"Itinéraire d'un DRH gâté", les meilleurs extraits Trop de conseil tue le conseil

Jean-Luc Vergne porte un regard incisif sur l'activité des consultants, devenus omniprésents dans les entreprises sans que, selon lui, leur valeur ajoutée ne soit toujours à la hauteur.

L'utilisation tous azimuts de cabinets conseils, dans tous les domaines, des ressources humaines jusqu'à la stratégie, en passant par le marketing, la finance, le développement durable ou la communication, est désormais généralisée dans la plupart des grandes entreprises.

"Donne-moi ta montre, je te revendrai l'heure !"

À l'origine, je conçois très bien que l'on puisse recourir à un cabinet spécialisé, lorsque l'on procède à des opérations ou à des manœuvres que les équipes internes ne connaissent pas : fusions-acquisitions, expansion internationale, stratégie et plan à cinq ans... Dans ces cas-là, le recours à un grand cabinet est tout à fait justifié. En effet, le changement et la transformation doivent souvent être initiés et conduits par des agents du changement, rompus à ces situations, fins négociateurs, connaissant les différentes obligations légales et juridiques, et par définition dégagés des contraintes de l'opérationnel auxquelles sont soumises les équipes.

Mais les effets pernicieux du recours aux consultants se font vite jour. Ceux-ci, bien souvent, légitiment les idées de la direction et les enrobent dans de belles présentations, revendant donc à l'entreprise ce qu'elle sait déjà, comme l'illustre l'adage bien connu : "Donne-moi ta montre, je te revendrai l'heure !".

Pour certaines directions, trop faibles pour assumer leurs responsabilités, ou dénuées d'idées et de créativité, le recours à ces cabinets est systématique, et bien pratique.

Les cabinets génèrent de l'homogénéité entre tous les acteurs et ne permettent aucun avantage concurrentiel, et encore moins d'innovations

Même si ces cabinets coûtent très cher – surtout lorsqu'ils portent un nom à consonance anglo-saxonne – et qu'ils ont également tendance à appliquer leurs vues, leurs principes et leurs matrices dans toutes les sociétés et les organisations qu'ils conseillent. De ce fait, ils génèrent de l'homogénéité entre tous les acteurs et ne permettent aucun avantage concurrentiel, et encore moins d'innovations ! Une fois que les trois grands cabinets de la place ont conseillé aux quatre grands opérateurs d'un secteur de délocaliser dans des pays à moindres coûts, la concurrence rejoue exactement comme avant, avec de l'emploi détruit à la clé. Et si le modèle préconisé ne fonctionne pas, on réalise vite que "les conseilleurs ne sont pas les payeurs"... mais ils ont été payés, et plutôt grassement, au regard de leurs coûts fixes (de jeunes diplômés, ainsi que des PC équipés d'Excel et de PowerPoint) !

Tous les compartiments de la vie de l'entreprise doivent-ils être conseillés ? Ne peut-on pas faire confiance aux collaborateurs, leur confier des responsabilités autres que "faire faire" et "piloter l'agence" ? Pour établir un rapport social, ne peut-on pas prendre des idées sur Internet puis parvenir à faire soi-même, avec l'aide d'un graphiste ? Un rapport social ne pourrait-il pas être l'œuvre d'un collaborateur des RH dédié ? De même, a-t-on besoin d'un cabinet extérieur pour réorganiser une DRH ? Ne peut-on pas (se) faire confiance ? D'autant plus que ces projets sont moteurs dans la vie d'une équipe et permettent de "donner du sens" sans que l'on ait recours à des prestataires externes dédiés à cette dernière tâche !