La vérification de CV en route vers la digitalisation

La vérification de CV en route vers la digitalisation Les start-up qui aident les employeurs à démasquer les fausses références des candidats à un emploi se tournent vers les algorithmes.

Avec une rude concurrence sur le marché du travail, certains candidats sont prêts à prendre quelques libertés avec les faits pour tenter de sortir du lot. Faux diplôme, fonctions ou missions qui ne correspondent pas à la réalité, expérience professionnelle volontairement prolongée pour masquer des trous sur le CV, les astuces sont nombreuses. Face à elles, des start-up aident les employeurs à démasquer les tricheurs.

C'est notamment le cas d'Everycheck, société de 8 salariés créée juillet 2015. "La vérification de références est très répandue dans les pays anglo-saxons, où elle porte le nom de background check. Plusieurs entreprises sont positionnées sur le sujet. C'est notamment le cas de Checkster, start-up dans laquelle Randstad a pris une participation", témoigne Yohan Zibi. Après plusieurs années comme financier à New York et à Londres, il a monté sa jeune pousse. "En France, les références sont beaucoup moins contrôlées. Cette situation peut poser un problème aux entreprises qui augmentent le risque d'erreurs de casting. Or, un recrutement raté se traduit par une perte financière", explique l'entrepreneur.

"Nous ne sommes pas des détectives privés. Le candidat est prévenu via un mandat et une signature électronique qui est reconnue par la CNIL"

Mickael Figuière, fondateur de Cvérifié, concurrent d'Everycheck, est sur la même longueur d'onde. "Un recrutement basé sur un mensonge peut avoir de lourdes conséquences. Imaginez qu'un agent de sécurité ou un conducteur de chantier soit employé avec un faux diplôme. En cas d'accident, la responsabilité est du côté de l'employeur", observe l'entrepreneur marseillais, qui a d'abord travaillé pour des entreprises du bâtiment et de la sécurité avant de s'étendre au marché des cadres, qui pèse désormais la moitié de son chiffre d'affaires.

Concrètement, les entreprises qui souhaitent faire appel aux services d'EveryCheck ou de Cvérifié procèdent de la manière suivante : elles envoient le CV, la lettre de motivation et éventuellement le diplôme du candidat au vérificateur. Point important, celui-ci est dans l'obligation de prévenir le candidat, qui peut refuser la démarche. "Nous ne pouvons contrôler que le diplôme, la date d'entrée et de sortie d'un poste et les missions occupées. Le reste relève de la vie privée et nous ne sommes pas une agence de détectives privés. Le candidat est prévenu via un formulaire vérifié par la CNIL et donne sa réponse via un mandat et une signature électronique, elle aussi reconnue par la CNIL", détaille Yohan Zibi. La procédure est la même chez Cvérifié, qui révèle qu'un tiers des candidats refuse de laisser un prestataire procéder à des vérifications…

Une fois que le candidat a donné son aval, l'enquête peut commencer à se mettre en place. Everycheck et Cvérifié passent des appels aux universités, contactent les employeurs ou les référents avant de donner leur réponse dans les 48 heures. "Nous avons accès aux bases de diplômés de nombreuses écoles et organismes de certification, ce qui nous facilite la tâche", détaille Yohan Zibi. "Parfois nous rusons et essayons d'appeler un collaborateur qui n'est pas la référence inscrite sur le CV, car celle-ci peut-être de mèche avec le tricheur", détaille Mickael Figuière.

60% des candidatures comportent un mensonge

Depuis 2015, Cvérifié se targue d'avoir examiné 3 250 candidatures. Un chiffre équivalent chez Everycheck. Selon Yohan Zibi, 60% des candidatures comportent un ou plusieurs mensonges. Pour autant, il se refuse à blâmer les tricheurs : "Les entreprises sont autant coupables que les candidats. Elles recherchent souvent le mouton à cinq pattes".

Cette vérification a un prix : Il faut compter entre 50 et 120 euros pour vérifier une candidature. Le tarif varie selon le nombre de pièces à passer à la loupe mais aussi selon le profil du candidat (un cadre dirigeant coûte ainsi plus cher qu'un commercial ou un agent de maîtrise). Mais les deux prestataires proposent aussi un système d'abonnement annuel dont le tarif est établi sur mesure, notamment en fonction du volume de recrutement prévu sur l'année.

EveryCheck a levé 200 000 euros en mars 2017 et fait partie du LabRH

Pour les deux acteurs, les affaires sont florissantes. EveryCheck compte multiplier par cinq son chiffre d'affaires en 2017. Pour cela, la start-up, qui possède le statut de Jeune entreprise innovante, vient de rejoindre le Lab RH (l'association des entreprises de e-RH) et a levé en mars 2017 la somme de 200 000 euros. Son objectif est simple : digitaliser la procédure de vérification d'ici fin 2018 via des algorithmes.

"La maîtrise de la data permet à plusieurs start-up e-RH de mener des activités complexes. Je pense notamment à Assessfirst, qui permet de trouver la perle rare via le recrutement prédictif, ou à Clustree, qui peut prédire des trajectoires professionnelles. Ces deux entreprises sont pour nous des modèles", expose Yohan Zibi.

Everycheck est en train de concevoir Andrea, un bot pour dialoguer avec les clients. © EveryCheck

A moyen terme, EveryCheck souhaite concevoir un algorithme capable de prédire le risque de mensonge dans un CV. "Notre idéal est de créer un algorithme qui regarde la durée moyenne d'une expérience dans un poste en fonction du diplôme, de l'école, du secteur d'activité par exemple. Il prendrait également en compte les missions menées".

Pour mener à bien cet objectif ambitieux, deux conditions sont nécessaires : disposer de personnes compétentes et avoir un grand nombre de CV pour que l'algorithme qui fonctionne en circuit fermé soit efficace. La première condition est déjà remplie : l'entreprise possède plusieurs spécialistes de data science dont Jérôme Mourey, un ancien de chez Thalès qui occupe la fonction de CTO et co-fondateur de l'entreprise.

Selon Yohan Zibi, la seconde condition sera remplie à la fin de l'année : "D'ici janvier 2018, nous avons besoin d'environ 15 000 CV pour que notre modèle soit fonctionnel. Pour le moment nous sommes dans les temps pour déployer notre solution en 2018", se réjouit l'entrepreneur, qui  prévoit également de mettre en place une autre innovation : "En plus d'un algorithme, nous déploierons un chatbot nommé Andrea, c'est à dire Agent Numérique Dédié à la Recherche d'Expérience automatique. Il dialoguera avec les clients qui pourront lui exposer les besoins", explique Yohan Zibi.

EveryCheck a également lancé une offre qui aide les agences immobilières et les propriétaires à identifier les potentiels mauvais payeurs... De son côté, Cvérifié vient de mettre en place une offre qui vérifie que les candidats ont bien le niveau de langue qu'ils indiquent au recruteur.