L’employabilité : une compétence à acquérir

Les bouleversements de la structure du travail et de l’emploi et leur réponse au plan européen et national ont fait émerger la notion d'employabilité. Une compétence à acquérir et un regard nouveau à porter sur son parcours professionnel.

L’actualité sociale nous rappelle depuis plusieurs années déjà le bouleversement de la structure du travail et de l’emploi provoqué par la mondialisation et les innovations technologiques, les transformations  organisationnelles, le renouvellement du tissu entrepreneurial.  

Des  transformations qui, à l’ère du numérique accélèrent les processus de production, augmentent la qualification des métiers et qui ne laissent qu’une option aux salariés : cultiver l'employabilité.

Le maintien de l’employabilité est un défi pour tous, entreprises comme salariés.

L'employabilité, une notion ancienne

La notion d’employabilité est née en Angleterre au début du XXè siècle. Son enjeu ? Différencier ceux  qui seront aptes à s’intégrer à la société industrielle des pauvres qui relèvent de la charité.

Mais c’est avec le New-Deal aux USA et l’extension du chômage dans les années 1930 que cette notion se développe. Elle faisait référence alors à des capacités élémentaires à occuper un emploi. "Employability" signifie en effet "aptitude à l’emploi". Plus tard, cette notion est étendue à l’Allemagne et aux  pays scandinaves .

Une adaptabilité voulue par l’Europe depuis près de 20 ans

Depuis 1997, l’Union européenne s’est dotée d’un processus de coopération politique entre ses États Membres en matière d’emploi, la Stratégie européenne pour l’emploi (SEE). Ce processus repose sur les lignes directrices pour l’emploi (LDE) , l’élaboration de Plans d’action nationaux et un suivi articulé sur des indicateurs agréés afin de dégager les bonnes pratiques pouvant servir d’inspiration pour les politiques nationales. Un processus  souple qui ne comporte pas de contraintes , les États Membres restant souverains en matière de politique d’emploi au nom de la subsidiarité.

La question des restructurations, passée de phénomène accidentel à problématique structurelle est devenue plus présente dans le discours de la SEE  ces dernières années. Elles ont fait émerger les notions d’employabilité et  d’adaptabilité, comme des réponses essentielles aux mutations de plus en plus en rapides de l’environnement socio-économique. Le message insistant de la SEE révisée est que dans un monde en mutation permanente il faut savoir s’adapter en permanence, les restructurations n’étant finalement qu’une modalité adaptative dont usent les entreprises pour répondre au changement. Se profile ainsi une certaine vision de ce que doivent être les marchés du travail et les travailleurs de demain. Les salariés doivent devenir plus adaptables, "entrepreneurs d’eux-mêmes"  sur un marché du travail flexibilisé afin de pouvoir "transiter" aisément d’un emploi à un autre, voire d’un pays à un autre, tout au long de leur vie active.

Les facteurs concourants à l’employabilité

Au regard de l’entreprise, l’on dispose de trois leviers : 

- le levier RH et ses pratiques  à l’instar d’Axa France qui a conclu, le 17 mars 2016, un nouvel accord triennal (2016-2018) relatif à la GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences). Applicable pour une durée de trois ans,  jusque fin 2018, le texte vise à préparer les salariés à aux évolutions à venir à travers le développement de leur employabilité, en construisant "une véritable politique de gestion dynamique des métiers et des compétences prenant appui sur des outils et une méthodologie de travail".

Nous pourrions prendre également  l’exemple de la Société générale qui signe le 18 février 2016, un accord triennal sur l’évolution des métiers, des compétences et de l’emploi qui vise notamment à renforcer les dispositions sur le développement de l’employabilité.

Ou bien encore Engie qui, en avril 2016, signa un accord social visant à assurer l’employabilité de ses 135 000 salariés européens, souhaitant faire de la formation le premier levier de l’employabilité; 

- le levier organisationnel  comme le fait de passer à une organisation par projets et enfin le levier managérial. Le management par les compétences , le management des situations complexes en sont par exemple une illustration.

"L’emploi a vie est mort, vive l’employabilité" comme le rappelait il y a peu le rapport de l’institut de l’entreprise et c’est dans ce sens que La loi du 5 mars 2014 s’est dirigée, abandonnant la logique comptable et traçant de nouvelles obligations pour le chef d’entreprise : Assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail mais aussi veiller au maintien de la capacité à occuper un emploi sous peine de se voir sanctionner (Cass. soc., 5 juin 2013, no 11-21.255.)

Mais surtout ce que la loi porte en elle est la responsabilisation du salarié et la volonté de rupture avec un système marqué par de profondes disparités entre catégories socioprofessionnelles, que l’on soit homme ou femme, selon la taille de l’entreprise ou bien encore selon l’appartenance  de son entreprise à telle ou telle branche professionnelle.

Un salarié désormais acteur

Le compte personnel de formation (CPF) qui à remplacé le Droit Individuel à la Formation (DIF) le 1er janvier 2015, lui permet de s’impliquer par et dans l’entretien professionnel : Il participe à la décision et co-décide avec son employeur de la mobilisation des dispositifs de formation. Il s’inscrit en cela dans une démarche proactive. Le salarié devra ainsi prendre le temps de la réflexion sur son avenir professionnel voire sur la construction de sa carrière professionnelle.

Un salarié qui a l'initiative de la mobilisation du compte , et qui est libre du moment auquel il l’utilisera ainsi que du choix de la formation sous réserve qu'elle figure dans une liste particulière. Il faut qu'elles soient qualifiantes, certifiantes , inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) ou diplômantes. En d'autres termes, le CPF doit permettre l'acquisition de compétences et favoriser l'évolution professionnelle tout en répondant à la stratégie de l'entreprise et aux besoins du marché de l'emploi .

Un droit non plus  attaché à l'entreprise mais un droit individuel lui permettant d'acquérir que 150 heures de formations sur 9 ans, contre 120 heures de formation sur 6 ans pour le DIF.

Les salariés ont donc à la fois les moyens et intérêt à utiliser le CPF dans une stratégie de formation à long terme et il leur est permis de saisir les opportunités de formation interne ou externe pour développer leur employabilité.

Développer des compétences et garantir ainsi sa capacité à se maintenir en emploi en contribuant à la performance de l’entreprise. En échange de quoi, l’entreprise s’engage à donner les moyens.

Avec la création du CPF, la responsabilité de l’employabilité penchera davantage du coté du salarié et celui-ci  se devra de construire cette compétence.

Faire appel à des aptitudes au changement, à de la confiance en soi, à la capacité à prendre des risques, à une ouverture d’esprit…des caractéristiques personnelles couplées  à des attitudes sociales et professionnelles  ne nécessitant pas seulement un savoir, savoir faire, savoir être mais aussi un savoir évoluer. Des compétences requises, à mobiliser, potentielles, transférables et transversales. Une capacité à être en projet qui nécessite une capacité à la mobilité, à se construire et entretenir son réseau mais aussi a développer ou parfaire sa culture digitale. Un lourd et assez complexe chantier en perspective.

La réforme de mars 2014 porte sur tous les travers précédents : efficacité des formations, lutte contre les inégalités, décloisonnement des instances, transparence des financements, gouvernance et autonomie des personnes concernées (salariés et demandeurs d'emploi). Et parie sur une innovation majeure , le compte personnel de formation avec à la clé les inégalités qui devraient diminuer (grâce à un accès plus facile des personnes les plus défavorisées) et la responsabilité des individus devenir enfin réelle. Plus seulement un droit à … mais presque un devoir de ...d’abord et avant tout pour lui-même. Un pari audacieux pour chacun de nous.