Groupe média indépendant, une espèce en voie de disparition La vague de rachat des pure-players par les groupes traditionnels

Sport24 racheté par Le Figaro en 2007, Doctissimo par Lagardère en 2008, Rue89 par Le Nouvel Obs en 2011 ou, dernier exemple en date, Hellocoton par Prisma Media en 2012... Les passages de pure-players dans le giron de groupes de presse traditionnels sont légions depuis quelques années et symptomatiques de la digitalisation de l'information. "Sur le numérique, l'attentisme n'est plus tenable pour les grands groupes traditionnels, confie  David Targy. S'ils n'occupent pas rapidement des positions fortes, les nouveaux acteurs risquent de les supplanter." Le cas de Voici (2,3 millions de VU en juillet 2012) et Closer (1,3 million de VU), qui ont perdu leur statut de référent au profit de Pure People (3,2 millions de VU) est une bonne illustration des conséquences de cette passivité.

Internet a vu arriver de nouvelles marques fortes avec des pure-players qui se sont emparés de segments d'audience laissés libre. Voyant les investissements pub online aller croissant alors même que leurs revenus se contractaient, les groupes traditionnels se donc décidés à investir pour ne pas laisser ces nouveaux entrants préempter le marché. Un passage obligé s'ils voulaient à terme jouer un rôle significatif sur un secteur où, rappelons-le, le rang de leader est un véritable avantage concurrentiel. Difficile toutefois  de réussir sur un terrain où les règles du jeu sont différentes, où le communautaire et la réactivité peuvent parfois primer sur la construction de l'information. "Avec le numérique, l'activité d'un groupe média tel que le nôtre, qui était historiquement de produire du contenu et de le monétiser, a évolué vers une approche plus communautaire avec la nécessité de construire une audience, de la qualifier et de l'animer", expliquait récemment Delphine Grison, directrice générale de Lagardère Active au Journal du Net.

Pour capter une cible féminine qu'Elle.fr n'a pas réussi à séduire, Lagardère se résout à acheter Doctissimo

D'où la tentation de racheter un savoir-faire, plutôt que de risquer du temps et de l'argent dans des projets internes. "Le rachat de Doctissimo par Lagardère est, selon moi, la conséquence directe d'un constat d'échec, illustre David Targy.  A savoir l'incapacité du groupe à imposer une marque très forte sur le papier, Elle, dans sa déclinaison online et l'obligation de procéder à une acquisition pour verrouiller la cible féminine." Si le groupe peut, aujourd'hui, se revendiquer comme le leader sur le segment féminin, il le doit plus à Doctissimo, qui représente près de 7,8 millions de visiteurs uniques (en juillet 2012), qu'à Elle.fr qui, en dépit de ses plus de 500 000 ventes mensuelles sur papier, ne dépasse pas les 2,1 millions de visiteurs uniques. 

S'il faut donc chercher les raisons de cette vague d'acquisition dans les errements online des grands groupes traditionnels, la fragilité financière des pure-players a sans doute accentué la tendance. A l'instar d'un Rue 89 qui a préféré s'adosser au groupe Nouvel Observateur pour continuer son développement, les sites d'informations gratuits doivent parfois se résoudre à perdre leur indépendance. "Des sites tels que Slate ou Altantico, qui proposent du contenu gratuit, se heurtent à davantage de difficultés car si leur audience n'est pas négligeable, leur CPM reste faible", expliquait ainsi l'ancien président du Geste, Philippe Janet, au JDN. Il estimait ainsi qu'un pure player avait un CPM situé entre 1 et 3 euros, alors que ce dernier pouvait monter à 10 euros pour un site de presse papier bénéficiant d'une marque forte.
 

Orange, un chevalier blanc qui développe des synergies

Dans une démarche qui couple patriotisme économique (l'entrée au capital de Skyblog) et volonté de placer ses pions dans le contenu grand public, le groupe Orange s'est montré particulièrement actif en matière d'acquisitions ces dernières années. Après s'être essayé (sans succès) à la production interne de contenus, il a successivement investi dans Dailymotion, Deezer et Skyblog pour développer des synergies avec sa propre offre. Une décision que Raoul Roverato, ex-directeur des nouvelles activités de croissance d'Orange justifiait au JDN : "Notre stratégie est que les clients d'Orange utilisent les services d'Orange et qu'ils restent dans un univers Orange. Nous voulons éviter que d'autres sociétés, que nous appelons des "désintermédiaires", s'installent entre nous et nos clients." Une démarche tout à fait compréhensible à l'heure où un acteur tel que Free Mobile est venu dynamiter le marché, contraignant les autres opérateurs à repositionner leur marque sur un segment plus premium.