Illégaux, ces annuaires du Web refusent de fermer

Illégaux, ces annuaires du Web refusent de fermer Il y a 3 mois, l'Arcep interdisait les services mettant en relation un internaute avec un professionnel via un numéro surtaxé. Aujourd'hui, beaucoup contreviennent à cette décision...

Professionnels-sante.fr, Nomao.fr ou encore Allo-medecins.fr... Si vous avez déjà été amené à chercher les coordonnées d'un professionnel de la santé, du bâtiment ou de la restauration, vous êtes sans doute déjà tombé sur l'un de ces annuaires Web qui vous propose une mise en relation via un numéro de téléphone surtaxé. Une pratique très lucrative qui a permis à certaines PME française de s'asseoir sur un petit pécule en l'espace de quelques années. Nomao a ainsi réalisé un chiffre d'affaires de 3,2 millions d'euros en 2012, pour un résultat net de 1,3 million d'euros. Le succès est d'ordre financier bien sûr mais également visible dans les audiences, en témoigne celle du groupe Allo-Média, dirigé par Arnaud Dassier, qui a réussi à attirer 461 000 visiteurs uniques et réaliser 1,2 million de pages vues en juin 2013, selon Médiamétrie // Netratings, sur sa galaxie de sites "Allo-..." (Allo-réparateurs, Allo-commerçants, Allo-garagistes, Allo-loisirs... 

Pénurie de numéros et pratiques parasitaires

Cette économie florissante a pourtant pris du plomb dans l'aile, début juillet 2013, lorsque l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a pris la décision d'interdire d'affecter un numéro surtaxé "à une personne physique ou morale [...] sans avoir recueilli, préalablement et de manière explicite [...] son consentement pour être jointe par un tel numéro". A l'origine de cette décision du régulateur, la crainte d'une pénurie de numéros sous l'effet de la croissance galopante de ces annuaires Web dont les plus gloutons peuvent consommer jusqu'à 30 000 numéros surtaxés. Autre grief énoncé, une utilisation parfois débridée du système, avec un internaute et un professionnel qui n'ont pas toujours conscience de l'économie qu'il génère. Exemple typique du genre d'imbroglio que ce manque de transparence peut amener : certains internautes blâment le professionnel qu'ils contactent, pensant

Des annuaires qui expliquent ne pas avoir d'autre modèle économique viable

que ces derniers sont à l'origine de la surtaxe.
Près de 3 mois après cette décision de l'Arcep, certains se sont mis en conformité, mais de nombreux annuaires en ligne comme étant toujours dans l'irrégularité. "Et pour cause, se défend Laurent Binard, COO du groupe Ebuzzing, éditeur de Nomao, "nous amputer de tout chiffre d'affaires signifierait notre arrêt de mort !" Selon lui, il en va de la survie de Nomao, une PME française de 15 personnes. Car la principale problématique de ces services réside dans l'impossibilité de trouver un modèle économique alternatif. "La publicité display ou l'affiliation ne suffiraient pas à financer tous nos investissements en R&D". Un argument massivement utilisé par ses congénères qui expliquent mettre en place toute une panoplie de services parallèles (recommandation de bonnes adresses, prise en compte des avis des amis...) pour proposer une expérience utilisateur aboutie.

"Cette décision est une exécution en règle, abonde Arnaud Dassier. Comment voulez-vous mettre en place une solution d'opt-in satisfaisante pour des millions de personnes." Et le dirigeant d'Allo-media de souligner que 80% des professionnels sollicités ne répondraient sans doute pas. Balayant également d'un revers de la main la solution du recours au consentement préalable des professionnels, "un procédé beaucoup trop fastidieux", Laurent Binard aspire à la solution de l'auto-régulation. Une position partagée par le SVA +, (une association qui rassemble, entre autres, la FFT, l'Acsel, le Geste, l'Aforst et l'AFRC), qui explique à "60 million" espérer " trouver un compromis intelligent avec le régulateur".

Un opt-out comme étendard de l'auto-régulation

Le SVA+ a dans cette optique transmis à l'Arcep, mi-juin, un projet d'encadrement déontologique, visant à améliorer l'information des internautes, interdire le référencement des administrations publiques et permettre aux professionnels de demander le retrait de leur référencement. "On a même pris la décision d'ajouter un message préalable à la communication téléphonique, pour expliquer que l'appel est surtaxé, précise Arnaud Dassier.

Autre piste avancée par l'organisation, "la mise en place d'un service centralisé qui permettrait à chaque professionnel qui le désire d'être retiré des résultats de l'ensemble des sites participant à l'initiative", explique Jean-Luc Pétorin, PDG de la société "118 000", éditeur du site professionnels-depannage.fr. Une plateforme d'opt-out qui n'est pas sans rappeler celle lancée par les acteurs de la publicité en ligne, Your Online Choices, en réponse à un différend similaire (consentement préalable versus accord par défaut) qui les oppose à la Cnil sur l'exploitation des cookies à des fins publicitaires. Et le mimétisme pourrait ne pas s'arrêter là. L'affaire pourrait en effet traîner en longueur. L'Arcep assure qu'elle fera "le bilan de ces travaux et de ces échanges, fin 2013, avant d'envisager toute modification des dispositions applicables". Pour elle, "ces propositions comportent des avancées significatives que plusieurs points nécessitent d'être approfondis". Ce qui ne laisse pas présager d'issue rapide, dans un sens comme dans l'autre. 

 

Les opérateurs télécom absents du débat

Le point bloquant semblerait en fait surtout résider du côté de l'utilisation massive des numéros surtaxés. La majorité des annuaires soutient qu'il est possible de fonctionner avec moins de mille numéros alors que l'Arcep semble plus sceptique, craignant que les promesses des bons élèves ne soient pas tenues par les cancres. "Un faux problème", selon Arnaud Dassier qui attire plutôt l'attention du côté des opérateurs télécom qui, seuls habilités à attribuer ces fameuses lignes, peuvent faire la pluie et le beau temps. "A eux de blacklister les sites qui contreviennent aux règles." Plus facile à dire qu'à faire. En attendant, ces acteurs ne risquent par grand chose. Le pouvoir de sanction de l'Arcep ne peut en effet s'exercer qu'à l'encontre des opérateurs télécom...