La lettre de motivation a-t-elle encore un sens ?

A l’ère du recrutement informatisé, du matching et des algorithmes, une question taboue se pose. Rédiger une lettre de motivation est-t-il un exercice encore utile et déterminant ?

En 2017, la recherche d’emploi ne répond plus à des codes aussi stricts qu’avant. Dans ce cadre innovant, où l’on peut dégoter du boulot en activant ses réseaux sur les plateformes sociales et en postulant sur des job boards, la bonne vieille lettre de motivation a-t-elle encore sa place ? Ou n’est-elle qu’une exigence surannée dont les jours sont comptés ?

Une espèce en voie de disparition

Depuis des temps immémoriaux, CV et lettre de motivation vont ensemble – aussi sûrement que le pain et le beurre. Si le CV est une présentation factuelle du parcours et du profil d’un candidat, la lettre de motivation le complète avec un discours adapté au poste recherché. Le recruteur y puise des informations précieuses et en profite pour se faire une idée des qualités d’écriture et de synthèse de l’auteur. La disparition progressive de la lettre manuscrite en faveur de la lettre électronique et du fameux mail d'accroche n’aura pas modifié en profondeur cette tradition – sinon pour mettre les graphologistes au chômage technique.

Mais depuis plusieurs années, les évolutions du numérique contribuent à changer la donne. Sur les job boards, il est de plus en plus commun de ne pouvoir ajouter qu’un CV – et pas de lettre, ou simplement un petit texte de présentation. Les candidatures envoyées par mail se contentent régulièrement du contenu du courriel lui-même. Et dans les grandes entreprises, qui reçoivent des centaines voire des milliers de candidatures, les recruteurs ne jettent qu’un œil désintéressé à ce document. Sans parler des sociétés du web qui emploient des robots qui analysent les CV en prenant uniquement en compte de mots clés déterminés.

Qui lit encore une lettre de motivation ?

Le problème de la lettre de motivation, c’est que personne ne sait ce qu’il faut écrire. Demandez à dix personnes autour de vous : chacun vous fournira des réponses différentes. Bien sûr, le gros du courrier sera identique. "Présenter ses motivations", "mettre en valeur l’entreprise", "expliciter ses qualités"... Ce qui veut tout dire. Et rien dire.

L’autre hic, c’est que personne ne la lit – ou presque. En 2011 déjà, une étude du cabinet Wit Associés indiquait que la lettre de motivation n’était plus un critère de sélection pour les DRH. Les trois quarts d’entre eux affirmaient exclure d’écarter une candidature qui n’aurait pas été accompagnée de la sacro-sainte lettre.

Même les recruteurs qui prêtent encore attention à ce document ne le lisent pas – au sens où ils absorberaient chaque mot, chaque phrase pour en pénétrer le sens. Ils vont plutôt aller chercher l’essentiel, les points d’intérêt, les termes qui comptent. Certains recruteurs estiment que l’absence de tel ou tel mot-clé peut être rédhibitoire (les bots qui parcourent les CV sur le web font la même chose. En ce sens, une lettre de motivation n’est pas lue) elle est compulsée.

"Veuillez trouver ci-joint mon profil Facebook"

Presque 70 % des recrutements se faisant par recommandation, les candidats sont désormais recrutés via des processus simplifiés : telle personne transmet le CV de son ami(e) qui passe un entretien. Dans ce monde-là, il est certain que la lettre de motivation n’a plus réellement d’intérêt. Ce qui arrangera ceux pour qui l’orthographe et la grammaire restent de lointains et vagues souvenirs.

Pour autant, se dirige-t-on vers un processus de candidature qui passerait uniquement par l’entretien oral ? Ou par l’utilisation des profils sociaux ? "Veuillez trouver le lien vers mon profil Facebook" sera peut-être bientôt la phrase que l’on retrouvera dans tous les mails.

En attendant d’avoir une réponse à cette question, notons qu’il existe des solutions pour pallier la disparition inéluctable de la lettre de motivation :

- Le pitch par mail : pourquoi rédiger une lettre de motivation banale quand on peut écrire un mail efficace, pertinent et percutant ? ;

- L’accroche du CV : exprimer la quintessence de votre candidature en tête de votre CV (en évitant les phrases péremptoires du style "Je suis le meilleur dans mon domaine") ;

- Utiliser les profils sociaux à bon escient : en renvoyant à LinkedIn ou tout autre réseau professionnel plutôt qu’à Facebook, histoire de faire plus sérieux ;

- En faisant preuve d’originalité : CV vidéo, lettre sous forme de pièce de théâtre, book de photos… Vous avez mille moyens de dynamiser votre document. Mais ne le faites que si le recruteur s’y prête : envoyer une vidéo musicale pour un poste dans un cabinet de notaire pourrait s’avérer contre-productif !

Et vous, écrivez-vous encore des lettres de motivation ?