Débat public et pseudonymat sur Twitter : faut-il créer une certification supplémentaire ?

Twitter a marqué récemment les esprits lors de son entrée en bourse par l’envol du titre de plus de 70 %. Mais tout n’est pas rose pour autant au pays de l’oiseau bleu : certaines personnalités publiques se plaignent de plus en plus souvent de leur statut de cible trop facile sur les timelines.

La grogne des personnalités

Si elles ne sont pas les seules, les personnalités politiques sont peut être celles qui se plaignent le plus régulièrement du traitement qu’elles subissent sur Twitter. Tout le monde a par exemple en mémoire la prise de recul soudaine de Cécile Duflot et le coaching musclé que lui avait alors prodigué Nadine Morano.
Plus récemment certains journalistes – et non des moindres – ont joint leurs voix reconnaissables au choeur des politiques concernés. Parmi eux, Christophe Barbier, directeur de L’Express et interviewer sur ITélé (entre autres), qui confiait récemment aux Inrockuptibles sa réserve désormais prononcée pour Twitter :
« C’est le réseau qui m’inquiète le plus. [...] Je considère que sur Twitter, les poubelles ont envahi l’espace. Quand vous avez enlevé tous les messages de ceux qui vous insultent, vous avez perdu beaucoup de temps et les trois tweets que vous avez sauvé n’en valent souvent pas la peine. C’est un média qui est en train de perdre de sa valeur pour le débat. »
Il est un fait incontestable : en matière de débat, Christophe Barbier en connaît un rayon.  Et quand un pompier crie au feu, il reste indiqué de savoir au minimum tourner la tête.

Le problème du pseudonymat

Le problème du débat sur Twitter est lié à un marronnier d’Internet, celui de l’anonymat, qui contient celui du pseudonymat. Il n’est pas question de débattre ici autour de la question « pour ou contre l’anonymat », que ce soit sur Internet en général ou sur Twitter en particulier. Ce qui par contre paraît évident, et qui pourtant mérite d’être encore souligné, c’est que le pseudonymat est l’une des principales causes de dérapage sur Twitter : « à partir du moment où mon propos n’engage ni ma personne ni mon image, alors pourquoi me préoccuperais-je des conséquences de mes propos ? » semble clamer, triomphant, l’insulteur moyen sur Twitter.
De fait, certains débatteurs pseudonymes sur Twitter (et ailleurs) n’ont ni éthique, ni morale, en partie parce que leurs propos ne les engagent pas. Cette « liberté » est peut être souhaitable : il conviendrait dans ce cas simplement de prendre garde à ce qu’elle s’arrête là où commence celle des autres.
Cet enjeu est en effet crucial. Twitter est un lieu de débat unique où le citoyen lambda a la possibilité de s’entretenir directement, sans intermédiaire, avec celles et ceux qu’il a élus (pour ne parler que de politique). Mais pour préserver cette opportunité encore faudrait-il veiller à ce que l’une des parties, par trop échaudée, ne quitte définitivement une table de discussion devenue infréquentable.

Une certification supplémentaire ?

A ce stade de notre réflexion, notre question de départ s’est dédoublée : comment préserver des « poubelles » les personnalités publiques présentes sur Twitter, afin que l’échange sur Twitter reste pour elles un plaisir ? Comment, dans le même temps, laisser aux utilisateurs de Twitter qui le désirent la possibilité de se connecter sous un pseudonyme – donc en restant anonyme ?

Puisque toute réflexion doit idéalement amener à une contribution, voici la nôtre.

Twitter a déjà créé une certification, celle des comptes vérifiés, attribuée au cas par cas aux personnalités publiques pour distinguer les comptes factices des officiels. Cette certification est attestée par un symbole blanc sur fond bleu placé près du nom, au sein de l’en-tête de profil.
Une solution possible serait la création d’une nouvelle certification, élargie cette fois à tous les utilisateurs de Twitter désirant que leur compte soit reconnu comme non pseudonyme. Le problème principal serait celui des modalités d’attribution, qui pour un réseau social de plus de 200 millions d’utilisateurs demanderaient une certaine logistique…
Mais gageons que de nombreuses start-up ne demandent déjà qu’à créer une solution automatisée, rapide et peu coûteuse à ce problème.
Cette première étape (allègrement) franchie, il ne resterait plus qu’à doter l’ensemble des comptes certifiés d’une option de confidentialité supplémentaire, qui limiterait en fonction du choix de l’utilisateur l’accès de son compte aux autres profils non pseudonymes.

Récapitulons :
  1. Au moment de mon inscription sur Twitter (voire ultérieurement), je choisis un statut, pseudonyme ou non.
  2. Si mon compte n’est pas pseudonyme, j’ai la possibilité de le certifier comme tel.
  3. A partir du moment où il est certifié apparaît dans mes options de confidentialité (Paramètres > Sécurité et confidentialité) une nouvelle option qui me permet de limiter la visibilité de mon compte – et donc mes échanges –  aux autres profils certifiés.
  4. Que je sois une personnalité publique ou non, je m’exprime désormais en mon nom et j’engage mon image par mes propos.
  5. Si je suis une personnalité publique, j’ai de fait la possibilité de n’avoir à faire au sein de mes échanges qu’à des personnes qui avancent à découvert et qui s’expriment en leur propre nom – ce qui me préserve de la plupart des dérapages.
Loin d’être une révolution, cette nouvelle certification permettrait un statut intermédiaire entre le profil privé, signalé par un symbole de cadenas, et la certification estampillée « célébrité ». Enfin et surtout, elle permettrait d’assainir l’atmosphère lors de certains échanges qui, même pour les amoureux de Twitter – dont nous sommes – finissent par devenir nauséabonds.