Du e-commerce au contenu : de Marks & Spencer à Libération

A l’image d’un Net-a-porter, le nouveau site de Marks & Spenser UK est stupéfiant, Il fait le pari du e-commerce avec un design de magazine et un vrai contenu éditorial. Un exemple passionnant de convergence. Contre toute attente, cette démarche pourrait être plus le fait des e-commerçants que des éditeurs !

Logiquement les éditeurs devraient s’engouffrer dans le e-commerce. Cela afin de diversifier leurs revenus et de récupérer une partie de la valeur perdue par la publicité dans sa migration du off vers le digital. S’improviser e-commerçant n’a certes rien d’une sinécure ou d’une évidence mais il existe aujourd’hui des possibilités moins risquées et porteuses : places de marchés, intermédiation C to C, drive to store.
Ces mêmes éditeurs bénéficient de plus de 3 avantages :
1) une marque gage de notoriété et de confiance,
2) une audience,
3) une force de frappe publicitaire.
Qui plus est, être capable demain de vendre des profils non seulement de lecteurs mais d’acheteurs est au cœur de la bataille publicitaire et donc du business model. Pourquoi croyez-vous que Google - qui se défini comme un media - démultiplie désormais les incursions dans le e-commerce ? Tout simplement pour protéger son business publicitaire. Le succès éclair de l’offre RTB d’Amazon (835 M$ en 2013 / eMarketer) n’y est pas pour rien…
So what ? Certes beaucoup d’initiatives fleurissent ces derniers temps (DoctiPharma lancé en bêtatest par Lagardère pour compléter Doctissimo, CondeNast qui crée une division e-commerce après avoir multiplié les prises de participations dans la mode, Axel Springer qui lance ses services de coupons en ligne..). Mais le moins qu’on puisse dire est que cette conversion est tardive et reste souvent timide. Les schémas de pensée ont la peau dure : « ne vais-je pas abimer ma marque ? », « est-ce bien compatible avec mon métier de journaliste ? », « je ne veux vendre que ce que je présélectionne » etc..
A l’opposé le e-commerce et les nouveaux entrants semblent moins timorés.
Pourquoi ? Pour une raison simple : le fameux modèle pyramidal AIDA. Là où les éditeurs ont trop longtemps délaissé et délaissent encore le 2nd A de ACTION, les « représentants » du e-commerce savent parfaitement qu’une bonne vente passe par le 1er A, ATTENTION puis le I, l’INTERÊT ! Une bonne vente est contextualisée, « amenée ». A fortiori si votre stratégie est un jour de s’extirper de la guerre des prix. Créer une audience qualifiée est donc un enjeu fondamental pour le e-commerce. De plus développer du contenu facilitera votre référencement. Enfin là où les éditeurs rechignent à plonger dans la mêlée obscure et peu gratifiante de la distribution, les e-commerçants se régalent à sortir de leur pré carré, libre des lourdeurs et contraintes attachées aux éditeurs traditionnels.

Jugez plutôt ces 2 exemples :

  • Meninvest fait de cette stratégie sa marque de fabrique. Déjà éditeur de ses propres supports online (Menly, Menlook Tribune), il a racheté Autonews et Onze-Mondial afin selon M.Ménasé de développer « le carrefour inévitable pour les hommes sur Internet et de leur apporter une dimension de conseil sur leurs achats ». Une conviction clairement affirmée en faveur d’une vraie intégration e-commerce et média, génératrice de valeur ajoutée et de business.
  • A coup de rachats successifs, le projet de Fimalac est similaire dans sa nature et son ambition. Construire une verticale intégrée médias plus e-commerce dans l’univers de l’entertainment. Présent initialement dans le spectacle via ses participations dans des sociétés de productions, le groupe a acquis en 2013 de quoi pousser son contenu en rachetant Webedia (purepeople), Allociné ou encore le site d'information Youmag puis de quoi le commercialiser via l’acquisition à l’automne dernier de Kyro (solution de billetterie en ligne). M. Ladreit de Lacharrière croit en « l'avenir du media digital….couplé au e-commerce et à la billetterie ».

Quel pari pour le e-commerce !

Privilégiez l’intelligence plutôt que le discount. Alors on a envie de souhaiter bonne chance à Marks&Spencer et surtout d’appeler les éditeurs à un sursaut. L’heure est à la diversification des revenus et à la création d’écosystèmes ambitieux et novateurs. Cela vous rappelle quelque chose ?
Le plan de la « dernière chance » de Libération. Trop tardif certainement, mal amené et non respectueux des équipes, sans doute, financé, je n’en sais rien, et pourtant..