Comment le marché culturel français peut-il résister aux géants du Web ?

Entre l’arrivée de Netflix en France, qui pourrait considérablement modifier le paysage audiovisuel français, et le coup de gueule d’Aurélie Fillipetti contre Amazon, accusé de pratiques anticoncurrentiel contre les éditeurs français, les géants du Web américain attisent la méfiance sur le territoire français.

Dans ce contexte, comment le marché culturel français peut-il réussir à protéger au mieux ses intérêts ?

Netflix, premier diffuseur américain de contenu audiovisuel a prévu son lancement en France à la mi-septembre. Un lancement scruté depuis des mois par les producteurs et diffuseurs français qui craignent que le lancement du géant de la vidéo à la demande par abonnement (SVOD) américain ne déséquilibre le marché. Netflix devrait en effet proposer pour un tarif abordable, autours de 8 euros par mois, un large catalogue de films et séries : si les films ne devraient pas être de toute première fraicheur (il faut attendre 36 mois en France après leur sortie en salle pour une diffusion en vidéo à la demande par abonnement) la major américaine pourra compter sur ses séries évènements qu’elle autoproduit (House of Cards, Orange is the New Black ou encore Hemlock Grove). Elle s’appuie aussi sur son puissant moteur de recommandation sensé proposer au téléspectateur des vidéos adaptées à ses envies du moment.
Un lancement qui ne ravi pas les acteurs audiovisuels français, ces derniers redoutent en effet que Netflix s’accapare l’essentiel du marché de la vidéo à la demande. Une préoccupation qui a amené la ministre de la culture à « avancer de deux mois la disponibilité des films à la télévision, et, pour la vidéo à la demande par abonnement, de ramener le délai après la sortie en salle à vingt-quatre mois, contre trente-six actuellement» mais pour les seuls services qui « participent au financement et à l'exposition des œuvres françaises et européennes ».
Une adaptation de la législation en vigueur qui devrait donner un coup de pouce aux productions françaises et européennes. Autre exemple de la méfiance inspiré par l’arrivée de Netflix : Orange ne devrait pas proposer Netflix dans ses box à son lancement. Stéphane Richard explique ainsi, dans une interview à BFM Business, que « Netflix ça pose pour nous quand même pas mal de questions.
La première question c'est la façon dont Netflix va participer au financement des infrastructures qu'il utilise pour proposer ses contenus. Ça pose le problème des relations économiques entre les telcos et puis les fournisseurs de contenus.».

Autre géant du Web a attiré l’animosité du secteur culturel français : Amazon se livre une lutte acharnée contre la maison d’édition française Hachette. Ce dernier ne souhaite en effet pas réduire ses marges sur le marché numérique américain. En retour, Amazon pratique des mesures de rétorsions contre la maison d’édition française en rallongeant les délais de livraisons sur ses livres ou en empêchant les précommandes. Une attitude qui a une nouvelle fois fait monter au créneau Aurélie Fillipeti qui a affirmé au mois de Juillet que « cet épisode est une nouvelle révélation des pratiques inqualifiables et anticoncurrentielles d'Amazon, dit-elle. C'est un abus de position dominante et une atteinte inacceptable contre l'accès aux livres. Amazon porte atteinte à la diversité littéraire et éditoriale ». Dans cette optique l’UMP a déposé un nouveau texte de loi, soutenu par la majorité, qui supprime la possibilité pour les sites de vente en ligne de cumuler la réduction de 5 % sur le prix du livre et la gratuité des frais de port. Amazon a tout de suite riposté à ce texte en proposant des frais de ports fixés à 1 centime …

Rééquilibrer le partage de la valeur numérique

L’hégémonie des géants du numérique américain sur le marché culturel français et européen doit amener les pouvoirs publics français à organiser la résistance afin de préserver l’industrie culturelle française qui reste pour le moment la grande perdante du partage de la valeur numérique face aux majors américaines. Le rapport Lescure publié l’an dernier allait dans ce sens, même si il n’a pas été suivi de réelles mesures concrètes pour le moment.
Les politiques français et européennes devraient aussi donner les moyens de faire émerger une majors culturelle européenne qui soit à même de rivaliser avec les champions américains. Peu d’entreprise en Europe peuvent être à même de rivaliser et de se positionner aussi bien en terme de production culturelle que de distribution numérique. L’allemand Bertlesmann ou le français Vivendi, via ses filiales Universal Music et Canal+, peuvent y prétendre. Encore faudrait-il leur donner les moyens d’y parvenir.