"Je travaille dans une maison de fous", les meilleurs extraits L'effet illusion

« Que ne ferait-on pas pour flatter l'ego d'un chef. (...) Le tableau qui est présenté aux chefs est très éloigné de la réalité – et très proche de leurs fantasmes. Les résultats, la satisfaction des clients et les prévisions commerciales sont trafiqués et embellis jusqu'à ce que les salariés soient sûrs que le patron sera content.

m. le président, voici la croissance que vous nous avez demandée.
M. le Président, voici la croissance que vous nous avez demandée. © Sergey Nivens - Fotolia.com

Un petit groupe de presse magazine spécialisé dans les loisirs nous en fournit un exemple que j'ai vécu de près. Le PDG du groupe, un homme au patronyme éminent, avait de grandes ambitions. Il voulait que ses titres soient en vente partout, dans le plus grand comme dans le plus petit kiosque. Il répétait à qui voulait l'entendre que ses journaux ne se vendraient que là où ils seraient en vente (pardi !) et n'avait de cesse de convoquer le directeur de la diffusion pour s'informer au plus près de l'état de développement du réseau de distribution.

Le directeur de la diffusion se comportait comme un garçon de café : son patron lui passait commande de bons résultats, il les lui servait sur un plateau d'argent. Seul problème : ces bons résultats étaient fictifs. Le responsable des ventes embellissait ses courbes et polissait ses chiffres jusqu'à donner l'impression que les titres du groupe arrosaient toute la France.

Pour que l'illusion soit parfaite, si Monsieur le directeur devait se déplacer, ce qui se préparait toujours longtemps à l'avance en interne, le responsable de la diffusion dépêchait un avant-coureur chargé d'approvisionner les kiosques de son parcours, de sorte que les titres du groupe fussent aussi visibles que les plus grands titres de la presse nationale.

Partout où il allait, cet éditeur tombait sur ses magazines. Pas de doute, il était en bonne voie de damer le pion à tous ces géants de la presse...

Dans l'entreprise, tout le monde, jusqu'au magasinier, était au courant de la supercherie. Seul le PDG n'y voyait que du feu et se berçait d'illusions. En réalité, le réseau de distribution du groupe était modeste et ses titres étaient essentiellement présents dans les magasins spécialisés, très rarement dans les kiosques. »