"Itinéraire d'un DRH gâté", les meilleurs extraits La découverte des risques psycho-sociaux

Alors qu'il est DRH de PSA, Jean-Luc Vergne fait face au printemps 2007 à une série de suicides. Il découvre alors les questions de souffrance au travail, auxquelles il était peu sensible jusqu'alors.

J'invitais alors le professeur Patrick Légeron, psychiatre et spécialiste du stress en entreprise, à venir m'expliquer ce qu'était le stress, à le comprendre et à déceler ses causes et ses facteurs. L'échange, prévu pour durer une heure, se prolongea plus de cinq heures. Il faut dire que les DRH sont, comme l'avait écrit à mon propos une journaliste du Monde, quelque peu "désorientés, démunis", face à ce problème, et surtout sans aucune notion fondée et étayée du mal-être au travail.

Ce que je retirai de ces échanges, c'est que le stress au travail survenait lorsque le déséquilibre croît, chez une personne donnée, entre la perception qu'elle peut avoir des objectifs qu'on lui fixe ("ce que je dois faire"), et la perception qu'elle a de ses propres capacités pour y faire face ("mes moyens pour les accomplir"). Mais je compris aussi que chaque individu est unique, et que sa personnalité, construite sur de nombreux paramètres – culture, éducation, milieu, expériences – réagit différemment face à une situation donnée, et face à la pression induite par l'organisation.

A côté du stress, existent d'autres risques psychosociaux : harcèlement sexuel ou moral, conduites addictives, ou encore violences

Je compris également que, à côté du stress, existent d'autres risques psychosociaux : harcèlement sexuel ou moral, conduites addictives, ou encore violences, entre salariés ou provoquées par des tiers, les clients par exemple. Je mandatais donc un cabinet d'experts, Stimulus, afin d'analyser ce que j'acceptais désormais d'appeler les "RPS", risques psychosociaux dans l'entreprise, de rechercher les facteurs de stress, d'en évaluer le niveau, d'établir un diagnostic et un plan d'actions. 3 000 personnes salariées sur trois sites, choisies par Stimulus selon différents critères, ont répondu à un questionnaire anonyme et confidentiel. Ce recueil de données était complété par 60 entretiens individuels qui avaient pour but de bien saisir l'environnement de travail, la réalité des métiers et des phénomènes étudiés. Le taux de participation s'éleva à 86,9%, ce qui garantissait la bonne représentativité des résultats, mais témoignait également de l'intérêt majeur que les salariés et leurs représentants portaient à ce sujet...

Quels résultats avons-nous tiré de cette enquête ? Le niveau de stress des salariés de PSA était équivalent au panel de référence, établi à partir d'entreprises auditées dans différents secteurs d'activité, à savoir : 20% des salariés déclaraient souffrir de troubles de santé liés au stress. Un taux qui semble élevé, certes, mais qui est considéré comme une moyenne acceptable dans l'ensemble des pays européens. Il est évident que les facteurs personnels jouent également dans de tels drames, qui sont toujours multifactoriels : les soucis d'ordre personnel ou familial sont également facteurs de stress. Mais cela ne dédouane pas pour autant l'entreprise de ses obligations morales et également conduites par un impératif de rentabilité bien compris : il faut tout mettre en oeuvre pour agir sur les différents risques psychosociaux, tant pour des raisons éthiques qu'économiques.

Il faut tout mettre en œuvre pour agir sur les différents risques psychosociaux, tant pour des raisons éthiques qu'économiques

Mais cela n'est pas toujours simple. Par exemple, lors de mon expérience chez PSA, les résultats de l'enquête ont été riches d'enseignements puisque nous avons découvert que le manque de reconnaissance et la complexité des informations reçues, comptaient parmi les plus grands facteurs de stress... alors que nous étions à mille lieues d'y penser ! Nous pouvions commencer à remédier à ces deux facteurs sans tergiverser, mais ce n'était pas le cas d'un troisième. En effet, nous avons découvert que, au sein des travaux postés, il était finalement stressant de changer d'équipe tous les six mois... alors que c'était notre politique de lutte contre les troubles musculo-squelettiques ! Que soigner, dans ces conditions, et comment définir le juste équilibre ?