David Licoys (M Publicité) "Notre offre data + media va nous permettre de repremiumiser l'ensemble de notre offre display"

Le directeur des activités digitales de M Publicité (régie du groupe Le Monde) revient sur le lancement de son offre data, l'évolution d'Audience Square et les derniers bouleversements du marché de la publicité online.

JDN. Le marché de la publicité online est en pleine mutation. Comment Le Monde appréhende-t-il cette potentielle redistribution des cartes ?

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David Licoys, directeur des activités digitales M Publicité © S. de P. Le Monde

David Licoys. Nous ne sommes pas dans la réaction mais dans l'anticipation des bouleversements qui affectent un marché, le display, qui vit des heures compliquées, affecté comme l'ensemble du marché publicitaire par le contexte de crise. J'aime reprendre cette expression de Corinne Mrejen, la directrice générale de M Publicité qui, à son arrivée, évoquait la nécessité de "redynamiser cette belle endormie qu'était le Monde", en positionnant le curseur sur les leviers de croissance.

D'où la nécessité de renforcer notre patrimoine digital et de le structurer autour d'un axe composé de notre activité classique de régie, des opérations spéciales et de la commercialisation de l'inventaire en RTB, via l'ad-exchange Audience Square dont nous sommes un des actionnaires. Une stratégie qui nous réussit pour le moment, avec un chiffre d'affaires publicitaire online qui équivaut à 20% de celui de notre activité de régie [M Publicité a réalisé 98 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2012, ndlr].

Concernant votre activité classique de régie, vous proposez aux annonceurs une offre de ciblage socio-démo et comportemental. Pourquoi ce besoin de segmentation ?

Le lancement de cette offre, que nous avons développée en partenariat avec Ezakus, traduit notre volonté de permettre aux annonceurs d'adresser sans aucune déperdition leur cible sur l'ensemble des marques du groupe (le Monde, Telerama, Courrier International et le Huffington Post). C'est ainsi que s'opère une transition du médiaplanning vers l'audience planning qui me semble nécessaire à plusieurs titres : répondre aux besoins des annonceurs les plus matures en ce qui concerne la "data" et réussir à se positionner sur certains bassins d'audience qui n'étaient pas clairement identifiés comme étant chez nous. Je pense notamment à la cible féminine, belle et bien présente sur nos site, mais qu'un annonceur ne pensera pas forcément à venir toucher chez nous, au contraire d'un "Elle" ou d'un "Auféminin". A nous de faire l'effort, avec ces 6 segments comportementaux et ces 3 catégories de cibles sociodémographiques, d'aller chercher les annonceurs dans leur volonté d'achat. Avec plus de 19 millions de profils qualifiés, je nous estime tout à fait légitime dans la démarche.

L'association média + data est incontournable sur le RTB, un peu moins sur l'achat traditionnel...

Re-premiumiser le display avec la data

Et c'est dommage ! Cette initiative procède de notre intention de "re-premiumiser" le display, grâce à une data qui apporte aux haut de page, aux grands formats et habillages, une plus forte valeur ajoutée. Il s'agit de sanctuariser nos espaces premiums, en permettant aux annonceurs d'y instiller la data qu'ils exploitent via un DMP ou celle qu'ils se sont procurés auprès d'acteurs type Weborama. L'important est de rester cohérent par rapport à notre stratégie de marque. C'est la raison pour laquelle nous n'avons par exemple pas cherché à nouer des partenariats avec d'autres sites, qui auraient pu nous permettre de gonfler notre reach, au risque de diluer notre marque.

C'est pourquoi le choix d'Ezakus était une telle évidence, dans la mesure où nos sites étaient déjà équipés de tags de collecte utilisés dans le cadre d'Audience Square. Des outils dont nous avions pu vérifier l'efficacité.

On a brandi (souvent à tort) la menace d'une cannibalisation du display traditionnel par le RTB. Ne craignez-vous pas, en procédant à l'association média + data sur ces deux canaux de ventes, de rendre la confrontation inéluctable ?

On a fait beaucoup de procès hâtifs au RTB. Avant de parler de cannibalisation ou de destruction de valeur, donnons-nous le temps d'analyser les performances obtenues. Certes, on se rend compte que certains annonceurs font glisser une partie de leur budget display vers les ad-exchanges. C'est normal, tous ont envie d'y goûter, ne serait-ce que pour voir de quoi il retourne. D'où l'importance, plutôt que jouer la politique de l'autruche et faire comme si ça n'existait pas, de structurer dès à présent son offre en la matière. Ce qu'a fait Audience Square. Sur la base des premiers mois d'existence, nous n'avons pas observé la chute annoncée du CPM. Et je pense d'ailleurs qu'au contraire la méthode nous permettra de recréer de la valeur, via la data. D'autant qu'il ne faut pas oublier que nous parlons d'un inventaire qui était jusqu'à il n'y pas si longtemps confié aux ad-networks, lesquels prélevaient une marge substantielle au passage.

La quantité d'inventaire commercialisé en RTB est en phase avec nos attentes

Nous gardons toute notre confiance dans Audience Square dont nous sommes actionnaires et avec lequel nous partageons dorénavant l'utilisation de la plateforme technologique d'Ezakus. Je ne peux malheureusement pas vous dire quel pourcentage de notre inventaire est cédé par ce biais mais je peux vous affirmer que ce nous y vendons exactement ce que nous pensions y vendre. La quantité d'inventaire commercialisé par ce biais est en phase avec nos attentes.

A l'heure où le display se réinvente, beaucoup de groupes médias se tournent vers le "native advertising" : un simple buzzword ou une véritable révolution ?

Difficile de répondre à une telle question dans la mesure où nous n'en sommes encore qu'au stade du "test&learn", en réfléchissant comment intégrer l'expression d'une marque quelle qu'elle soit, au cœur d'un article, sans être trop intrusif et en restant le plus explicite possible. Bien sûr, dans certaines conditions, il n'est pas possible de superposer certains contenus publicitaires sur de l'éditorial... Nous tâtonnons encore, nous testons et regardons ce qui marche. Et nous tâchons de mettre tout ça au point avec AdYoulike, notre partenaire. C'est un point sur lequel je tiens d'ailleurs à m'attarder : nous n'hésitons pas à faire appel à un prestataire lorsque nous sentons que nous n'avons pas toute la compétence nécessaire. C'est ce que nous faisons avec AdVideum sur la vidéo et Admoov sur la géolocalisation mobile.

Le mobile est annoncé chaque année, en vain, comme le canal qui va exploser. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Notre premier constat est que la consultation en mobilité ne cesse de grimper. Elle représente aujourd'hui près de 20% de notre audience. Par mobilité, j'entends smartphone et tablette, qui peuvent parfois correspondre à des situations sédentaires. Nous nous sommes lancés très tôt sur le mobile, réussissant à y bâtir une marque forte avec un site mobile qui était classé 19e en France en septembre 2013 selon Médiamétrie // Netratings. A tel point que l'on connait parfois des pics d'audience équivalents à ce que l'on voit sur le Web. Et les investissements ont suivi, situés entre 15 et 20%, là où la moyenne du marché est plutôt autour des 7-8%.

Et la vidéo, vous sentez-vous désavantagés par rapport aux groupes TV ?

Le vecteur de croissance actuel est clairement la vidéo. C'est la raison pour laquelle nous travaillons au lancement d'un studio au sein même du journal, pour pouvoir à l'instar d'une rédaction TV produire du contenu exclusif. Reste que les volumétries sont encore relativement faibles. Et nous préférons, dans l'intervalle, continuer à travailler avec Advideum. Même si l'on fait tout pour monter en compétence à temps.