante et positive. Vous devez être vigilant sur votre gestuelle et votre ton quand le propos est brutal. Quand on "cogne" avec les mots, autant être mesuré avec son non verbal.     

- Être utile : faire ressortir une opportunité d’amélioration

Soyez au clair sur votre objectif

Qu’espérez-vous obtenir en traitant votre manager de "fiotte"?

S’agit-il d’un mouvement d’humeur malheureux ou d’un propos délibérément calculé, dont l’objectif est de susciter un changement de comportement de la part de votre manager ?

Le mouvement d’humeur vous soulagera sur le moment mais ne contribuera pas à faire de vous un haut potentiel dans votre entreprise. La novlangue de l’entreprise est feutrée et les grossièretés peu appréciées.

Vouloir faire prendre conscience à votre boss d’être plus courageux est une idée séduisante mais peu efficace car il s’agit d’une démarche thérapeutique de longue haleine. Ne vous prenez donc pas pour Freud.

Que faire alors ?

Traiter de fiotte consciemment son boss avec une argumentation solide ne manque pas de courage, eu égard les conséquences qui en découlent. Mais, est-ce le meilleur moyen pour le faire changer ? Pas si sûr.

Il est plus facile d’abord de changer soi-même pour ensuite faire changer votre manager. Ayez l’intelligence et le courage de ne pas vous laisser submerger par vos émotions. Rappelez-vous ces mots de Talleyrand qui en connaissait un rayon sur le trait d’esprit vachard :  "tout ce qui est excessif est insignifiant". Ou cette citation de Pierre Dac : "Rien ne sert de penser, il vaut mieux réfléchir avant".