Projet de loi Pacte : enfin une loi pour accélérer le développement des entreprises contributives

Les notions d’entreprise plus juste ou de raison d’être dans un projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises auraient pu être une aberration il y a peu. Désormais, c’est devenu une évidence.

Le projet de loi Pacte présenté en Conseil des ministres le lundi 18 juin mentionne la notion de responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise (RSE) dans quelques paragraphes. Certes, c'est peu. Mais cela augure peut être enfin un nouveau capitalisme plus responsable. 

Un projet de loi qui ne bride pas la liberté des entreprises 

La réglementation est en général plus propice à la résistance qu'à l'innovation. Or ce projet de loi, qui s'appuie en partie sur les recommandations du rapport de Nicole Notat et Jean-Dominique Sénard, propose au contraire de faire confiance aux entreprises et de les libérer. Si le principe de la gestion des sociétés "dans l’intérêt social, en considération des enjeux sociaux et environnementaux" finit par être inscrit dans le code civil, la loi laisserait à l’entreprise toute latitude quant à indiquer dans ses statuts, la "raison d’être". Le terme, qui vient directement du rapport Notat-Sénard comme "l’expression de ce qui est indispensable pour remplir l’objet social de l’entreprise", a été retenu par le rapporteur. Parions que les entreprises les plus avancées travailleront "leur raison d’être" en parallèle de leur "raison d’avoir". Loin d’être une entrave ou une distorsion de concurrence, cette loi pourrait devenir un moteur de transformation puissant, un atout économique majeur voire une référence mondiale. Car si le projet était voté tel quel, il pourrait bien réconcilier croissance et sens. 

RSE et Pacte : l'avènement d'une phase de maturité pour les entreprises

Du temps du Grenelle, une première phase, contraignante, qui passait par la réglementation, a été nécessaire. De nouvelles règles ont initialement fait bouger les entreprises et contribué à faire passer des messages. Mais ce sursaut a été suivi par une période essentiellement centrée sur le reporting et la mise en conformité. La réglementation n’est pas, par nature, un accélérateur d’innovation. Elle n'est pas non plus considérée par les directions comme un sujet stratégique. Le premier réflexe face à une contrainte est parfois d’en faire le moins possible et de contourner l’obstacle. En conséquence, cette première phase, si elle a contribué à les faire bouger, n'a pas servi les entreprises, victimes du syndrome de pénibilité.

Une deuxième phase : la conscience de la limite des ressources et de l'urgence du climat. 

Cette seconde phase, marquée par la COP21, a contribué à une prise en compte à la fois plus concrète et plus globale par les décideurs en général. Le sujet est à présent à l’agenda des États comme des comités de direction. Car si le réchauffement climatique semble parfois encore abstrait pour certaines entreprises, il n'en est pas de même pour les sujets liés à la santé, la stabilité mondiale et aux problèmes sociétaux. Cette seconde phase a contribué à déclencher une prise de conscience des dirigeants, des administrateurs et des investisseurs. Elle a aussi entériné l'idée que le "business as usual" n’était plus une valeur sûre.

Une troisième phase de maturité : le mieux-disant social et environnemental comme moteur de la transition des entreprises, par les entreprises et non par la loi.

Clairement, il n'est plus temps d'espérer de "dégager du profit" pour "contribuer au bien-être des citoyens et à la régénération de la biodiversité". Il devient clair qu'il faudra rapidement inverser cette tendance. Sur le front des ressources naturelles en particulier, l'enjeu est clair : l'entreprise devra, tôt ou tard, participer à leur renouvellement. Jusque-là fabriquées par la nature, donc gratuites, ces ressources sont pourtant nécessaires à l'entreprise si elle veut continuer à opérer et faire du profit. Il s'agit maintenant de démontrer concrètement comment les entreprises prennent en compte ces enjeux et se synchronisent avec la nature. En aidant les entreprises à passer de "prédation" à "contribution", le projet de loi peut marquer un tournant vers une économie plus durable.

Confiance, stratégie, transformation : le projet de loi Pacte pose le constat de la RSE au cœur de la Realpolitik des entreprises.

Une part croissante des entreprises a compris tant bien que mal que le sujet n’était pas accessoire, mais bien transverse et "business". Ce projet de loi entérine ce constat et, en obligeant les entreprises à se positionner, confirme son importance stratégique. Ce projet souligne en filigrane que les professionnels de la RSE sont moteurs dans la transformation. Puisque les dirigeants ont conscience à présent qu’ils doivent modifier leur modèle économique et s'appuyer sur de nouveaux stratèges. Pour multiplier la production de valeur en la découplant de leurs émissions de gaz à effet de serre tout en améliorant le bien-être de leurs salariés et parties prenantes, ils savent qu’ils peuvent se tourner vers leurs directeurs développement durable. De facto, les directions RSE sont en train de muter d’un rôle de garants de la conformité à un rôle d’accompagnement des entreprises dans l’évolution de leur modèle économique. Il y a fort à parier que demain la tendance soit au rattachement des directions développement durable et RSE au centre de décision opérationnelle des entreprises.