"Itinéraire d'un DRH gâté", les meilleurs extraits Négocier avec les syndicats : plan de table et jeu de rôles

Au cours de sa carrière de DRH, Jean-Luc Vergne a passé de longues heures à négocier pied à pied avec les représentants des salariés. Des réunions très bien huilées où chacun joue sa partition.

Vient le moment de la négociation proprement dite, vite caricaturée en grand-messe par certains. Et il est vrai que lorsqu'il y a en moyenne quatre délégués par syndicats, et sept syndicats, comme c'était le cas à la BPCE, ainsi que quatre membres de la direction des ressources humaines, on arrive rapidement à plus de 30 personnes autour de la table... Ceux qui parlent de "grand-messe" n'ont d'ailleurs pas totalement tort puisque certains éléments tiennent effectivement du rite ! Ainsi, les déclarations de chaque organisation syndicale, pendant une dizaine de minutes chacune, ressemblent fortement à un credo. Cela prend environ une heure, le ton passe du solennel au prosaïque, mais cette étape a son importance : c'est un tour de chauffe qui permet à chacun de se mettre en train. Il faut savoir écouter et entendre les sous-textes, car ces déclarations permettent à chaque syndicat de marquer son territoire, et de se positionner par rapport à ses homologues (et néanmoins rivaux !).

Il faut savoir écouter et entendre les sous-textes

C'est d'ailleurs là un enjeu pour de nombreux syndicalistes : en prenant la parole en premier, on a le champ libre pour radicaliser les positions dès l'origine et amener les autres  organisations à devoir surenchérir ! SUD, à la BPCE, FO chez PSA ou la CGT chez Elf étaient particulièrement habiles à cet exercice... Le positionnement des organisations autour de la table, également, n'est pas innocent, et je veillais au "plan de table". En effet, l'organisation qui fait face à la délégation "patronale" bénéficie d'un avantage logistique. Tous les syndicalistes apprennent ces bases dans leurs cours de formation syndicale, et c'est donc un jeu connu et accepté de tous.

Une fois le tour de chauffe effectué, on peut alors rentrer dans le vif de la négociation, qui peut durer quelques heures, une après-midi, voire une journée, en fonction des enjeux et des tactiques : j'ai ainsi le souvenir d'une négociation particulièrement dure et éprouvante chez

L'organisation qui fait face à la délégation "patronale" bénéficie d'un avantage logistique

Sanofi pendant laquelle les délégués m'avaient maintenu à la table des négociations de 14 heures jusqu'au milieu de la nuit. J'ai ensuite appris qu'ils avaient tous pris un déjeuner consistant avant 14 heures afin de pouvoir jouer l'usure. Aussi trivial qu'il puisse paraître, un tel détail joue nécessairement sur le cours des négociations et leur procurait à tout le moins un avantage physiologique ! Dans le même ordre d'idées, mais avec un happy end, j'ai aussi le souvenir d'une négociation longue et acharnée avec des ténors de la visite médicale, qui s'était soldée quelques heures après, également autour d'une table et tard dans la nuit, mais au Pied de Cochon ! Nous y avons dignement célébré notre âpre combat... sans victimes.