Pourquoi les primes ne constituent pas une motivation pour mieux travailler

Pourquoi les primes ne constituent pas une motivation pour mieux travailler Contrairement à ce que l'on croit, l'argent et les avantages en nature ne poussent pas à travailler davantage. Voici pourquoi.

Vous pensez que récompenser les gens leur permet de mieux travailler. Mais les sciences humaines montrent que ce n'est pas le cas pour de nombreuses raisons.

Pourquoi l'argent n'est-il pas la motivation ultime ?

Le cliché de référence de la motivation, c'est la carotte et le bâton : la carotte étant la douce récompense et le bâton la sournoise punition. Mais, comme le célèbre auteur Dan Pink l'affirme dans "La vérité sur ce qui nous motive", ce système de récompense et de punition pourrait fonctionner pour créer une motivation pour des tâches simples, mais ça ne fonctionne pas tellement pour ceux qui doivent effectuer des tâches complexes sur le long terme.

Des recherches en psychologie montrent que les récompenses produisent uniquement des "conformités provisoires" : votre comportement pourra changer pendant un moment mais il y aura un retour en arrière comme pour tant de régimes qui n'ont pas marché. Comme l'a observé le sociologue Alfie Kohn dans le magazine en ligne Harvard Business Review, les récompenses telles que l'argent, les vacances, les festins et les médailles contribuent peu à changer les comportements des gens. C'est pour la même raison qu'offrir des primes pour arrêter de fumer, perdre du poids ou mettre la ceinture de sécurité sont de mauvaises stratégies pour faire changer les comportements sur le long terme.

Alfie Kohn affirme que "les primes (...) ne modifient pas les comportements basiques liés à notre façon de nous conduire. Elles ne créent pas un engagement durable pour toute valeur ou action. Les primes changent seulement ce que nous faisons et de manière temporaire".

A la place, le salaire fait partie de ce que les théoriciens du management appellent un facteur d'hygiène, qui comprend également le statut, la sécurité de l'emploi, les conditions de travail et la façon dont notre responsable nous traite. Alors que ne pas avoir un facteur d'hygiène convenable démotive les gens au niveau de leur travail, d'après la théorie, avoir un facteur d'hygiène important ne les motive pas plus.

Alfie Kohn continue : "Il est plausible de supposer que si le salaire d'une personne était divisé par deux, son moral risquerait d'en payer suffisamment le prix pour diminuer ses performances. Mais cela ne signifie pas nécessairement que doubler le salaire de cette personne aboutirait à un meilleur travail."

Alors, qu'est-ce qui motive vraiment les gens ?

Sans surprise, les ouvrages sur le management les appellent des modèles : épanouissement personnel, reconnaissance, devoir et défis. Clay Christensen, théoricien du management, explique : "La motivation est beaucoup moins due à un encouragement extérieur ou une motivation qu'à ce qu'il se passe en vous et dans votre travail". En d'autre termes, les plus motivés ne sont pas les mieux payés mais ceux qui ont une affinité avec leur travail.

Comme l'a découvert Teresa Amabile, professeur à la Harvard Business School, un sentiment d'évolution est déterminant afin de vraiment rester motivé. Dans une expérience relatée dans son livre "The Progress Principle", elle a demandé à 238 employés à travers sept entreprises d'écrire un journal quotidien de leurs journées de travail. Elle a trouvé un modèle. "Une analyse poussée de presque 12 000 journaux quotidiens conjointement avec les évaluations quotidiennes des motivations et des émotions de ceux qui ont tenu un journal montrent qu'avancer dans son travail, même par étapes, est plus fréquemment associé à des émotions positives et à de fortes motivations que n'importe quel autre événement lié à la journée de travail."

Quelle leçon devons-nous en tirer ? Au lieu de structurer nos journées de travail (et celles de nos collaborateurs) autour de récompenses, nous devrions plutôt les structurer autour de progrès continus et significatifs. Pour Teresa Amabile, les deux facteurs essentiels pour encourager ces progrès continus sont le facteur catalyseur et le facteur nourricier, comme elle l'explique sur le site du magazine Forbes : "Le facteur catalyseur comprend les évènements qui permettent directement d'avancer dans le travail. Parmi le catalyseur, on retrouve l'attribution d'objectifs professionnels clairs et l'assurance de ressources adéquates pour atteindre ces objectifs. Le facteur nourricier encourage directement la vie professionnelle interne des gens et comprend des actions telles que montrer du respect et apporter un soutien émotionnel."

Teresa Amabile pense qu'ensemble, les facteurs catalyseur et nourricier aident à façonner un sentiment de progrès. Pour les individus, cela aboutit à un travail motivé avec du sens, ce qui les rend heureux et contribue à la performance des entreprises.

Article de Drake Baer. Traduction par Sylvie Ségui, JDN

Voir l'article original : Why Incentives Don't Actually Motivate People To Do Better Work