Management de transition : les raisons du succès

Qui sont ces managers auxquels les entreprises font appel le temps d'une mission ? Sur quels postes sont-ils recrutés ? Quelle différence avec l'intérim et le conseil ? Pourquoi ce marché explose-t-il ? Réponses.

Les entreprises sont confrontées à des problématiques de plus en plus pointues, qu'elles doivent traiter dans l'urgence. Parfaitement adapté à ces évolutions, le management de transition en tire une croissance de 20 % par an. Mais de quoi s'agit-il exactement ? Bruno Calbry, fondateur et dirigeant du cabinet spécialisé Immedia, décrypte un marché en pleine éclosion.

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Bruno Calbry, fondateur et dirigeant du cabinet Immedia © C.Lauté

Qui fait appel à des managers de transition ?

Bruno Calbry. D'abord, les entreprises en direct, à travers leur directeur général ou leur DRH - selon la taille de la structure. Dans notre cabinet, ces clients sont pour la plupart des grosses PME ou des filiales de groupes, de 300 à 3.000 salariés. Mais nous avons également un réseau de demandeurs prescripteurs. Il s'agit de fonds d'investissements, de cabinets spécialisés dans les fusions-acquisitions et d'avocats ou d'autres responsables judiciaires en charge du redressement d'une entreprise.

Quel est le profil type d'un tel manager ?

Il a le plus souvent plus de 45 ans - très fréquemment de 55 à 65 ans - et l'expérience qui va avec. Il est donc capable de s'intégrer en un temps très court. Dans 80 % des cas, il va occuper des fonctions de direction générale - ou de direction d'un centre de profit, d'une usine, d'un établissement... -, de direction financière et comptable ou de DRH. Dans 20 % des cas, sa mission se déroulera dans les domaines informatique, supply-chain, marketing, commercial, parfois technique. Enfin, comme il n'est pas dans une logique de carrière, il ne fait pas peur aux salariés de l'entreprise.

Pourtant, d'après une enquête Robert Half réalisée fin 2006, seuls 14 % des salariés jugent que sa présence n'est pas source de stress...

C'est la situation qui est source de stress. Restructuration, retournement de tendance, fusion-acquisition, crise dans le management... Même si les managers de transition peuvent intervenir dans d'autres contextes.

Quelle différence avec l'intérim cadres ou bien une prestation de conseil ?

On recourt à l'intérim pour un remplacement temporaire, un besoin ponctuel de sureffectif ou de la pré-embauche, à chaque fois sur un besoin commun de l'entreprise. Le manager de transition, lui, a un projet, une mission qui dure de 6 à 18 mois, voire davantage - plus longue que de l'intérim, donc - qui correspond à une situation d'exception pour laquelle un profil surdimensionné est requis. Les managers de transition doivent avoir une carrure et une antériorité qui leur permettent de s'imposer. Ils doivent être immédiatement opérationnels et légitimes. A ce titre d'ailleurs, des cheveux gris constituent clairement un critère de confiance !

"Environ 20 % des missions finissent par un recrutement"

Et à la différence du conseil, le manager de transition ne s'arrête pas à la théorie ou à la méthodologie. Il est dans l'agir, pas dans le dire. Même si du point de vue du contrat, c'est équivalent. D'ailleurs, l'un et l'autre ne sont pas incompatibles : le manager de transition peut par exemple demander une équipe de conseil pour réaliser un audit.

Débauche-t-on souvent vos managers de transition ?

Cela arrive, bien sûr. Récemment, un de nos managers en mission pour un an a accepté, au bout de quatre mois, une proposition pour un poste, aux responsabilités plus larges que celles qui lui avaient été confiées dans le cadre de sa mission. Environ 20 % des missions finissent par un recrutement. Cela correspond assez bien au contexte dans lequel ils interviennent : ayant fait leurs preuves en période difficile, ils peuvent être très courtisés par l'entreprise.

Où trouvez-vous ces perles rares ?

A 50 ans, on peut envisager de fonder son cabinet indépendant de conseil ou de formation, de reprendre une entreprise, ou encore de faire du management de transition. Mais seuls 20 % des candidats à ce métier ont le profil pour l'exercer. Ils sont dans les dix cabinets parisiens et tout le monde se les dispute. Par ailleurs, il y a toujours le problème de l'intermission : il faut pouvoir absorber la chute de revenu correspondante. Et avoir la capacité - familiale notamment - de s'installer pour six mois à l'autre bout du pays.

"Les entreprises sont confrontées à des problématiques de plus en plus pointues. Pour les traiter, elles doivent se rapprocher d'experts"

A ces 20 %, que nous avons rencontrés, s'ajoutent tous ceux qui ont émis le souhait de faire ce métier et qui constituent notre vivier. Au total, 870 personnes. Grâce à cette base de données, nous sommes capables d'identifier en 48 heures les deux ou trois personnes de notre réseau en mesure de réaliser une mission donnée. Puis nous les présentons à notre client. Au total, en deux semaines, le manager de transition a pris ses fonctions. Alors que côté entreprise, on en est toujours à rédiger la description de poste...

Comment évolue le marché du management de transition ?

La croissance est assez soutenue, puisqu'elle oscille entre 20 et 25 % par an. C'est d'ailleurs assez logique : les entreprises sont confrontées à des problématiques de plus en plus pointues, notamment au niveau social, fiscal et de gouvernance. Pour les traiter, elles doivent se rapprocher d'experts.

De plus, l'urgence devient véritablement la norme : l'entreprise a des besoins immédiats. On le voit dans le droit du travail avec le contrat de mission proposé par le gouvernement, elle recherche plus de souplesse et de rapidité. Je pense qu'il faut se caler sur ses besoins. Tout en déterminant le juste dosage entre flexibilité et précarité, bien sûr. Le management de transition, qui va complètement dans ce sens, est parfaitement adapté à ces évolutions.

A cette réserve près que la prospection directe d'une entreprise étant délicate, nous devons passer par notre réseau de clients, le management de transition a un bel avenir devant lui.

 
Le marché du management de transition en chiffres
Source : JDN Management
D'après Bruno Calbry : "Le management de transition en France, ce sont une dizaine de cabinets reconnus, une petite trentaine de cabinets unipersonnels, 2.000 missions par an et 5 à 7.000 managers de transition."  

Pourtant, les entreprises ne sont pas censées être friandes de seniors...

Le rapport de force est inversé, puisque c'est l'entreprise qui a un besoin urgent. Or elle souhaite s'adosser à un expert, ce qui implique de l'expérience. Dans ces circonstances, l'expérience la rassure. A la fin de la mission, le besoin n'est plus là, le manager de transition repart et quelqu'un de moins qualifié prend le relais. Ces seniors ne la gênent pas, puisqu'ils ne sont pas ses salariés.

N'est-ce pas profiter de la précarisation du travail des seniors ?

Non. Apprendre à connaître un nouveau secteur, un nouveau marché, relever un nouveau défi recèle un intérêt intellectuel considérable et un enrichissement indéniable. Devenir manager de transition, c'est un choix de leur part.