Affaire Julie Gayet vs.Closer : sur l'atteinte à la vie privée dans une voiture, liberté d'expression et droit à l'information

Par un jugement du 2 septembre 2014, le Tribunal correctionnel de Nanterre a condamné un paparazzo et deux responsables du magazine Closer, chacun, à une amende avec sursis pour avoir respectivement pris et publié une photo de l’actrice Julie Gayet au volant de sa voiture.

Le magazine Closer avait publié dans son édition du 17 janvier 2014, une semaine après la révélation de sa liaison avec François Hollande, une photo de l’actrice au volant de sa voiture accompagnée de la légende suivante : « C’est avec sa Citroën blanche que Julie Gayet a l’habitude de retrouver le président ». Celle-ci, s’estimant « traquée », avait alors décidé de poursuivre au pénal le photographe et le magazine.
Le jugement du Tribunal correctionnel est une nouvelle illustration des limitations nécessairement subies par la liberté de la presse en raison du droit de chacun au respect de sa vie privée. En effet, si l’article 1er de la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse dispose que « L’imprimerie et la librairie sont libres », cette liberté trouve sa limite dans le droit au respect de la vie privée.
Le droit au respect de la vie privée est posé à l’article 9 du Code civil, qui dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Sans donner de définition précise, la jurisprudence considère qu’en font notamment partie les droits au nom, à l’image, à la voix, à l’intimité, à l’honneur et à la réputation. Une jurisprudence constante indique, en particulier, que toute personne a sur son image un droit exclusif lui permettant de s’opposer à sa publication sans son autorisation expresse, peu important que la photographie ait été prise dans un lieu public, cette circonstance ne valant pas renonciation tacite de la personne à son droit à l’image.
L’article 9 du Code civil a pour pendant l’article 226-1 du Code pénal, qui puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende « le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui (…) 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé ».
L’article 226-2 du même Code ajoute qu’est puni des mêmes peines « le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu à l’aide de l’un des actes prévus par l’article 226-1 ». Il faut noter, cependant, que le principe selon lequel la liberté de la presse est limitée par le droit au respect de la vie privée trouve une exception dans la participation de l’information à un débat d’intérêt public et le droit à l’information du public. L’atteinte au droit de chacun au respect de sa vie privée par la presse ne sera pas sanctionnée si l’information en cause est en relation directe avec un évènement d’actualité et ne porte pas atteinte à la dignité de la personne.
En l’espèce, l’actrice Julie Gayet avait été prise en photo par un paparazzo au volant de sa voiture, c’est-à-dire sur la voie publique. Cependant, il peut être avancé que sans être totalement à l’abri des regards, la voiture est un lieu privé. De plus, la jurisprudence indique bien que toute personne a sur son image un droit exclusif lui permettant de s’opposer à sa publication sans son autorisation expresse, peu important que la photographie ait été prise dans un lieu public, cette circonstance ne valant pas renonciation tacite de la personne à son droit à l’image. Le magazine Closer a donc porté atteinte au droit au respect de la vie privée de Julie Gayet en publiant cette photo, peu important que celle-ci ait été réalisée sur la voie publique. Les circonstances dans lesquelles a été prise la photo, l’actrice s’estimant « traquée », peuvent aussi expliquer une telle condamnation. De plus, une telle photo de l’actrice ne participait sans doute pas à un débat d’intérêt public, et l’atteinte à l’intimité de sa vie privée ne pouvait être alors justifiée par le droit à l’information du public.
Par ailleurs, l’article 226-2 du Code pénal ajoute que « Lorsque le délit prévu par l'alinéa précédent est commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. » L’article 42 de la loi du 29 juillet 1881 indique alors que « seront passibles, comme auteurs principaux des peines qui constituent la répression des crimes et délits commis par la voie de la presse (…) 1° Les directeurs de publications ou éditeurs ».
En conséquence, le Tribunal correctionnel condamne deux responsables du magazine Closer, ainsi que le paparazzo ayant pris la photo de l’actrice. Cette condamnation pénale vient s’ajouter à une première condamnation du magazine Closer par les juridictions civiles le 27 mars 2014 pour la publication de photos portant également atteinte à l’intimité de sa vie privée.